Une mère et ses deux jumelles ayant une déficience intellectuelle veulent quitter leur appartement pour avoir enfin la paix d’esprit.

La situation

Céline*, 51 ans, est mère célibataire. Si sa fille la plus âgée vole déjà de ses propres ailes, ses deux jumelles de 18 ans ayant une déficience intellectuelle légère ne quitteront pas le nid familial de sitôt.

« Je cherche une maison pour nous trois, écrit Céline. Nous voulons la paix d’esprit et arrêter de subir le zèle des propriétaires avec leurs augmentations de loyer et leurs reprises de logement. »

Ses filles sont élèves à temps plein dans un centre où elles ont un plan de transition de l’école vers la vie active (TEVA). Elles font des stages en entreprise deux jours par semaine, mais ne sont pas rémunérées. Leur parcours scolaire est difficile, et elles ne réussiront pas à obtenir un diplôme d’études professionnelles (DEP), précise-t-elle. Conséquemment, Céline prévoit que ses filles resteront à ses côtés pendant plusieurs années.

On ne sait pas encore si elles auront le droit de travailler. Les gens n’engagent pas beaucoup les personnes avec des contraintes sévères à l’emploi.

Céline

Céline, pour sa part, travaille dans la fonction publique. Elle a un revenu annuel de 40 000 $ et le fonds de pension à prestations déterminées RREGOP. À 61 ans, elle aura accumulé 26 ans de services. C’est à cet âge qu’elle planifie de prendre sa retraite.

Avant de se retirer du marché du travail, elle souhaite acquérir une propriété, dont le coût s’élèverait entre 250 000 $ et 300 000 $. Pas un condo ni une maison mobile, précise-t-elle.

Son loyer lui coûte actuellement 1000 $ par mois. Elle estime son coût de vie mensuel à 2200 $, incluant un paiement d’auto de 450 $, assurances comprises.

Les chiffres

Céline, 51 ans

Salaire annuel : 40 000 $
Fonds de pension à prestations déterminées RRQ estimé à 65 ans : 9215 $
REER : 10 000 $
CELI : 55 000 $
Placements non enregistrés : 25 000 $
REEI (enfant 1) : 15 000 $ plus les subventions
REEI (enfant 2) : 15 000 $ plus les subventions

L’analyse

Avant d’entrer dans le vif du sujet, Pierre-Raphaël Comeau, conseiller principal en planification financière chez Valeurs mobilières Banque Laurentienne, félicite Céline pour sa bonne situation financière, avec un fonds d’urgence et aucune dette. C’est une bonne nouvelle.

La retraite à 61 ans ne sera pas un problème pour elle, souligne-t-il, car elle a un fonds de pension qui lui donnera environ 52 % de son revenu moyen de ses cinq meilleures années. Afin de maximiser son épargne, le spécialiste lui conseille de prendre une partie de ses placements non enregistrés et de les mettre dans un CELI. Elle évitera de payer de l’impôt sur ses revenus de placement. Le montant total sera de 88 000 $ en 2023.

« Elle pourrait se garder environ 10 000 $ dans un compte d’épargne à intérêts élevés. »

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Pierre-Raphaël Comeau, conseiller principal en planification financière chez Valeurs mobilières Banque Laurentienne

Pierre-Raphaël Comeau lui suggère aussi de consulter chaque année le site internet Chercheur de prestations de Services Canada, qui lui permettra de trouver les programmes fédéral et provincial qui peuvent l’aider.

Consultez le site internet Chercheur de prestations de Services Canada

« Lorsque ses filles seront sur le marché du travail, elles auront droit à la Prestation fiscale pour revenu de travail, indique-t-il. Il y a même un supplément spécial pour les personnes avec handicap. »

Céline devra aussi penser à un testament qui tient compte des besoins particuliers des jumelles, comme un testament fiduciaire pour l’administration des REEI et de l’héritage, par exemple. « Il faut éviter que les prestations de l’État soient réduites à la suite de l’héritage. »

Est-ce possible d’acheter une maison ?

Maintenant, la mauvaise nouvelle : dans le marché immobilier actuel, il est impossible de trouver une maison unifamiliale en bon état dans la région de Montréal entre 250 000 $ et 300 000 $.

Et si Céline arrivait à trouver un petit condo avec trois chambres, situé en banlieue, près des services pour les jumelles, à 275 000 $ ?

« La mise de fonds n’est pas un problème, souligne Pierre-Raphaël Comeau. Elle a de l’épargne. On pourrait même rattraper ses contributions REER avec ses placements non enregistrés et utiliser le Régime d’accession à la propriété (RAP) 90 jours après l’achat des REER. Elle pourrait profiter des économies d’impôts et des programmes sociaux supplémentaires. Ce serait vraiment une super stratégie. »

Mais Céline échouerait au test…

Pierre-Raphaël Comeau a fait différents scénarios. Avec 10 % de mise de fonds (27 500 $), Céline aurait à payer une hypothèque mensuelle de 1468 $ par mois, incluant la prime de la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL). Ce montant est établi à partir d’un taux d’intérêt de 4,89 % fixe sur 5 ans. Mais avec le fameux test de résistance, Céline doit se qualifier à 6,89 %, soit le taux d’intérêt actuel de 4,89 % + 2 points de pourcentage.

Tous les prêteurs font passer le test de résistance aux nouveaux emprunteurs. On veut s’assurer qu’ils puissent faire leurs paiements mensuels même si les taux d’intérêt grimpent encore.

Et il y a encore un autre test, poursuit Pierre-Raphaël Comeau, celui du ratio de l’amortissement brut de la dette (ABD).

« En prenant le montant total des dépenses liées à l’habitation (paiement hypothécaire, taxes municipales et scolaires, frais d’électricité et de chauffage, 50 % des charges de copropriété) que je divise par les revenus bruts de Céline x 100, le ratio est trop élevé. J’arrive à 61 %, et il ne faut pas dépasser 39 % », précise-t-il.

Pierre-Raphaël Comeau a refait les calculs avec 20 % de mise de fonds (55 000 $), qui permet d’éviter la SCHL. Or, Céline échoue encore une fois. L’ABD est de 54 %, calcule l’expert.

Pour acheter le condo, il lui faudrait un revenu d’au moins 68 000 $ par année.

« Une hypothèque devrait être de trois à quatre fois le revenu annuel des gens qui la payent », indique-t-il.

Quelques solutions

Étant donné que le principal problème de Céline est son salaire, elle pourrait envisager une évolution dans sa carrière et en obtenir un plus élevé. Elle aurait ainsi plus de chances de passer les tests pour l’obtention de financement. « Il manque d’employés partout au sein de la fonction publique, rappelle Pierre-Raphaël Comeau. Son fonds de pension la suivrait. Et comme le revenu de pension est basé sur la moyenne des cinq meilleures années, elle aurait en prime une meilleure pension. »

Elle pourrait aussi acheter un duplex avec un autre membre de la famille. Ou encore, trouver un appartement avec un propriétaire plus sympathique en attendant de voir ce que feront ses filles dans les prochaines années. « Leur problème semble être plus la relation avec leur propriétaire que le fait de vivre en appartement. Acheter un condo sera beaucoup plus cher que la pire des augmentations de loyer. »

Dans le marché actuel et à 10 ans de la retraite, l’expert en arrive à la conclusion que ce n’est pas le moment d’entreprendre un projet qui nécessiterait la quasi-totalité de ses épargnes. « Ce n’est pas parce que tu es propriétaire que tu achètes la paix d’esprit, précise-t-il. Il y a toujours des réparations à faire et de l’entretien. »

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