Quels sont les revenus d’une famille avec deux enfants, d’après vous ? Après impôt. Autrement dit, quel est le revenu familial net de la classe moyenne du Québec ?

Cette question m’est souvent posée par les lecteurs. J’étais donc intrigué de voir la réponse dans le relevé de l’Institut de la statistique du Québec (ISQ), publié fin février. D’autant que ce relevé nous permet de comparer la situation des familles des différentes régions et de voir l’évolution de leur niveau de vie dans le temps, une fois pris en compte les effets de l’inflation⁠1.

Alors, ce couple de la classe moyenne avec deux enfants ? Il gagne quoi, 75 000 $, 100 000 $, après impôt et transferts ?

Eh bien non, le revenu médian des couples avec deux enfants a atteint 119 820 $ au Québec, après impôt et transferts. Pas mal, non ?

Ô surprise, la région au sommet n’est pas Laval ou Québec, mais la Côte-Nord. Et pas loin derrière, l’Abitibi-Témiscamingue et le Saguenay–Lac-Saint-Jean.

Combien ? Attendez, attendez. Avant le détail, il faut dire ceci. Les données de l’ISQ les plus récentes datent de 2021, et il faudrait probablement les majorer de quelques points de pourcentage, puisque les salaires ont augmenté plus vite que l’inflation depuis deux ans.

Par ailleurs, l’ISQ utilise le revenu médian, qui est le point milieu entre ceux qui gagnent plus et ceux qui gagnent moins. Cet indicateur est jugé plus représentatif que la moyenne, influencée par les extrêmes.

Selon l’ISQ, donc, les couples avec deux enfants de la Côte-Nord disposent de 137 920 $ pour vivre après impôt et transferts. C’est plus de 18 000 $ au-dessus de la moyenne du Québec, ou 15 %. Cet écart s’explique probablement par la présence de certaines grandes industries dans la région, aux salaires élevés, qu’on pense à Alcoa et à Rio Tinto.

Même constat au Saguenay–Lac-Saint-Jean, où le couple médian avec deux enfants empoche 122 530 $.

À l’autre bout du spectre, j’ai été étonné d’y voir les régions de Montréal et de l’Estrie, où cette famille médiane dispose de moins de 113 000 $, moins que celle de la Gaspésie. Probablement l’effet des contribuables aux revenus plus faibles (étudiants, nouveaux arrivants, etc.).

Consolation pour Montréal, c’est l’endroit qui a enregistré la plus forte hausse du revenu depuis 10 ans parmi les régions du Québec.

Maintenant, de combien le niveau de vie a-t-il augmenté depuis 10 ans pour ces couples avec deux enfants ? L’ISQ publie ses données en dollars constants pour chacune des années, c’est-à-dire après avoir retranché l’inflation, si bien que la hausse de ces revenus s’apparente à l’amélioration du niveau de vie.

Certains seront surpris d’apprendre que le couple québécois avec deux enfants disposait en 2021 de presque 26 % plus de revenus qu’en 2011. Et l’inflation a été soustraite, l’ai-je dit ?

Montréal est l’endroit qui a enregistré la plus forte hausse depuis 10 ans, comme je l’ai mentionné plus haut, à presque 35 %. La queue du peloton est occupée par l’Outaouais (+ 21 %).

Autre constat : en découpant l’analyse selon le type de famille, on est à même de constater que ce sont les familles monoparentales avec trois enfants ou plus dont les revenus ont le plus augmenté (+ 42 %, à 62 760 $), probablement en raison des programmes gouvernementaux plus généreux.

Les transferts gouvernementaux inclus dans les « revenus après impôt et transferts » englobent l’allocation pour enfants, les revenus d’assurance-emploi et les crédits pour la TPS et la TVQ, entre autres. Ceux pour la COVID-19 y sont aussi, mais ils étaient nettement moins importants qu’en 2020.

C’est bien beau le Québec, mais qu’en est-il ailleurs ? En gros, le couple avec deux enfants du Québec, à près de 120 000 $, arrive au 6rang au Canada. C’est seulement 5 % derrière l’Ontario (125 570 $), au 2rang, et c’est toujours après impôt et transferts⁠2.

D’accord, mais l’impôt, justement ? Bien moindre qu’on se l’imagine. Les gens pensent qu’ils paient plus de 50 % d’impôt, mais ils oublient que ce haut taux d’imposition vise seulement leur tranche de revenus la plus élevée et pas l’ensemble de leurs revenus.

Au Québec, en 2024, seule la tranche de revenus excédant 173 205 $ est frappée d’un taux d’imposition de 49,97 % ou plus⁠3. De plus, les prestations que verse le gouvernement aux familles, entre autres, font descendre le taux net d’imposition, tout compte fait.

En moyenne, donc, le revenu médian AVANT impôt des couples québécois avec deux enfants a été de 143 190 $ en 2021, selon Statistique Canada. Comparé aux revenus APRÈS impôt de 119 440 $, on en déduit un prélèvement moyen du gouvernement de 16,6 % ⁠4.

C’est Terre-Neuve-et-Labrador et la Nouvelle-Écosse qui ont le taux le plus haut, à 18,1 %. Et, ô surprise, le Québec est au 5rang (16,6 %), seulement un poil et demi devant l’Alberta (16,2 %). L’Ontario est à 16 %.

Notez cependant que la situation québécoise est moins favorable pour les couples sans enfants. Certes, leur taux de prélèvement est moindre que celui des couples ayant des enfants, pour la simple raison que leurs revenus après impôt et transferts sont plus bas (81 100 $ au Québec). Mais leur taux de prélèvement au Québec, de 13,1 %, est le 2e au Canada. Il se compare à des taux de 10,4 % en Colombie-Britannique et de 11,5 % en Ontario.

Bien des chiffres, comme vous voyez, mais instructifs…

1. Consultez le site de l’Institut de la statistique du Québec

2. Les données pour la comparaison canadienne viennent directement de Statistique Canada. Elles diffèrent légèrement de celles de l’ISQ, mais l’écart est négligeable à ce niveau d’agrégation.

3. Le taux marginal est plus précisément de 49,97 % pour la tranche de revenus entre 173 205 $ et 246 752 $ et de 53,31 % pour la portion des revenus au-dessus de 246 752 $.

4. Ce prélèvement ne comprend pas les cotisations aux régimes de retraite, notamment, ni les taxes de vente, bien sûr.