On place de l’argent dans son REER en prévision de ses vieux jours, mais parfois, tout ne se déroule pas comme prévu. C’est ce qui s’est passé pour Ève*. Jeune avocate, elle a adopté un train de vie beaucoup trop élevé pour ses moyens et s’est enfoncée dans les dettes. Elle y a laissé sa santé. Et son REER.

« J’avais 50 000 $ de dettes, je jonglais pour essayer de boucler mes fins de mois depuis un an et demi, des appels de créanciers me réveillaient le matin, c’était un stress immense, je n’en pouvais plus », raconte Ève.

Pourtant, rien ne la prédestinait à se retrouver dans cette fâcheuse position. À la suite de ses études payées par ses parents, Ève est devenue associée dans un cabinet montréalais après y avoir réalisé son stage.

« J’avais 24 ans et je me suis lancée en affaires, raconte-t-elle. J’ai développé ma clientèle et mes habiletés. »

Avec son conjoint, elle a acheté une grande maison à Blainville avec piscine creusée, l’a meublée en neuf et avait la BMW devant la porte. Mais cela venait avec une heure et demie de transport pour se rendre au boulot. Sa qualité de vie en a pris un coup.

J’ai réalisé après presque trois ans que j’étais malheureuse. Je me demandais ce que j’avais fait de ma vie. À la veille de mes 30 ans, j’étais en crise existentielle. Tout ça a mené à une séparation.

Ève

Le point de bascule

Ève a quitté Blainville avec seulement sa mise de fonds en poche. Elle a loué un appartement-terrasse luxueux à Montréal et a commencé à faire la fête. « Je sortais dans les gros restaurants, je suis partie 30 jours à Bali, j’ai vécu à 100 milles à l’heure », raconte-t-elle. Sa mise de fonds y est passée. Sa santé aussi.

En même temps, le travail lui donnait du fil à retordre avec la faillite de quelques clients et des chicanes entre associés. « J’étais épuisée, mon médecin m’a mise en arrêt de travail pour 30 jours. Si mes revenus ont été grandement amputés, mes dépenses ne diminuaient pas. »

C’est alors qu’une ancienne collègue lui a proposé un poste en entreprise avec des avantages sociaux et un salaire stable, mais d’environ la moitié que ce qu’elle gagnait dans ses bonnes années en pratique privée. Elle a accepté le poste. Par contre, son contrat d’associée exigeait qu’elle paye six mois de loyer, soit près de 3000 $ mensuellement. Elle n’y arrivait plus.

Vider son REER

Alors que les appels de créanciers troublaient son sommeil, elle a appelé en panique son planificateur financier pour regarder ses options. La faillite n’était pas envisageable parce qu’elle lui aurait fait perdre son permis d’exercice. Elle ne voulait pas de proposition de consommateur pour préserver son dossier de crédit. Elle a donc puisé dans ses économies.

J’ai vidé mon REER, où j’avais environ 20 000 $, et il m’est resté la moitié, une fois l’impôt payé. Ça m’a permis de souffler, mais il me reste encore une grosse dette en raison des intérêts astronomiques qui font que je paye très peu de capital.

Ève

Aux yeux de Simon Préfontaine, planificateur financier chez Lafond Services Financiers, il fallait vraiment prendre en considération la situation émotionnelle d’Ève.

« La meilleure décision d’un point de vue financier n’était peut-être pas la meilleure décision pour elle, dit-il. Elle devait préserver sa santé, la qualité de son sommeil et protéger son emploi. C’est la poule qui pond des œufs, alors il faut prendre soin de la poule avant de s’occuper des œufs. »

Avec le recul, Ève se dit toutefois qu’elle aurait pu prendre son courage à deux mains et parler de sa situation à ses proches. « Mais j’avais tellement honte, je trouvais que je n’avais pas le droit d’être rendue là avec tout ce qu’on avait mis à ma disposition. Si j’avais parlé, peut-être que quelqu’un m’aurait aidée. »

* Son prénom a été changé puisque sa famille n’est pas au courant de l’ampleur de ses problèmes financiers.