S'il ne manque pas d'ingénieurs au Québec et qu'aucun grand chantier n'est ralenti à cause d'une pénurie de main-d'oeuvre, cela ne veut pas dire que tout va rondement. Depuis deux ans, un phénomène de rareté s'est installé dans les grands centres et certaines régions sont aux prises avec une réelle pénurie.

Propriétaire de TechnoGénie depuis 20 ans, une agence de recrutement, Martin Mercier refuse chaque semaine des clients situés en région parce qu'il sait qu'il n'arrivera pas à dénicher la perle recherchée.

« Plus difficile qu'auparavant »

« Près des grands centres, c'est plus difficile qu'auparavant. Un mandat qui pouvait nous demander six semaines en exige maintenant dix. Dans les régions éloignées, c'est plus critique », estime le spécialiste.

Il affirme qu'il est difficile de délocaliser les employés en situation de plein emploi. « L'avantage est aux employés. Pour les convaincre, il faut mettre des choses sur la table. On parle de télétravail, d'aménagement d'horaires, de meilleurs salaires et surtout, de projets intéressants. »

Pour aider les employeurs en région, M. Mercier estime que la meilleure solution est de ramener les gens dans leur patelin d'origine. « La solution est de faire revenir les gens dans leur région natale et de garder ceux qui y sont encore. »

L'après-Commission Charbonneau

André Rainville, président-directeur général de l'Association des firmes de génie-conseil - Québec (AFG), confirme la vitalité du marché de l'emploi auprès de ses membres.

« Il y a six ans, en pleine Commission Charbonneau, c'était très difficile. Aujourd'hui, c'est un renversement de situation total. Les investissements dans les infrastructures ont recommencé et la vigueur de l'économie aide beaucoup. S'il y a 100 nouveaux ingénieurs sur le marché demain matin, tous vont arriver à se trouver du travail dans les trois semaines. »

Il ne craint pas la pénurie d'ingénieurs. Selon lui, il s'agit d'une période d'ajustement. « Les firmes compensent avec leurs ressources actuelles et des stratégies à court et moyen terme sont mises en place. »

Immigration, jeunes et femmes

L'Ordre des ingénieurs du Québec (OIQ) a accueilli en moyenne près de 3000 nouveaux membres par année au cours des cinq dernières années, mais près de 15 % des 64 000 membres de l'Ordre ont 60 ans ou plus et 35 % sont âgés de 50 ans ou plus. « Cela démontre bien l'importance de s'assurer du transfert intergénérationnel des connaissances au sein des organisations », affirme Kathy Baig, présidente de l'OIQ.

Déjà, l'Ordre a mis en place des moyens pour intéresser les jeunes en faisant mieux connaître la profession, surtout auprès des femmes. « En ce moment, 17 % de nos membres sont des femmes. On souhaite atteindre 30 % d'ici 2030. Le milieu se mobilise, les inscriptions dans les universités augmentent », dit Kathy Baig.

Autre cheval de bataille, faciliter l'intégration d'un plus grand nombre d'immigrants formés en génie. Depuis juin, un nouveau règlement encadrant le processus d'admission des professionnels formés à l'étranger (PFÉ) est entré en vigueur. « L'approche est personnalisée et tient compte des diplômes obtenus, mais aussi des expériences de travail et de l'ensemble des compétences », explique Kathy Baig. En ce moment, il faut en moyenne 16 mois pour venir à bout du processus. L'OIQ souhaite réduire ces délais à 8 mois.

Photo Alain Roberge, La Presse

Aucun grand chantier n'est ralenti à cause d'un manque de main-d'oeuvre, mais depuis deux ans, les ingénieurs sont plus difficiles à trouver en ville et certaines régions sont en réelle pénurie.