Dans l’infolettre L’argent et le bonheur, envoyée par courriel le mardi, notre journaliste Nicolas Bérubé offre des réflexions sur l’enrichissement, la psychologie des investisseurs, la prise de décisions financières. Ses textes sont repris ici le dimanche.

L’agence QMI a publié à l’automne une nouvelle avec un titre qui a capté mon attention : « Moins cher de prendre la voiture que le métro, selon une Longueuilloise ».

Je clique toujours sur ce genre d’articles. Je l’admets : j’aime parcourir le linge sale financier de parfaits inconnus pour avoir accès à la vision qu’ils ont de certains dilemmes liés à l’argent.

Aussi, j’ai toujours cru que les transports en commun étaient l’option la moins coûteuse après la marche et le vélo. Est-ce que mes idées préconçues m’empêcheraient de voir la réalité ?

Dans ce cas-ci, il s’agit d’une femme de Longueuil qui travaille trois jours par semaine à Montréal, près de la station de métro Rosemont, et qui a décidé d’acheter une deuxième voiture uniquement pour se rendre au travail.

« Avec l’augmentation tarifaire, ça me coûtait 10,50 $ [en transports en commun], alors que le stationnement à côté de mon travail me coûte 10 $. C’est le même prix pour beaucoup plus de trouble », conclut-elle.

A-t-elle raison ? C’est vrai que ces deux montants se ressemblent.

Faisons le calcul.

Premièrement, un truc : toujours calculer nos dépenses sur une période de 10 ans. Des dépenses qui peuvent sembler sans conséquence sur un mois ou un an deviennent importantes lorsqu’on les calcule sur une décennie, une période qui, on le réalise en vieillissant, revient souvent dans une vie.

Disons que cette travailleuse est très raisonnable et achète une Toyota Corolla à 25 000 $ (28 750 $ avec les taxes) et ne paie aucun intérêt. Selon Caredge.com, cette Toyota perdra environ 30 % de sa valeur sur 10 ans si on la conduit peu, et donc en vaudra désormais 17 500 $. Donc la dépréciation et les taxes auront coûté 11 250 $.

Ensuite, un aller-retour du Vieux-Longueuil jusqu’à Rosemont fait 16 km. À trois jours par semaine, en incluant trois semaines de vacances par année, ça fait 2352 kilomètres par année, ou 23 520 kilomètres en 10 ans.

À 7 litres les 100 kilomètres, on est à 2470 $ pour l’essence (avec un litre à 1,50 $) en 10 ans.

En plus de l’essence, il faut compter les changements d’huile, l’entretien, les réparations, les pneus, l’assurance, l’immatriculation... Soyons généreux et mettons tout cela à 83 $ par mois, ou 1000 $ par année. Sur 10 ans, il faut donc compter 10 000 $.

On est rendu à 23 720 $ pour aller travailler en auto solo trois jours par semaine pendant une décennie. Mais, ne l’oublions pas, il faut ajouter le fameux stationnement près du travail, celui qui ne coûte que 10 $ par jour. Ajoutons donc 14 700 $ à nos dépenses, pour un total de 38 420 $.

Pour l’option des transports en commun trois fois par semaine, il faut compter 15 435 $ sur 10 ans.

Donc prendre la voiture est 22 985 $ plus cher que prendre les transports en commun, ou environ 2300 $ par année.

Mais ce n’est pas tout, parce que, comme le savent les lecteurs de cette rubrique, nos dollars peuvent travailler pour nous dans le temps.

Une personne qui investirait 2300 $ par année dans son CELI dans un portefeuille équilibré et obtiendrait 6 % de rendement annuel aurait plus de 32 000 $ au bout de 10 ans, près de 90 000 $ au bout de 20 ans, et près de 200 000 $ au bout de 30 ans.

Sur une carrière qui s’étire de l’âge de 25 ans à 65 ans, on en serait à 377 000 $ en placements non imposables dans un CELI.

Tout ça pour prendre le métro trois jours par semaine. Et je n’ai même pas inclus dans mon calcul les rendements sur les 25 000 $ dépensés pour acheter la voiture en premier lieu.

Notez que j’ai utilisé une Toyota Corolla dans mon exemple. Pour une voiture luxueuse, vous pouvez doubler, voire tripler les coûts. Sur l’ensemble d’une carrière, ce serait entre 750 000 $ et plus de 1 million de dollars auxquels cette dame renoncerait.

Dans l’article, la dame souligne que l’horaire de l’autobus pour aller au métro a changé et qu’il est moins pratique qu’avant. Donc il y a le côté pratique à prendre en compte dans cette décision.

Cette travailleuse a sans doute de bonnes raisons d’aller travailler en voiture, raisons qui ne regardent qu’elle. C’est son choix. Mais ce n’est pas « moins cher » que le métro.

Amis automobilistes, ne nous faisons pas d’illusions : nos véhicules pulvérisent nos dollars, le temps que nous avons mis à les gagner, et les sommes qu’ils pourraient générer s’ils étaient investis.

Si votre situation financière ou celle d’un proche n’est pas idéale, on vient peut-être de trouver l’un des coupables. Et, avant de m’écrire que vous habitez à 72 kilomètres du travail, rappelez-vous qu’un travailleur sur trois au Québec habite à moins de 5 kilomètres de son lieu de travail. Pourtant, 78 % des trajets vers le travail se font... je vous laisse trouver la réponse.

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