L’année dernière n’aura pas été de tout repos pour les Canadiens qui ont dû déclarer faillite ou faire une proposition à leurs créanciers : plus de 100 000 consommateurs ont déposé des dossiers d’insolvabilité en 2022. C’est une hausse de plus de 11 % comparativement à 2021, qui était une année… incomparable !

Retour aux années « normales »

Ces chiffres, dévoilés par le Bureau du surintendant des faillites, font donc état d’une hausse appréciable en 2022, mais ils restent inférieurs de 27 % à ceux de 2019.

La pandémie a chamboulé les finances des gens et des entreprises, tantôt en mettant de la pression, tantôt en apportant une aide financière ponctuelle ou un délai de grâce. Ce qui a donc mis un frein aux demandes de propositions de la part des consommateurs.

« Durant la pandémie, tout a été mis en pause », met en contexte André Bolduc, syndic autorisé en insolvabilité et vice-président de l’Association canadienne des professionnels de l’insolvabilité et de la réorganisation. « Les aides gouvernementales ne sont plus là, c’est un retour à la normale, et le taux d’insolvabilité revient aussi vers la normale, dit-il. Mais il y a des possibilités que ça aille au-delà de ce qu’on avait avant la pandémie. »

Pierre Fortin, président de Jean Fortin, réorganisation financière, rappelle aussi que les créanciers ont été plus souples durant les deux dernières années et reprennent graduellement leurs demandes de recouvrement.

L’inflation, encore…

Selon l’Association canadienne des professionnels de l’insolvabilité et de la réorganisation, il faut s’attendre à ce que les faillites continuent d’augmenter, puisque l’inflation amène une pression supplémentaire sur le budget des consommateurs.

Même si les locataires représentent près de 85 % des gens qui font faillite ou qui doivent faire une proposition à leurs créanciers, André Bolduc précise que les propriétaires qui ont un prêt hypothécaire à taux variable sont plus vulnérables, présentement. Tout comme ceux qui devront renouveler leur hypothèque en ce début de 2023.

À cela, dit-il, il faut ajouter les autres dépenses courantes qui augmentent, à commencer par le prix des aliments. Les gens qui prévoient moins, qui n’ont pas de coussin de sécurité ou d’économies sont plus à risque.

On sait que c’est environ 50 % des ménages qui vivent de paie en paie. Et ça n’a pas changé beaucoup.

André Bolduc, syndic autorisé en insolvabilité et vice-président de l’Association canadienne des professionnels de l’insolvabilité et de la réorganisation

Le syndic Pierre Fortin s’attend aussi à voir cette hausse se poursuivre, pour atteindre des niveaux prépandémiques à partir de la fin du printemps ou de l’été 2023.

« Les gens viennent nous voir quand ils ont étiré l’élastique. Les retards de paiements ont commencé, le dossier de crédit est affecté et c’est le début des difficultés financières », indique M. Fortin.

Plus de propositions

Parmi les dossiers d’insolvabilité remplis en 2022 par des consommateurs canadiens, les trois quarts ont déposé une proposition et l’autre quart, une cession des biens, donc une faillite.

Et c’est une excellente nouvelle, explique Pierre Fortin.

« Quelqu’un qui fait une proposition a des revenus suffisants pour faire une offre à ses créanciers ou un actif qu’il veut protéger, bien souvent un immeuble qui a gagné en valeur avec la pandémie », dit-il.

Il faut aussi noter que ce niveau de « propositions », par rapport aux faillites, est en hausse. Avant la pandémie, c’était plutôt environ la moitié des gens en difficulté qui déclaraient faillite, précise Pierre Fortin.

L’exception québécoise

Si le Québec se hisse dans le top 3 des provinces ayant le plus de dossiers d’insolvabilité pour 2022, la hausse, proportionnellement, y est moins élevée que dans des provinces comme la Colombie-Britannique ou la Nouvelle-Écosse.

Pourquoi ?

Selon le président de Jean Fortin, réorganisation financière, deux facteurs expliquent cette exception québécoise. « Au Québec, on a un taux de propriétaires moins élevé que dans le reste du pays et la valeur des maisons, avant la pandémie, était beaucoup plus faible ici qu’ailleurs au pays. Ce qui fait qu’on a toujours eu un moins grand pourcentage de notre budget familial qui allait pour le paiement d’hypothèque », dit Pierre Fortin.

Les augmentations des taux d’intérêt ont donc inévitablement frappé plus durement ailleurs au pays.

L’autre facteur déterminant : le niveau d’endettement de crédit personnel est plus bas au Québec (cartes de crédit, prêt personnel…).

Et les gens qui se présentent devant les syndics, explique Pierre Fortin, sont souvent ceux qui ont de la difficulté à gérer ces dettes personnelles.

Des entreprises en difficulté

Les chiffres sont aussi impressionnants à propos des entreprises dont les cas d’insolvabilité ont grimpé de 37 % l’année dernière, ce qui en fait la plus importante hausse des 30 dernières années. Sur une base annuelle, le nombre de dossiers d’insolvabilité demeure inférieur à ce qu’il était avant la pandémie – 7,6 % inférieur à 2019.

La construction, les services d’hébergement et la restauration ont été plus durement touchés, ce qui ne surprendra personne au sortir des années d’une pandémie qui a mis un frein à ces trois secteurs économiques.

À l’inverse de la tendance pour les consommateurs, 77 % de ces entreprises ont déclaré faillite, alors que 23 % ont offert une proposition à leurs créanciers.

En savoir plus
  • 25 433
    C’est le nombre de dossiers d’insolvabilité au Canada en 2022, pour les consommateurs au Québec. Seul l’Ontario en a davantage, 34 736.
    source : Bureau du surintendant des faillites