La récente décision du Bureau de la concurrence du Canada d’ouvrir une enquête sur les sociétés mères des géants de l’épicerie Loblaws/Provigo et Sobeys/IGA marque une étape importante dans la lutte contre les comportements anticoncurrentiels dans le secteur de la distribution alimentaire.

Cette enquête, lancée le 1er mars, se concentre sur l’utilisation présumée de contrôles immobiliers par ces entreprises, qui restreindraient la concurrence par leurs contrats de bail et leur contrôle sur les terrains vacants. Avec ces deux entreprises détenant ensemble plus de 50 % des parts de marché dans le commerce alimentaire au Canada, les implications potentielles sont considérables.

Selon les archives de la Cour fédérale, l’enquête du commissaire à la concurrence porte sur les soupçons qui pèsent sur les chaînes Loblaws/Provigo et Sobeys/IGA voulant qu’elles utilisent certains contrôles immobiliers pour limiter les activités des locataires potentiels, réduisant ainsi la concurrence. Cela préoccupe particulièrement les régions rurales, où les communautés ont souvent peu de choix pour les épiceries, ce qui les rend plus vulnérables à de telles pratiques. Les allégations suggèrent que ces entreprises contrôlent non seulement le type de locataires pour des locaux dans les centres commerciaux, mais conservent également des terrains vacants pour empêcher les concurrents d’entrer sur le marché.

Sobeys/IGA a réagi en qualifiant l’enquête d’« illégale », reflétant ainsi la tension et la défensive qui règnent au sein de l’industrie. Cependant, plusieurs ne s'étonnent pas de ces accusations, le secteur de l’épicerie étant depuis longtemps critiqué pour ses tactiques de contrôle du marché.

En effet, l’enquête souligne un problème beaucoup plus large. Ces entreprises ont maîtrisé l’art de l’optimisation de la géographie, assurant leur domination en positionnant stratégiquement leurs magasins tout en défendant leur territoire.

Au sein de l’industrie alimentaire, il existe une croyance répandue parmi les dirigeants que leurs pratiques se justifient par la motivation et la nécessité de maximiser les profits tout en servant une clientèle qui change constamment. Ces pratiques se sont normalisées au fil des décennies, rendant difficile le changement de culture de l’industrie.

La pratique de protection immobilière dure depuis fort longtemps dans l’industrie, mais deux questions se posent. Est-ce que certaines enseignes sont allées trop loin au sens de la loi ? Et même si ces pratiques étaient implicitement acceptées, est-il possible que le public soit devenu beaucoup moins tolérant compte tenu des prix alimentaires élevés des dernières années ? Ce qui était jadis acceptable ne se tolère probablement plus maintenant.

La frustration du public envers l’industrie alimentaire s’intensifie, en partie à cause du scandale de fixation des prix du pain qui affecte à la fois l’industrie et le Bureau de la concurrence. Après neuf ans, l’enquête n’est toujours pas conclue, ce qui érode la confiance du public. L’enquête actuelle sur Loblaws/Provigo et Sobeys/IGA représente une occasion cruciale pour le Bureau de montrer son engagement à protéger les consommateurs et à assurer une concurrence équitable.

Le rôle du Bureau de la concurrence ressemble à celui des services de police en matière de garantie de l’équité sur le marché. Tout comme les limites de vitesse et les patrouilleurs assurent la sécurité des routes, la surveillance du Bureau joue un rôle essentiel pour prévenir les pratiques anticoncurrentielles dans le secteur de l’épicerie. Pour regagner la confiance du public, le Bureau doit mener cette enquête rapidement et de manière transparente, avec des recommandations claires rendues publiques. Cela signalera à l’industrie et aux consommateurs que le Bureau surveille activement le marché.

Ce que cette étude spéciale nous dévoilera reste nébuleux, mais au moins, il y a enquête. Alors que le public doit être mieux informé sur les complexités de l’industrie alimentaire, il est tout aussi crucial que les épiciers reconnaissent qu’ils ont affaire à des consommateurs plus avertis et moins tolérants. L’enquête du Bureau de la concurrence constitue une étape nécessaire pour aligner les pratiques de l’industrie avec les attentes du public et assurer un marché juste et concurrentiel.