Taux d’inoccupation plus bas que jamais, à 1,5 %, et hausse moyenne des loyers de 8 % en un an : la crise du logement s’est aggravée au Canada en 2023, et ce, dans pratiquement toutes les grandes villes, de Montréal à Toronto en passant par Québec.

Selon le Rapport sur le marché locatif publié ce mercredi par la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL), cette dégradation du portrait a eu lieu alors que l’offre de nouveaux logements s’est pourtant accrue, « mais pas assez fortement pour suivre la demande sur le marché locatif », peut-on lire.

Au Québec, les taux d’inoccupation n’ont jamais été aussi bas depuis 2003, souligne Francis Cortellino, économiste à la SCHL. « La grande différence », toutefois, par rapport à la crise du logement du début des années 2000, c’est que les régions du Québec, les villes de petite et moyenne tailles, sont proportionnellement plus touchées que les grandes villes.

« La rareté du logement est à l’échelle du territoire, ce qui entraîne des hausses de loyer records, résume l’économiste. Disons que c’est plus “homogène” maintenant. »

Sommet à Trois-Rivières

Aucune des grandes villes canadiennes analysées dans le rapport de la SCHL ne présentait en 2023 un marché en équilibre, qui ne favorise ni les propriétaires ni les locataires, et dont le taux d’inoccupation devrait être entre 3 et 4 %. Une dizaine de villes se trouvent même sous le taux de 1 %. Les villes québécoises sont particulièrement touchées, alors que Trois-Rivières (0,4 %), Drummondville (0,5 %) et Québec (0,9 %) se retrouvent dans cette situation.

À Montréal, le taux d’inoccupation est passé de 2 % à 1,5 % en un an. Il a rejoint en 2023 la moyenne canadienne.

Déménagements coûteux

Les loyers ont suivi une courbe inverse, avec une hausse moyenne de 8 % pour l’ensemble du Canada. Une grande disparité se cache ici d’une ville à l’autre. À Québec, la hausse moyenne de loyer pour un logement de deux chambres a été de 4,8 % en un an, tandis qu’elle a été de 7,9 % à Montréal. Au Québec, c’est la région métropolitaine de Sherbrooke qui a été la plus touchée, avec une hausse de 9,8 %.

La championne canadienne à cet égard a été Calgary, avec une hausse moyenne de 14,3 %.

Le loyer moyen pour un logement de deux chambres, selon la SCHL, s’établit désormais à 1040 $ à Québec et à 1096 $ à Montréal. Il s’agit ici d’une moyenne. Le loyer pour les appartements qui ont changé d’occupant, ceux qui ont connu un « roulement de locataires », est en fait plus élevé, à 1310 $ à Montréal et 1128 $ à Québec, pour des hausses respectives en un an de 18,9 % et 13 %.

Malgré ces fortes hausses, le coût d’un logement reste généralement plus abordable au Québec qu’ailleurs au pays. Il faut par exemple débourser 2405 $ à Toronto, 2601 $ à Vancouver et 1771 $ à Calgary pour un logement « avec roulement de locataires ».

Conséquence concrète de toutes ces hausses, les locataires quittent moins que jamais leur logement, note Francis Cortellino. « Si vous êtes incertain de vous trouver un nouveau logement et que vous risquez de tomber sur des loyers beaucoup plus élevés en déménageant, vous allez avoir tendance à conserver votre logement actuel. »

Au Québec, 10,4 % des logements avaient changé de locataires entre octobre 2022 et octobre 2023, contre 11,1 % l’année précédente. C’est à Drummondville qu’on a enregistré le plus faible taux de roulement au Québec, à 5,4 %.

Emploi et immigration

Comment expliquer cette rareté du logement ? L’offre a pourtant augmenté dans la quasi-totalité des marchés urbains étudiés, de 1,7 % pour l’ensemble du Canada. Montréal, où les difficultés à construire des logements font les manchettes depuis des mois, s’en tire finalement un peu mieux que la moyenne, avec une hausse de 1,8 % de l’offre de logement. Mais cette augmentation a été insuffisante pour absorber la hausse de la demande, note-t-on dans le rapport. « La forte croissance de l’immigration et de l’emploi a fait augmenter la demande de logements locatifs à l’échelle nationale », explique-t-on.

L’arrivée d’immigrants et de résidents non permanents dans la province « a atteint un nouveau record en 2023 », alors que le deuxième groupe se chiffre désormais à 528 000 personnes. Autre facteur qui alimente la rareté de logements : le marché de l’emploi, qui demeure robuste malgré le ralentissement économique, avec des taux de chômage de 5,8 % au Canada en décembre dernier et de 4,7 % au Québec.

Francis Cortellino a une autre explication intéressante à la pénurie de logements en région : l’exode de nombreux travailleurs des grandes villes. « On a eu des chiffres records pendant la pandémie, des gens qui ont quitté Montréal ou la banlieue de Montréal pour aller vivre aux quatre coins du Québec, dans des villes de petite et moyenne tailles. […] Donc, la population a augmenté dans ces régions non pas à cause de l’immigration internationale mais juste avec la migration à l’intérieur du Québec. »

En savoir plus
  • 12,3 milliards
    Montant annuel prévu des loyers au Québec, dans les villes de 10 000 habitants et plus
    SCHL, Rapport sur le marché locatif 2024
    3,8 %
    Taux de loyers en souffrance au Québec
    SCHL, Rapport sur le marché locatif 2024