Tout est rendu cher. Et plus le temps passe, plus il est difficile de croire que les prix vont redescendre un jour. Mais voici une rare bonne nouvelle pour le portefeuille des automobilistes : la pénurie de véhicules – autant d’occasion que neufs – s’est enfin résorbée, ce qui laisse présager des factures plus allégées.

C’est un revirement de situation attendu depuis trois ans, période tumultueuse pendant laquelle le prix des véhicules a atteint des niveaux stratosphériques. On a même vu des modèles usagés se vendre plus cher que des neufs ! Nous voilà revenus, sauf exception, à la normalité. Au Québec, les cours asphaltées des commerçants sont désormais bien garnies.

Ce meilleur équilibre entre l’offre et la demande se voit aussi sur le site AutoHebdo.net. On y trouve aujourd’hui 48 400 annonces de véhicules d’occasion, son plus haut niveau depuis l’hiver 2021. Cela a provoqué un effet jamais vu, m’a-t-on dit, sur cette place de marché en ligne. Pas moins de 35 % des modèles ont enregistré une baisse de prix, en janvier. Le recul s’est poursuivi en février.

Le prix moyen des véhicules d’occasion qui y sont affichés s’établit désormais à 36 637 $, ce qui se compare à 37 412 $ un an plus tôt. Ce n’est qu’un petit écart de 2,1 %, mais qui fait suite à une autre diminution, en janvier, de 0,4 %. Ensemble, ces deux reculs laissent présager une tendance encourageante pour les acheteurs.

Tous ceux qui reportent depuis un certain temps le remplacement de leur véhicule devraient-ils partir à la chasse aux aubaines sans plus attendre ? « On ne peut pas parler d’un bon moment pour acheter une auto usagée, c’est un moment moins pire », répond George Iny, président de l’Association pour la protection des automobilistes (APA).

Car les prix demeurent tout de même relativement élevés.

En février 2021, il y a seulement trois ans, le prix moyen des véhicules d’occasion affichés sur AutoHebdo.net était de… 24 528 $. C’est 12 000 $, grosso modo, de moins qu’aujourd’hui. Et à l’époque, les taux d’intérêt n’étaient pas aussi élevés.

Cela dit, si vous avez besoin d’un véhicule à court terme, vaut mieux l’acheter maintenant qu’en mai ou juin, conseille l’APA. Car ces deux mois présentent historiquement un taux élevé de ventes, ce qui réduit les options disponibles.

Du côté des véhicules neufs, la situation a beaucoup changé dans les derniers mois. Les stocks se sont reconstitués de manière marquée.

Les concessionnaires disposaient, à la fin de janvier, d’un nombre assez grand de modèles pour couvrir en moyenne 102 jours de vente. Cela se compare à 58 jours, en janvier 2022. « C’est beaucoup. Ce n’est pas trop, mais c’est beaucoup », juge le président de la Corporation des concessionnaires automobiles du Québec (CCAQ), Ian P. Sam Yue Chi.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

Les stocks de véhicules neufs se sont reconstitués chez les concessionnaires automobiles ces derniers mois.

« On est déjà dans un marché d’acheteurs dans le segment des camionnettes et celui du luxe », relate Benoit Laforce, directeur général d’AutoHebdo Média. Lui aussi constate un « bon équilibre » entre l’offre et la demande du côté des marques allemandes.

Or, les prix de vente n’ont pas vraiment reculé.

Sur AutoHebdo, on observe au contraire une hausse de 13,8 % sur un an des prix affichés, lesquels ont atteint 65 424 $ en février. Même si ce montant est probablement supérieur au prix de vente négocié, il indique une tendance.

« Ils ont compris que les taux dérangent plus que les prix », fait valoir George Iny. Résultat, les constructeurs ont préféré recommencer à offrir des rabais sur les taux d’intérêt lors du financement.

Ian P. Sam Yue Chi confirme qu’il y a un « retour des promotions », généralement des taux d’intérêt peu élevés, subventionnés par les constructeurs pour aider les concessionnaires à accroître leurs ventes. Ce type de programme avait été sabré en 2022.

Ce « cadeau » ne peut être que bienvenu. Car depuis deux ans, les intérêts ont un impact majeur dans le budget des automobilistes qui choisissent des termes de plus en plus longs vu le prix élevé des véhicules. Le plus populaire actuellement est l’emprunt sur 84 mois, arrivé dans le marché canadien autour de 2009-2010 pour stimuler une demande anémique.

Une quinzaine d’années plus tard, voilà que le financement sur 96 mois séduit ceux qui veulent un paiement mensuel aussi bas que possible. Mais attention, une petite mensualité peut devenir une grosse dépense. « Évitez le piège d’un budget à la semaine », comme le dit l’Office de la protection du consommateur.

Aux taux actuels, il n’est pas rare que près de 30 % des paiements servent à éponger le coût d’emprunt. C’est énormément d’argent qui s’envole pour toujours, au lieu d’être alloué à un bien ayant une valeur de revente. Vaut donc mieux économiser pour verser la mise de fonds la plus substantielle possible.

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Devant de tels chiffres, George Iny se serait attendu à ce que les Québécois achètent des véhicules plus petits, moins énergivores et moins coûteux pour économiser en intérêts et en essence. Mais ce n’est pas arrivé. La popularité des VUS continue de croître, comme l’a confirmé Statistique Canada jeudi.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE

La popularité des véhicules utilitaires sport (VUS) ne se dément pas : au Québec, il s’est vendu 333 000 camions légers (VUS, minifourgonnettes) en 2023, soit 47 000 de plus que l’année précédente.

Au Québec, il s’est vendu 333 000 camions légers (VUS, minifourgonnettes), en 2023, soit 47 000 de plus que l’année d’avant. Ce bond de 16 % s’accompagne d’une baisse de 8 % des ventes de voitures. Dans l’ensemble du pays, la tendance est similaire.

Et malgré toutes les plaintes qu’on peut entendre au sujet de la baisse du pouvoir d’achat, malgré les craintes liées à la conjoncture économique et aux pertes d’emploi, malgré les prix et les taux d’intérêt élevés, les ventes de véhicules neufs ont « facilement » atteint en février un record de tous les temps, selon la firme de consultants DesRosiers Automotive.

Pas moins de 129 000 unités ont trouvé preneur, au pays. Il s’agit d’un bond stupéfiant de 24 % par rapport aux 103 700 véhicules vendus en février 2023. Le marché affiche des hausses année sur année depuis maintenant 16 mois.

Bien sûr, la demande refoulée des dernières années pèse dans la balance, mais cette dichotomie dans le marché a de quoi nous faire réfléchir sur nos valeurs et nos priorités.

L’impact de la fin du programme Roulez vert

Avec la fin annoncée il y a quelques jours du programme québécois de subventions Roulez vert, doit-on s’attendre à ce que le prix des véhicules électriques et hybrides bouge ? L’impact sera « limité », prédit Ian P. Sam Yue Chi, de la CCAQ, car on assiste actuellement à un renouvellement massif des modèles. Les constructeurs qui n’auront pas amorti leur investissement avant huit ans, explique-t-il, n’auront pas la marge de manœuvre à court terme pour réduire les prix de détail suggérés.

Il est bien possible que l’impact le plus marqué soit plutôt sur la demande. La date limite du 31 décembre pour obtenir 7000 $ de subvention de Québec plutôt que 4000 $, dès le 1er janvier 2025, devrait susciter un engouement pour les véhicules moins polluants. Mais encore faut-il recevoir le véhicule commandé dès cette année, car c’est la date d’immatriculation qui détermine la taille de la subvention.

Des trucs pour ne pas se faire rouler

Le domaine de la vente automobile trône encore et toujours au sommet du palmarès des plaintes de l’Office de la protection du consommateur (OPC). À lui seul, il génère un dossier sur cinq. Comment éviter l’achat de problèmes ? En connaissant ses droits et en prenant quelques précautions. Voici cinq bons conseils.

Le financement obligatoire, c’est illégal

Une nouvelle tendance préoccupe particulièrement l’OPC : de plus en plus de commerçants tentent de forcer les consommateurs à prendre un plan de financement. Ceux qui résistent peuvent perdre le véhicule qui leur était promis, le commerçant préférant conclure la vente avec quelqu’un d’autre… avec un client plus payant.

« Certains commerçants usent de toutes sortes de stratégies illégales pour y parvenir », déplore l’Office. Or, on ne peut vous forcer à financer votre achat. « C’est une façon détournée d’exiger un prix supérieur à celui affiché », résume le porte-parole Charles Tanguay.

De petits malins qui voulaient payer le concessionnaire comptant en utilisant leur marge hypothécaire, par exemple, ont trouvé une façon de contourner le système. Ils acceptaient la proposition de financement et remboursaient la totalité du prêt après quelques jours. Mais les vendeurs de véhicules ont eux aussi trouvé une astuce pour déjouer cette stratégie : ils retiennent, sur la carte de crédit du consommateur, une somme qui sera conservée en cas de remboursement avant le terme prévu. D’autres inscrivent dans le contrat de vente que le remboursement anticipé est interdit avant un certain temps. Ces pratiques aussi sont illégales, martèle l’OPC.

Faites savoir à la personne devant vous que vous connaissez vos droits pour vous tirer d’affaire. Si malgré tout vous constatez qu’il sera nécessaire de consentir à un financement dont vous ne voulez pas, conservez toutes les preuves et contactez l’Office pour déposer une plainte. Vous pourrez aussi transmettre une mise en demeure au commerçant pour réclamer le remboursement des intérêts payés et même des dommages punitifs.

Contestez les frais surprises

Demandez dès le départ au vendeur si des frais s’ajouteront au prix que vous avez vu dans une publicité ou sur le web. « Si oui, c’est illégal », tranche l’OPC.

Les seuls ajouts permis sont la TPS, la TVQ et, pour un véhicule neuf, le droit environnemental de 4,50 $ par pneu neuf. Rien de plus.

À mesure que la pénurie de véhicules s’intensifiait, la liste des frais facturés par les commerçants s’est allongée : d’administration, de transport, de préparation, de livraison, de nettoyage. Comme je l’ai déjà dénoncé, certains consommateurs ont même été forcés d’acheter une assurance pneus, une pellicule pour protéger la peinture, une assurance ou des barrures pour les jantes.

Quatre demandes d’action collective concernant ces frais ajoutés au prix affiché ont été déposées contre 220 concessionnaires. Une entente qui doit être entérinée par le tribunal en juin est intervenue il y a quelques jours. Espérons que cela sonnera le glas de cette pratique pour de bon, mais une personne avertie en vaut deux.

Lisez la chronique : « Les clients moins payants se font tordre le bras »

Magasinez votre assurance

Si vous optez pour le financement, le commerçant pourrait vous obliger à avoir une assurance en cas de décès, d’invalidité ou de perte d’emploi. En règle générale, cette assurance n’est pas obligatoire, selon l’Autorité des marchés financiers. Mais si c’est le cas, « vous avez toujours la possibilité de remplir cette condition avec une assurance que vous avez déjà, ou d’en magasiner une ailleurs ».

Autrement dit, vous n’êtes pas tenu de prendre l’assurance proposée par le commerçant de véhicules. Il existe d’autres options. Il se peut que l’assurance collective offerte par votre employeur vous couvre déjà. Sinon, appelez votre assureur (habitation, auto) ou un courtier pour obtenir une soumission.

Consultez le site de l’Autorité des marchés financiers

Attention, des concessionnaires affirment que l’assurance de remplacement qu’ils proposent est obligatoire. C’est faux. De plus, les marchands n’ont pas le droit d’offrir un meilleur taux de financement aux clients qui contractent ce type d’assurance. Prenez garde, des consommateurs ont découvert que l’assurance avait été ajoutée à leur insu sur le contrat d’achat de leur véhicule.

Un essai, une inspection

Tout comme on essaie des souliers avant de les acheter, il est impératif de faire une balade avec l’auto d’occasion convoitée. Le commerçant est obligé de l’accepter. « Prenez votre temps, suggère l’OPC. Vous pouvez rouler sur quelques kilomètres, sur des routes diverses. La radio éteinte, vous entendrez mieux les bruits que fait l’auto. »

Il est aussi recommandé d’examiner le véhicule à la lumière du jour et de vérifier le fonctionnement des accessoires comme le climatiseur qu’on a tendance à oublier s’il fait froid. N’oubliez pas de tester le verrouillage des portières, les vitres électriques, le démarreur à distance. Le CAA propose un document énumérant la liste des points à vérifier.

Consultez le document de CAA-Québec

Encore mieux : payez pour une inspection mécanique indépendante. Avec le nombre croissant d’odomètres trafiqués, cette étape n’a jamais été aussi nécessaire. Le garagiste devrait effectuer un balayage du système informatique du véhicule pour vérifier s’il y a la présence de codes d’anomalie. Si des réparations s’imposent, vous pourrez négocier le prix en conséquence.

Vérifiez l’historique du véhicule usagé

Que ce soit pour l’odomètre ou l’historique des accidents, ne vous fiez pas trop aux rapports de CARFAX, prévient l’APA, car leur taux de fiabilité au Québec ne dépasse pas 60 %. Une inspection rigoureuse par un mécanicien de confiance s’impose.

L’OPC suggère de demander le dossier du véhicule auprès de la SAAQ (en ligne ou en personne). « Vous obtiendrez ainsi certains indices sur le passé de l’auto : les accidents, le nombre de propriétaires, les utilisations antérieures, etc. »

Consultez le site de la Société de l’assurance automobile du Québec

La SAAQ recommande de vérifier auprès du Registre des droits personnels et réels mobiliers si le véhicule est libre de dettes. S’il n’est pas entièrement payé, il pourrait être saisi par le créancier.

Consultez le site du Registre des droits personnels et réels mobiliers

Il peut être sage, également, de nous renseigner sur l’entreprise qui nous propose l’auto de nos rêves pour savoir si elle détient un permis, a reçu des avis d’infraction, des amendes, etc.

Consultez le site de l’Office de la protection du consommateur

Avant de magasiner, pour un véhicule neuf ou usagé, consultez tous les conseils de l’OPC dans son guide « Votre achat automobile à la loupe ».

Lisez le guide « Votre achat automobile à la loupe » de l’OPC