(Québec) Avec des mises en chantier qui stagnent et une absence de nouveaux investissements dans le logement abordable, les jeunes qui espèrent s’acheter une maison dans les prochaines années ne trouveront pas de « rayon de soleil » dans le budget Girard.

CE QU’IL FAUT SAVOIR

Quoi ?

Québec n’ajoute pas de sommes pour construire de nouveaux logements dans son budget, même si les mises en chantier stagnent dans les prochaines années.

Pourquoi ?

Eric Girard plaide qu’il a déjà annoncé l’an dernier 1,8 milliard de dollars pour construire 8000 nouveaux logements.

Réaction

L’APCHQ déplore l’inaction du gouvernement dans ce dossier, et Québec solidaire estime que la CAQ ne fait rien pour contrer la crise du logement.

Le gouvernement Legault ne prévoit pas de nouvelles sommes pour construire des logements abordables dans son plus récent budget et ne met pas en place de mesure pour stimuler la construction de logements privés. Cette décision déçoit dans le milieu du logement.

« Il n’y a pas de rayon de soleil pour les jeunes qui se cherchent une maison. Et puisque les gens qui normalement accèdent à la propriété restent en appartement, ça rend les logements de plus en plus rares. Le cycle est brisé. Sans l’aide des parents, ça devient très difficile pour les jeunes de s’acheter un logement », dit le directeur économique de l’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (APCHQ), Paul Cardinal.

Son organisme, comme d’autres, demandait au Québec de suivre Ottawa et de suspendre la TVQ pour la construction de logements neufs. Selon une étude commandée par l’APCHQ, cela permettrait de soustraire jusqu’à 163 $ du loyer d’un appartement de deux chambres et pourrait faire basculer des projets locatifs en développement de « non rentables » à « rentables ».

L’objectif : stimuler les mises en chantier, qui plafonnent, alors qu’il faudrait en construire 150 000 par année pour résorber la crise.

Le ministre Eric Girard a toutefois rejeté cette demande de réduction de taxe. Il ne croit pas que cette mesure est utile et estime que la baisse future des taux d’intérêt aura une incidence plus importante pour la reprise de la construction dans le secteur résidentiel. Mais cette donnée est déjà prise en compte par les prévisionnistes du ministère des Finances.

M. Girard affirme que son gouvernement a plutôt choisi « l’aide directe » avec des subventions pour construire des logements.

Et s’il n’ajoute pas d’argent dans ce budget, c’est qu’il a déjà investi beaucoup dans le passé, notamment 1,8 milliard l’an dernier pour construire 8000 nouveaux logements. Il ajoute à cela le prolongement du programme Allocation-logement (60 millions pour l’année) et 85 millions pour rénover les logements sociaux déjà construits.

Mais c’est bien peu par rapport aux plus récentes estimations de la SCHL, qui souligne que le Québec se dirige vers un déficit de 860 000 logements à l’horizon 2030, déploraient l’APCHQ et d’autres groupes, comme l’Association de la construction du Québec, dans un mémoire remis au ministère des Finances.

Et la crise du logement frappe fort. Selon le rapport sur le marché locatif 2024 de la SCHL, publié en début d’année, les taux d’inoccupation n’ont jamais été aussi bas depuis 2003. Et toutes les villes sont touchées, petites, moyennes et grandes.

Ces taux d’inoccupation poussent les loyers à la hausse. À Québec, le loyer d’un deux chambres a augmenté de 4,8 %, contre 7,9 % à Montréal et 9,8 % à Sherbrooke. Et cette hausse en cache une autre, car dans le cas de loyers dont les appartements ont changé d’occupant, elle a été de 18,9 % à Montréal et de 13,0 % à Québec.

Dans ce contexte, les attentes étaient donc très élevées envers le budget Girard. Québec solidaire espérait que l’habitation soit au cœur de l’exercice financier. Or « il n’y a rien ici pour régler la crise du logement », a déploré le député Haroun Bouazzi. « Les gens n’ont jamais été aussi nombreux dans la rue, les familles paient de plus en plus cher leur loyer, et les maisons n’ont jamais été aussi chères. Il faut un coup de barre en habitation, et on aurait espéré une baisse des taxes comme on l’avait proposé pour donner un coup de pouce aux nouvelles constructions », a-t-il déploré.

D’autres groupes dénoncent également le manque d’actions. « Non seulement il n’y a aucune nouvelle somme pour la construction de nouveaux logements sociaux et abordables pour la prochaine année, mais également aucune mesure forte pour accélérer la construction, limiter la spéculation et endiguer les hausses de loyer », a écrit Vivre en Ville. La déception est également vive du côté des petites villes, elles aussi aux prises avec cette crise, mais sans programme spécifique pour les aider. La Fédération québécoise des municipalités parle d’une « grande déception ».

Les groupes prolocataires comme le FRAPRU déplorent l’absence de nouvelles sommes pour du logement social. Et l’Institut du développement urbain, représentant les promoteurs immobiliers, déplore l’attentisme du gouvernement. « Devant l’ampleur de la crise en habitation, [il] fait le choix d’attendre en continuant d’espérer que la situation se résorbe par elle-même. Ce choix est inquiétant et incompréhensible, car tout retard dans la mise en œuvre de mesures exceptionnelles pour soutenir et accélérer la construction de nouveaux logements contribue dans les faits à aggraver la crise », a déploré sa PDG, Isabelle Melançon.