Dans L’argent et le bonheur, notre journaliste Nicolas Bérubé offre chaque dimanche ses réflexions sur l’enrichissement. Ses textes sont envoyés en infolettre le lendemain.

Je crois que c’est Pierre-Yves McSween qui a déjà dit que lorsqu’il voyait un véhicule de prestige passer dans la rue, il aimerait connaître le solde du régime enregistré d’épargne-études (REEE) des enfants du conducteur.

Je me fais souvent cette réflexion. Le ratio valeur du véhicule/valeur du compte REEE nous donnerait une bonne idée du niveau de littératie financière de nos concitoyens.

Ça me fait réaliser que j’aborde peu ici les différences entre les nombreux comptes enregistrés, comme le régime enregistré d’épargne-retraite (REER), le compte d’épargne libre d’impôt (CELI), le compte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété (CELIAPP) ou le REEE.

Cette semaine, je vais donc vous parler de trois façons d’alimenter un REEE. Je les nomme les médailles de bronze, d’argent et d’or du REEE en fonction de leurs résultats potentiels. Des résultats qui nous en apprennent autant sur le REEE que sur le pouvoir des intérêts composés.

Comme vous le savez sans doute déjà, le REEE est une « boîte » qui permet aux parents de faire fructifier des cotisations et des subventions gouvernementales pour aider à financer les études postsecondaires d’un enfant.

Le compte peut être ouvert dès l’année de sa naissance. Puis, quand notre petit Mozart entreprend lesdites études postsecondaires, près de deux décennies plus tard, les parents peuvent récupérer leurs cotisations. La croissance des placements et les subventions, elles, seront progressivement décaissées et imposées entre les mains de l’enfant. Dans les faits, elles seront peu ou pas imposées, puisque les adolescents ou les jeunes adultes ont généralement peu de revenus.

Si votre enfant devient un influenceur TikTok et ne fait pas d’études postsecondaires, le REEE peut être transféré à un autre enfant. Sinon, vous devrez rembourser les subventions gouvernementales et le rendement qu’elles ont généré, mais vous conserverez vos cotisations et leur croissance – croissance qui pourra potentiellement être transférée dans votre REER.

Pour obtenir le maximum de subventions, les parents doivent cotiser 2500 $ par année par enfant. Le gouvernement fédéral y ajoutera 500 $ par enfant, tandis que le gouvernement provincial y ajoutera 250 $ par enfant.

Le total à vie des subventions accordées par les gouvernements est plafonné à 10 800 $ par enfant. Ce total est atteint au bout d’un peu plus de 14 ans à cotiser 2500 $ par année.

Au bout de 18 ans, et si on émet l’hypothèse d’un rendement de 6 % sur les placements, un tel compte pourrait valoir environ 100 000 $. Dans ce scénario, 36 000 $ proviendraient des cotisations des parents et 64 000 $, du rendement et des subventions.

C’est ce que j’appelle la médaille de bronze du REEE. Bien qu’elle soit excellente, cette façon de faire laisse beaucoup d’argent sur la table.

Pourquoi ? C’est que le maximum de cotisations à vie dans un compte REEE pour un enfant est établi à 50 000 $ – soit 14 000 $ de plus que les 36 000 $ qui donnent droit aux pleins montants des subventions.

Ce « trou » est souvent inexploité. Or, même s’ils n’engendrent pas de subventions, ces 14 000 $ pourraient fructifier à l’abri de l’impôt dès la naissance jusqu’au moment du décaissement. Et la croissance sera imposée aux mains de l’enfant.

À la naissance de votre enfant, vous cotisez donc 16 500 $ (14 000 $ et les 2500 $ de l’année 1) dans le REEE. Ensuite, vous cotisez 2500 $ chaque année, jusqu’à avoir atteint le plafond de 50 000 $ en cotisations.

C’est la médaille d’argent de l’épargne-études. Avec un rendement de 6 %, ça donne environ 139 000 $ au bout de 18 ans. De ce montant, 50 000 $ viennent des cotisations et 89 000 $, des subventions et de la croissance.

Mais il existe une stratégie encore plus profitable : investir les 50 000 $ d’un coup à la naissance de l’enfant et ne plus rien cotiser ensuite.

En le faisant, on dit essentiellement adieu aux subventions : on touchera 500 $ d’Ottawa et 250 $ de Québec la première année. Mais on ne touchera plus rien ensuite, puisqu’on ne cotise plus.

Comment ne pas toucher de subventions peut-il être une bonne idée ?

C’est que le pouvoir des intérêts composés – qui sont tout simplement de l’intérêt que l’on fait sur de l’intérêt – écrase tout sur son passage, même des chèques de Québec et d’Ottawa.

Sur une période de 18 ans, un placement de 50 000 $ pourra croître jusqu’à environ 145 000 $ si on émet l’hypothèse d’un rendement annuel de 6 %. De cette somme, 95 000 $ proviendraient de la croissance du montant initial et des 750 $ en subventions.

Et, n’oublions pas : les parents récupèrent les 50 000 $. C’est la croissance qui sera imposée entre les mains de l’enfant.

C’est la médaille d’or du REEE.

Je vous entends protester. Qui a 50 000 $ à investir à la naissance de son enfant ? Probablement pas grand monde. En plus, cette stratégie n’est avantageuse que si l’on a maximisé ses cotisations dans le CELI et le REER, et que si on a payé ses dettes, etc.

Mais pour un couple qui commence à épargner dans la vingtaine, ce n’est pas hors d’atteinte.

Par exemple, bien des gens commencent à avoir des enfants plus tard dans la vie, à 35 ou à 40 ans.

Une personne de 25 ans qui épargnerait et investirait 40 $ par semaine et augmenterait son épargne de 10 % chaque année se retrouverait avec 50 000 $ durant l’année de ses 35 ans, si on émet l’hypothèse d’un rendement de 6 % sur ses placements. À deux, ça fait 20 $ par semaine par personne pour commencer.

Ce ne sont pas des sommes énormes. Mais ça pourrait donner des résultats énormes.

C’est le pouvoir des intérêts composés.

Les banques profitent des intérêts composés pour s’enrichir, notamment quand elles prêtent de l’argent aux gens qui veulent conduire un VUS de prestige.

Et vous ?

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