C’est un règlement pétri de bonnes intentions, l’une des promesses-phares de la mairesse de Montréal Valérie Plante.

Il s’est heurté au test de la réalité. Une réalité bien plate et brutale : ça ne fonctionne pas.

Ou si peu.

Le Règlement pour une métropole mixte (RMM), aussi appelé « 20-20-20 », fera l’objet de plusieurs allègements temporaires, a annoncé jeudi l’administration Plante. Certains de ses éléments les plus pénalisants pour les promoteurs seront suspendus jusqu’en 2026, dans l’espoir de redonner un peu d’oxygène au marché de la construction.

Je vous refais ici la petite histoire, pour ceux qui n’auraient pas suivi ce feuilleton politico-immobilier.

Le RMM a été adopté en avril 2021, après une longue gestation. Son objectif : inciter les constructeurs à inclure des logements sociaux, abordables et familiaux à leurs projets, à défaut de quoi ils peuvent choisir de verser une compensation financière. Cela en vue de favoriser la « mixité » sociale et de garder les familles moins nanties dans l’île de Montréal.

Les ambitions étaient énormes, les objectifs, louables, mais les résultats concrets ont été bien maigres jusqu’ici.

La Ville a réussi à signer 206 ententes avec des promoteurs en vertu du RMM. La vaste majorité a choisi de verser une compensation financière, plutôt que d’inclure des logements sociaux à même leurs chantiers.

Tenez-vous bien : un seul projet de logement social, totalisant 86 appartements, a été mis en chantier grâce au RMM en presque trois ans⁠1.

La Ville a engrangé 27,5 millions de dollars en compensations versées par les promoteurs, et elle croit que 660 logements sociaux de plus pourraient voir le jour, s’ils obtiennent un financement des gouvernements supérieurs.

Nous sommes loin de l’abondance. Et surtout, à des années-lumière des 60 000 logements abordables que Valérie Plante a promis d’ajouter à Montréal d’ici 2031.

L’administration Plante refuse de dresser un constat d’échec. Elle croit que les bénéfices du RMM se feront sentir à long terme et continue de le défendre bec et ongles.

Pourquoi avoir annoncé des allègements jeudi, alors ? Parce que des consultations menées au cours des derniers mois, après l’annonce d’une première ronde de modifications au Règlement, ont permis de saisir l’ampleur du ressac.

L’administration Plante proposait d’offrir plus d’argent aux promoteurs qui accepteront de céder une portion de leurs terrains, pour y faire du logement social. Cette décision a été assez bien accueillie.

Mais d’autre part, la Ville souhaitait aussi augmenter la contribution qui devra être versée par les promoteurs, en vertu du RMM. Une proposition, vous vous en douterez, accueillie avec une brique et un fanal.

Car l’état du marché immobilier montréalais n’a plus rien à voir avec ce qu’il était il y a quelques années, lorsque le RMM est né. Les mises en chantier ont chuté de 26 % l’an dernier dans l’île de Montréal, avec à peine 7705 nouvelles unités.

Une vraie crise, qui accentue la pénurie de logements.

La hausse des taux d’intérêt et des coûts de construction a causé un freinage brutal. Les nouvelles redevances qui étaient demandées par la Ville auraient rendu le montage financier des différents projets encore plus précaire.

Le résultat, bien tangible, est que cette contribution aurait été refilée aux acheteurs de condos ou aux locataires des appartements neufs. Environ 3000 $ à 4000 $ par appartement.

Les promoteurs auront donc un « break » de deux ans. La Ville simplifiera aussi certains aspects de son Règlement, pour élargir la définition d’un logement abordable en tenant compte des nouveaux programmes gouvernementaux de subvention.

Il restera plusieurs éléments de complexité, comme des « secteurs de valeur » où les hausses s’appliqueront, et d’autres, non. C’est Montréal, après tout : rarement simple.

Ce rétropédalage de l’administration Plante sur certains aspects du RMM constitue selon moi un geste pragmatique. Une reconnaissance que le fardeau imposé aux promoteurs ne peut pas être augmenté à l’infini, d’autant que la construction bat son plein dans les banlieues rapprochées, dont Longueuil et Brossard.

Montréal doit encourager le secteur de la construction. Redevenir désirable, et dans un monde idéal (ou fantasmé ? ), plus abordable. Pas ankylosé par une réglementation toujours plus lourde et contraignante.

Voilà pour le RMM.

C’est un autre dossier lié à l’habitation, on pourrait même dire un champ de bataille, qui soulèvera les passions dans les prochains mois, selon moi.

La Communauté métropolitaine de Montréal veut augmenter la densité minimale des nouvelles constructions. Cette hausse sera nécessaire pour affronter la crise du logement, mais plusieurs arrondissements et secteurs de l’agglomération de Montréal s’y opposent, a-t-on appris cette semaine⁠2.

Cela envoie un drôle de message. Il faut construire davantage, et plus vite, mais pas trop gros ni trop haut. Étrange équation. Plusieurs promoteurs importants sont scandalisés de la tournure des évènements.

Ça va barder : je vous en reparle en détail bientôt.

Une chose est acquise pour l’instant : la mairesse Valérie Plante, qui a fait de l’habitation sa priorité, devra de plus en plus défendre son bilan au cours des prochains mois, elle qui a admis être déjà en « mode électoral ».

1. Lisez « Un seul projet de logement social approuvé en deux ans » 2. Lisez « La densification divise les élus »