D'ici quelques années, le médicament qui luttera contre le cancer ou la salle d'opération dans laquelle on interviendra pour le supprimer auront été conçus par des ingénieurs québécois. Ces innovations seront issues de travaux actuellement réalisés en génie biomédical et en nanotechnologies dans nos grandes écoles de génie. Voici quelques applications de ces deux spécialités montantes du génie au Québec.

La nanopilule téléguidée

Selon Christophe Guy, directeur de Polytechnique Montréal, c'est une première mondiale. Sylvain Martel et son équipe du labo de nanorobotique de Poly ont réussi à guider une bactérie dans les vaisseaux sanguins d'un lapin et à la conduire vers son foie. On a au préalable trafiqué la bactérie pour la rendre sensible aux champs électromagnétiques. On a ensuite inséré la bactérie dans un vaisseau sanguin du lapin, puis on a créé autour de lui un champ magnétique. En faisant varier ce champ magnétique, on a guidé la bactérie vers le foie, à travers le réseau sanguin. Le but est éventuellement de coupler la bactérie à une nanoparticule de médicament et à se servir du microorganisme comme véhicule pour diriger le médicament directement vers la tumeur.

Le simulateur chirurgical

Carl-Éric Aubin, de Polytechnique Montréal, révise complètement le traitement des scolioses, des déformations graves de la colonne vertébrale qui touchent surtout les enfants et les adolescents. On les traite par des interventions chirurgicales. M. Aubin a inventé un simulateur d'opérations de la colonne vertébrale permettant au chirurgien de s'entraîner avant l'intervention. À l'aide d'une modélisation informatique très poussée de la colonne du jeune patient, le chirurgien simulera son intervention avant d'opérer. En comparant diverses approches, il pourra choisir la moins invasive ou celle qui donne les meilleurs bénéfices.

Photo fournie par Polytechnique Montréal

Carl-Éric Aubin

Remplacer une hanche... virtuelle

Natalia Nuno, du labo d'imagerie et d'orthopédie de l'École de technologie supérieure, s'intéresse à l'ingénierie des hanches artificielles. Rappelons que chaque année, 5000 Québécois doivent se faire installer une hanche artificielle. Ces prothèses métalliques interagissent avec l'os vivant qui les soutient et provoquent sa résorption graduelle. Par conséquent, la prothèse ne s'ajuste plus dans l'articulation osseuse, parce qu'elle l'a en quelque sorte grugée. Elle doit alors être changée. Mme Nuno a eu l'idée de tester virtuellement l'interaction d'une nouvelle prothèse en fibres de carbone avec le tissu osseux. À l'aide d'un logiciel très complexe, la hanche mi-os mi-carbone a pu marcher, courir et monter des escaliers. Conclusion: la chercheuse a pu constater une nette amélioration par rapport à la hanche métallique.

Photo fournie par l'ÉTS

Natalia Nuno

Rapiécer les anévrismes

Un anévrisme est une dilatation de la paroi d'une artère. Cette artère risque alors de se rompre. Pour traiter l'aneuvrisme, on implante un bout de tuyau vasculaire artificiel, appelé endoprothèse vasculaire (ou «stent»). Hélas, cette plomberie artificielle échoue parfois assez vite dans son rôle de rapiéçage. En effet, la composition chimique de la prothèse s'avère souvent mortelle pour les cellules des vaisseaux sanguins qu'il reconnecte. Sophie Lerouge, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les biomatériaux et implants cardiovasculaires de l'École de technologie supérieure, s'est attaquée au problème. Elle met au point des nano-enduits dont on revêt les prothèses avant de les greffer. Ces enduits réduisent l'agressivité de la prothèse envers les cellules voisines. La chercheuse conçoit aussi une approche qui permettra d'éliminer le recours aux endoprothèses vasculaires. Il s'agit d'utiliser des gels injectables pour colmater la brèche dans le tissu des vaisseaux sanguins - un mastic vasculaire, en quelque sorte.

Photo fournie par l'ÉTS

Sophie Lerouge

Le profilage des colonies de microbes

Selon Mohammed Meguid, doyen associé au baccalauréat en génie de McGill, le cours de techniques biomoléculaires en génie de l'environnement est l'un des cours d'été les plus populaires de l'école de génie. L'été dernier, 25 étudiants ont sacrifié leurs vacances pour suivre ce cours récemment introduit dans le programme. On y apprend le profilage des microbes. Quand un milieu, un hôpital, une école ou un grand édifice urbain est envahi par des colonies de microagresseurs, on a intérêt à identifier l'ennemi rapidement. On cherche les traces de l'ADN du microbe, on identifie sa variante jusqu'à sa souche particulière, à l'aide des technologies d'analyse de laboratoire de biologie moléculaire les plus avancées. Et quand on sait à qui on a affaire, la guerre peut commencer.