Laurent Couture est prêt à céder les rênes de son entreprise. Son décès ne prendrait pas son équipe au dépourvu.

«Si j'échoue le test de résistance à la bétonnière, blague-t-il, ils m'enterrent, ils me pleurent - un peu - et ils continuent.»

Le président de Toiture Couture planifie cette éventualité depuis presque 10 ans. Mentor dans le Réseau M, il fait profiter les autres entreprises de cette expérience de préparation à la relève.

«La plus grande difficulté, ce sont les fondateurs qui refusent de couper le cordon, a-t-il observé. Certaines entreprises périclitent pendant trois ans.»

Sensibilisé à cette question par son banquier, il a restructuré et rééchelonné dans la pyramide d'âge l'actionnariat de l'entreprise qu'il a fondée avec ses deux frères. Elle compte désormais un actionnaire de plus de 60 ans - lui-même -, trois actionnaires dans la cinquantaine, deux autres dans la quarantaine, et une dernière dans la trentaine - sa fille.

Le fondateur doit admettre qu'il a une «date de péremption», selon son expression.

«La moyenne entreprise n'a pas d'excuses, soutient-il. Elle a plus de moyens que la petite entreprise. Elle peut se payer des services de consultation. Le président peut consacrer plus de temps à planifier l'avenir. Il a un bassin de personnel pour nourrir la pérennité.»

Deux bons conseils

Un transfert harmonieux est, en fait, un tremplin pour la croissance.

«Au Québec, il y a beaucoup de petites entreprises qui ont des chances de devenir moyennes si on porte attention à la relève», soutient Francine Richer, membre associée de la chaire de développement et de relève de la PME à HEC Montréal.

C'est souvent lors du passage de la seconde à la troisième génération que ce pas sera franchi. «C'est celui-là qui a toujours été le plus délicat», ajoute-t-elle.

Deux bons conseils: un bon conseil de famille d'abord, un bon conseil d'administration ensuite, «qui va chercher des compétences à l'extérieur, et qui soit actif plutôt que décoratif».

Avec des familles moins nombreuses, la relève familiale se fait cependant de plus en plus rare.

Il faudra alors chercher au sein de l'entreprise, ou trouver un acquéreur à l'extérieur.

«Une remise de clé en échange d'un chèque, ça ne marche pas, prévient Francine Richer. Ce sera souvent une acquisition progressive.» Les institutions financières voient d'ailleurs d'un oeil favorable cet étalement du risque de la transition.

L'entreprise a-t-elle besoin d'un redressement? Prévoit-on s'étendre sur les marchés étrangers? La nouvelle équipe sera constituée à la mesure de ces futurs défis.

«Il faut une bonne perspective de la croissance de l'entreprise, pas juste pour l'année prochaine, mais pour plusieurs années, insiste Mme Richer. On regardera alors, parmi les compétences déjà en place, qui peut prendre cette relève.»

On permettra à cette relève interne d'acquérir de l'expérience, par exemple, en lui donnant des mandats en rapport avec les compétences requises. En même temps, il faudra trouver une manière d'intéresser les cadres non actionnaires, pour éviter les frustrations à l'égard des nouveaux propriétaires.

Période de transition

Une période de transition est nécessaire, durant laquelle un membre de l'ancienne équipe accompagnera souvent la nouvelle. «Selon mon expérience, il faut un bon cinq ans pour qu'une relève soit vraiment en place», constate Francine Richer.

Les cas de transferts d'entreprises difficiles qu'elle a observés sont survenus lors de transitions trop rapides.

«Le dirigeant doit comprendre que la relève, c'est du sang neuf dans une entreprise, conclut-elle. Il doit faire de la place et permettre à ce sang neuf de circuler. Il n'aimera pas toujours ce qu'il va voir. Mais s'il a un bon conseil d'administration et une équipe de cadres actifs et intéressés, il pourra puiser dans ces ressources.»