De nouveaux retraités ont choisi de vendre leur duplex pour aller en condo. Comment devraient-ils gérer le montant de la vente ?

La situation

Luc* et Jeanne D’Arc*, 60 ans, viennent de prendre leur retraite. Officiellement, c’est seulement Jeanne D’Arc qui l’a prise, parce que Luc a dû partir en arrêt de travail. Il a reçu un diagnostic de la maladie de Parkinson.

Le couple craint de ne pas avoir assez pris de régime enregistré d’épargne-retraite (REER) au cours de sa vie active. Parce que qui dit retraite dit projets. Et les nouveaux retraités veulent s’assurer de pouvoir réaliser les leurs pendant qu’ils sont encore en forme.

« Pour l’instant, mon conjoint reçoit des prestations d’invalidité de son employeur jumelées à celle du gouvernement, raconte Jeanne D’Arc au téléphone. Mais à 65 ans, les prestations de l’employeur vont cesser et mon conjoint n’a pas de régime de retraite. Il va y avoir un trou et c’est ce qui nous inquiète. Mon conjoint aura moins de revenus. »

Les sexagénaires ont donc décidé de mettre en vente leur duplex et d’aller vivre en condo.

« En allant en condo, notre but, c’est de ne plus avoir de dettes », explique Jeanne D’Arc.

Le couple a une hypothèque de 198 000 $ sur le duplex. Le taux est bon : 2,64 % jusqu’en 2025. Le prix affiché de l’immeuble à vendre est de 519 000 $. En vendant, ils devront payer 50 % de gain en capital, puisqu’ils ont un locataire.

Pour ce qui est du condo, il a été payé 153 000 $ en mai dernier (c’est un condo en région). L’hypothèque à 5,5 % jusqu’en 2026 s’élève à 120 800 $.

« Après avoir fait quelques calculs, notre objectif annuel de coût de vie est de 100 000 $ brut pour la famille. Ça inclut un budget voyage de 12 000 $ net par année pendant 10 ans. On a aussi des rénovations à faire au condo qu’on estime à 15 000 $. »

« Avec la vente de la maison, on veut aussi en profiter pour acheter un VUS de 45 000 $. On l’a commandé et il devrait arriver en mai. »

« Avec tout ça, on serait bien heureux », affirme Jeanne D’Arc au téléphone.

Luc et Jeanne D’Arc se demandent s’ils doivent utiliser le montant de la vente du duplex, après impôts, pour payer toutes leurs dettes. Devraient-ils rembourser complètement le prêt hypothécaire du condo ? Devraient-ils placer une partie de la somme ? Ou serait-ce une bonne idée d’acheter un autre condo et de le louer ?

Les chiffres

Luc*, 60 ans, retraité

  • Prestations d’invalidité de l’employeur jusqu’à 65 ans : 4070 $/mois
  • RRQ à 65 ans : 1268 $/mois
  • Régime de retraite : aucun
  • REER : 16 800 $
  • CELI : 12 000 $
  • Placements non enregistrés : aucun
  • Droits de REER non utilisés : 193 000 $
  • Prêt hypothécaire condo : 120 800 $
  • Prêt hypothécaire duplex : 198 000 $

Jeanne D’Arc*, 60 ans, retraitée

  • Régime de retraite : 4280 $/mois indexé
  • RRQ à 65 ans : 1060 $
  • REER : 37 000 $
  • CELI : 500 $
  • Placements non enregistrés : aucun
  • Droits de REER non utilisés : 56 000 $

L’analyse

Pierre-Raphaël Comeau, conseiller principal, planification financière, Valeurs mobilières Banque Laurentienne, cabinet de services financiers, a fait l’analyse du dossier.

« Avec la conjoncture économique, les suppressions de postes, les restructurations d’entreprises, c’est vraiment dans l’air du temps de réduire sa superficie habitable », note le planificateur financier.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

Pierre-Raphaël Comeau, conseiller principal, planification financière, Valeurs mobilières Banque Laurentienne, cabinet de services financiers

Il salue cette décision du couple de réduire son style de vie, d’avoir moins d’entretien à faire, car ce sera plus difficile en vieillissant avec la situation de Luc. Et en réduisant leur superficie habitable, ils auront plus de temps pour profiter de la vie et voyager.

Le couple a évoqué la possibilité d’acheter un deuxième condo destiné à la location. Cependant, le planificateur financier est catégorique.

Je ne vois pas comment l’idée d’acheter un locatif est une bonne idée, parce que la décision de vendre le duplex pour passer au condo est liée au style de vie. Ont-ils envie d’entretenir un deuxième appartement et de s’occuper de locataires ?

Pierre-Raphaël Comeau, conseiller principal, planification financière, Valeurs mobilières Banque Laurentienne, cabinet de services financiers

Au premier coup d’œil, lorsque Pierre-Raphaël Comeau a regardé les avoirs du couple, il craignait que leur désir d’avoir un budget de retraite annuel à 100 000 $ brut ne soit pas réalisable. Que leur envie de voyages à hauteur de 12 000 $ par année soit en péril. Or en entrant tous les chiffres détaillés dans son logiciel spécialisé, ça fonctionne, indique-t-il. « Le logiciel a écrit “Félicitations” », décrit-il.

« Ça va être possible, surtout parce que Jeanne D’Arc a un excellent régime de retraite de son employeur. Ils auront aussi les rentes des deux gouvernements et le capital qu’ils réussiront à dégager de la vente du duplex. »

Il est même possible d’augmenter les dépenses de 450 $ à 500 $ par mois pendant toute la retraite, soit pour voyager plus ou rénover plus. À 95 ans, il leur restera encore la valeur du condo.

Pierre-Raphaël Comeau a indexé chaque année les 12 000 $ prévus pour les voyages.

L’année de la vente du duplex, le planificateur financier leur conseille d’acheter 40 000 $ de REER chacun pour annuler presque tout l’impôt à payer sur le gain en capital et réduire leur revenu taxable sous les 51 780 $.

Investir ou rembourser le prêt hypothécaire ?

Pierre-Raphaël Comeau a comparé les deux scénarios proposés par Jeanne D’Arc et Luc. Devraient-ils utiliser le capital dégagé avec la vente du duplex pour rembourser le prêt hypothécaire du condo ou placer l’argent ?

Le planificateur a utilisé les rendements estimés de l’Institut de planification financière à 4,25 % pour le profil équilibré et un taux hypothécaire éventuel estimé à 4,3 %.

La vraie décision devra être prise à l’échéance de l’hypothèque en 2026, car les frais pour casser une hypothèque avant terme sont rarement avantageux, soutient-il.

En regardant les résultats, Pierre-Raphaël Comeau constate que la décision finale ne sera pas mathématique.

« Que l’hypothèque soit remboursée ou que l’argent soit placé, la différence est marginale, estime-t-il.

« S’ils vivent jusqu’à 95, ils auront 30 000 $ de plus. C’est tout.

« La décision à prendre ne doit pas être basée sur les avantages monétaires, mais plutôt en fonction du degré de confort avec l’endettement, qui semble, dans leur cas, faible, ainsi que du degré de confort avec les investissements, qui semble faible aussi, et des taux hypothécaires au renouvellement en 2026. »

« Comme ils n’ont pas beaucoup d’investissement, je serais porté à croire qu’ils n’ont pas vécu beaucoup de krachs boursiers et de bourses qui remontent. Jeanne D’Arc affirme aussi qu’elle n’a pas de dette et ça semble être important pour elle. Je leur conseillerais donc d’opter pour le remboursement de l’hypothèque en 2026. »

Après avoir payé tous les frais de notaire, de déménagement, d’achat de nouveaux meubles et de rideaux, de peinture, l’achat du VUS et les rénovations, le planificateur suggère à chacun de prendre 40 000 $ en REER (80 000 $) et de mettre le reste en compte d’épargne libre d’impôt (CELI), soit environ 96 000 $.

Pour que le plan de retraite fonctionne, Luc prend ses rentes à 65 ans, tandis que Jeanne D’Arc doit attendre à 70 ans pour avoir le montant bonifié. Elle pourrait même attendre jusqu’à 72 ans pour le régime de rentes du Québec (RRQ).

Les REER et CELI sont décaissés à partir de 2030 lorsque les assurances invalidité de Luc s’arrêtent et que Jeanne D’Arc subit la coordination de son régime de retraite avec les rentes des gouvernements.

Outre les crédits d’impôt pour frais médicaux, Pierre-Raphaël Comeau conseille à Luc de demander le crédit d’impôt pour personne handicapée (CIPH), dont les règles ont été élargies au cours des dernières années et qui permet d’obtenir des services. De son côté, Jeanne D’Arc pourrait demander le crédit d’impôt pour aidant naturel au fédéral et celui pour proche aidant au provincial.

Pierre-Raphaël Comeau rappelle qu’un plan de décaissement est vivant et flexible. Il est important de le réviser en cours de route pour s’assurer d’être sur le bon chemin.

* Bien que le cas mis en lumière dans cette rubrique soit réel, les prénoms utilisés sont fictifs.

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