Animatrice de Génie d’ici, une émission de Savoir Média qui met en valeur des projets d’ingénierie québécois, Suze Youance commence à être un visage connu dans son domaine au Québec. Ce qui est moins connu, c’est que l’ingénieure civile a travaillé une dizaine d’années dans son pays d’origine, Haïti, avant de s’installer au Québec et de réaliser des études de cycles supérieurs et se spécialiser en vulnérabilité sismique des bâtiments. Une expertise que la chargée de cours à l’École de technologie supérieure (ETS) aimerait maintenant partager avec son pays d’origine.

Lorsqu’elle travaillait à Haïti comme ingénieure civile dans l’unité d’appui au programme de coopération canadienne, Suze Youance voyait que les documents avec lesquels elle travaillait pour différents projets de développement avaient un point commun : leur manque d’information et de personnes-ressources pour réduire le risque sismique.

C’est ce qui lui a donné envie de choisir ce champ d’études lorsqu’elle est venue s’installer au Québec en 2006, en raison de la situation politique d’Haïti. D’ailleurs, au départ, son projet de doctorat était d’analyser la vulnérabilité sismique des bâtiments administratifs de Port-au-Prince. Comme ils se sont tous effondrés lors du tremblement de terre de 2010, elle a dû trouver un autre sujet. C’est finalement sur la fonctionnalité post-sismique des hôpitaux montréalais qu’elle a réalisé son doctorat, sous la direction de Marie-José Nollet, de l’ETS, et de Ghyslaine McClure, de McGill.

« On a créé un outil d’analyse pour permettre aux gestionnaires d’évaluer le niveau de risque auquel leur établissement est exposé et de trouver des solutions pour le réduire », explique Suze Youance, qui a fait reconnaître son diplôme haïtien sans difficulté à l’Ordre des ingénieurs du Québec.

Elle a aussi obtenu la médaille Sir Casimir Growski Canada, qui récompense les contributions écrites exceptionnelles dans le domaine du génie civil, grâce à la parution dans la revue canadienne de génie civil d’un article qu’elle a coécrit pour résumer sa thèse de doctorat.

La diplômée de l’ETS aimerait maintenant que son pays d’origine puisse bénéficier de son expertise.

Je suis en discussion avec la faculté des sciences de l’Université d’État d’Haïti (UEH), où j’ai obtenu mon diplôme. Il y a une unité qui travaille sur les risques sismiques et nous essayons de trouver des pistes de collaboration, mais c’est difficile en raison des enjeux politiques.

Suze Youance

La passion de la vulgarisation

En plus de son intérêt pour la recherche, Suze Youance est passionnée de vulgarisation scientifique. C’est pour cette raison, d’ailleurs, qu’elle s’est empressée d’accepter le mandat d’animation à Savoir Média et qu’elle aime tant enseigner. Elle donne deux cours de calcul des structures qui sont obligatoires au baccalauréat en génie de la construction.

« Ces cours sont loin d’être les plus attrayants pour les étudiants et mon défi est de réussir à leur faire aimer, indique-t-elle. Je suis très heureuse quand je vois d’anciens étudiants poursuivre leurs études à la maîtrise en structures après avoir suivi mes cours. »

Suze Youance souhaite aussi voir davantage de femmes entreprendre une carrière scientifique. Elle présidera d’ailleurs le comité scientifique de la Chaire de recherche UNESCO Femmes et Sciences pour le développement à l’Institut des sciences, des technologies et des études avancées d’Haïti, un établissement fondé par Samuel Pierre, professeur à Polytechnique Montréal.

« C’est une première pour Haïti », se réjouit-elle.

Dans la faculté des sciences de l’UEH qui l’a diplômée, il y a seulement 11 % d’étudiantes.