(Toronto) Certains saluent la décision d’Ottawa d’allonger la période d’amortissement des prêts hypothécaires assurés pour certains acheteurs de maison, mais ils affirment qu’étendre cette politique à tous les Canadiens contribuerait à rendre l’accession à la propriété plus abordable.

La ministre des Finances, Chrystia Freeland, a annoncé jeudi à Toronto que le gouvernement fédéral autoriserait des périodes d’amortissement de 30 ans sur les prêts hypothécaires assurés pour les premiers acheteurs de maisons nouvellement construites. Le changement entrera en vigueur le 1er août.

Selon les règles actuelles, si la mise de fonds est inférieure à 20 % du prix de la maison, l’amortissement le plus long autorisé – la période dont dispose un propriétaire pour rembourser son prêt hypothécaire – est de 25 ans.

« Les jeunes Canadiennes et Canadiens, qui doivent faire face à une pénurie d’options de logement ainsi qu’à des loyers et à des prix d’immobilier de plus en plus élevés, ont l’impression, à juste titre, qu’ils sont au pied du mur », a indiqué Mme Freeland dans un communiqué de presse.

« Et la prolongation de la période d’amortissement fera en sorte que les paiements hypothécaires mensuels seront plus abordables pour les jeunes du pays qui souhaitent acquérir leur première habitation. »

Lauren Van den Berg, PDG de l’Association de courtiers professionnels hypothécaires du Canada, a qualifié cette mesure de « pas dans la bonne direction » et a estimé que la prolongation de la période d’amortissement « contribuerait à uniformiser les règles du jeu pour les acheteurs d’une première maison. »

« Nous savons que cela va permettre de plus grandes opportunités d’accession à la propriété et contribuera, à terme, à la relance économique », a-t-elle assuré dans une entrevue. « Mais il reste encore beaucoup à faire pour que tous les Canadiens puissent réaliser leur rêve d’accession à la propriété. »

Selon Mme Van den Berg, le gouvernement devrait élargir la possibilité à tous les Canadiens d’acheter une maison, qu’il s’agisse d’une nouvelle construction ou d’une maison préexistante.

« Il y a de nombreuses régions, particulièrement dans la région du Grand Vancouver et dans celle du Grand Toronto, où vous n’avez pas d’autre choix que de construire, donc les possibilités de nouvelles constructions ne sont pas les mêmes partout au pays. »

Le spécialiste des hypothèques et de l’immobilier de « Ratesdotca », Victor Tran, est également inquiet quant à l’efficacité du changement sur la base des critères d’admissibilité. « Bien qu’il soit actuellement possible d’obtenir un prêt hypothécaire assuré pour une nouvelle construction, c’est rare », a-t-il rappelé dans un communiqué.

M. Tran a également souligné que de nombreuses propriétés à Vancouver et à Toronto valent plus d’un million de dollars, ce qui signifie généralement que les acheteurs doivent contracter des prêts hypothécaires non assurés.

Mais le PDG de l’Association canadienne des constructeurs d’habitations, Kevin Lee, pense quant à lui que cette annonce « changera la donne ». Le groupe est également favorable à des périodes d’amortissement plus longues, affirmant que cinq années supplémentaires contribueraient à rendre les logements abordables et stimuleraient davantage la construction.

« Cette mesure contribuera également grandement à permettre à notre secteur de répondre à l’objectif du gouvernement de construire 5,8 millions de nouveaux logements au cours de la prochaine décennie », a-t-il déclaré dans un communiqué.

« Elle est nécessaire dès maintenant pour contribuer à redresser le marché, et le sera pendant de nombreuses années encore si nous voulons travailler à doubler les mises en chantier. »

Le marché locatif devrait également connaître un certain soulagement, car cette décision pourrait permettre à certains Canadiens de cesser de louer et de devenir propriétaires, selon M. Tran.

Dans le cadre de cette annonce, Mme Freeland a également annoncé que le gouvernement augmenterait le montant que les acheteurs d’une première maison peuvent retirer de leur Régime enregistré d’épargne-retraite (REER) – le faisant passer de 35 000 $ à 60 000 $ – pour acheter une maison. Cela entrera en vigueur le 16 avril, jour prévu pour la publication du budget fédéral.

Ce changement reflète la réalité selon laquelle le montant d’une mise de fonds et le temps nécessaire pour épargner sont beaucoup plus importants qu’auparavant pour le gouvernement.

Les personnes qui ont effectué ou effectueront des retraits entre le 1er janvier 2022 et le 31 décembre 2025 disposent également de plus de temps pour commencer le remboursement – jusqu’à cinq ans au total au lieu de deux.

Pour Ottawa, ces changements sont censés fonctionner en tandem avec le Compte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété (CELIAPP), une initiative lancée l’année dernière. Les règles régissant ce programme permettent aux acheteurs potentiels de commencer à épargner jusqu’à 15 ans après avoir ouvert un compte, avec un plafond de dépôt annuel de 8000 $ et un plafond de contribution à vie de 40 000 $.

Plus de 750 000 Canadiens ont ouvert un CELIAPP à ce jour, selon Mme Freeland. Bien que le programme ait été mis en ligne le 1er avril de l’année dernière, la plupart des institutions financières canadiennes n’ont commencé à offrir le compte qu’à partir de l’été ou de l’automne dernier.

Ottawa a également annoncé des changements à la Charte hypothécaire canadienne qui incluront une attente selon laquelle les institutions financières offriront un allègement permanent de l’amortissement pour protéger les propriétaires existants qui répondent à certains critères d’admissibilité.

Cela permettrait aux propriétaires admissibles de réduire leur versement hypothécaire mensuel à un montant qu’ils peuvent se permettre aussi longtemps que nécessaire.