La nouvelle mesure sur le gain en capital annoncée par le gouvernement fédéral, mardi, vient bousculer les façons de faire connues pour optimiser l’impôt à payer. Les propriétaires souhaitant vendre leurs biens devront réviser leurs plans.

Le budget fédéral annoncé mardi a mis en alerte les nombreux propriétaires de petit immeuble à revenus – les plex – ou de résidence secondaire qui misent sur leur revente éventuelle à bon profit.

En modifiant les normes d’impôt des gains en capital, c’est-à-dire le profit réalisé à l’occasion de la revente d’un actif, le gouvernement fédéral prévoit aller chercher 19 milliards de dollars en revenus fiscaux additionnels d’ici cinq ans.

Or, près de la moitié de cette cagnotte fiscale, soit 8,8 milliards selon le budget fédéral, proviendra des goussets des particuliers à l’occasion de la revente d’actifs comme un immeuble à revenus ou une résidence secondaire (la plupart du temps un chalet).

Pour l’essentiel, le gouvernement Trudeau a décidé de rehausser de 50 % à 66,67 % la portion des gains en capital qui est imposable pour tout ce qui dépasse un nouveau plafond de 250 000 $ par an. Ce nouveau seuil d’imposition s’appliquera à compter du 25 juin prochain.

Selon le ministère fédéral des Finances, cette hausse de l’impôt sur les gains en capital n’affectera qu’un nombre très limité de contribuables déjà parmi les plus fortunés.

Mais dans les faits, ce sont tous les particuliers qui possèdent un actif dont la revente générera un gain en capital de plus de 250 000 $, comme un immeuble à revenus ou un chalet bien valorisé, qui pourraient devoir payer des milliers de dollars d’impôt de plus après cette revente.

Pour y voir plus clair, La Presse a fait préparer trois cas types avec l’assistance professionnelle de Stéphane Leblanc, comptable et fiscaliste de la firme-conseil EY, à Montréal. (À consulter dans les menus de droite.)

Cas type 1 : Propriétaire occupant d’un triplex

Selon les normes actuelles d’imposition, un gain en capital de 400 000 $ lors de la revente d’un triplex par son propriétaire occupant engendrerait un impôt de 71 067 $ pour l’année fiscale de la revente.

Ce résultat tient compte de l’exemption pour résidence principale pour le tiers (33 %) de ce gain en capital, ainsi que de l’imposition de 50 % de l’autre part (les deux tiers) de ce gain de capital au plus haut taux d’impôt marginal applicable durant cette année fiscale de la revente du triplex (53 % en 2024).

Après l’entrée en vigueur (au 25 juin) des modifications aux normes d’imposition, la facture fiscale d’un propriétaire occupant qui revend son triplex avec le même montant de 400 000 $ en gain en capital passera à 72 547 $, soit 1480 $ de plus.

Cas type 2 : Propriétaire non occupant d’un triplex 

Selon les normes actuelles d’imposition, un gain en capital de 400 000 $ lors de la revente d’un triplex par son propriétaire non occupant engendrerait un impôt de 106 600 $ pour l’année fiscale de la revente.

Ce résultat tient compte de l’absence d’une exemption fiscale de résidence principale de ce gain en capital, dont 50 % se retrouvent alors assujettis au plus haut taux d’impôt marginal applicable durant cette année fiscale de la revente du triplex (53 % en 2024).

Après l’entrée en vigueur des modifications aux normes d’imposition, la facture fiscale d’un propriétaire non occupant qui revend son triplex avec le même montant de 400 000 $ en gain en capital passera à 119 925 $, soit 13 325 $ de plus.

Cas type 3 : Propriétaire d’une résidence secondaire luxueuse

Selon les normes actuelles d’imposition, un gain en capital de 500 000 $ lors de la revente d’une résidence secondaire de haute valeur engendrerait un impôt de 133 250 $ pour son propriétaire-vendeur lors de l’année fiscale de la revente.

Ce résultat tient compte de l’absence d’une exemption fiscale de résidence principale de ce gain en capital, dont 50 % se retrouvent alors assujettis au plus haut taux d’impôt marginal applicable durant cette année fiscale de la revente du chalet (53 % en 2024).

Après l’entrée en vigueur des modifications aux normes d’imposition, la facture fiscale d’un propriétaire qui revend sa résidence secondaire avec le même montant de 500 000 $ en gain en capital passera à 155 458 $, soit 22 208 $ de plus.

Les propriétaires de PME aussi concernés

De l’avis de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI), qui représente des milliers de propriétaires de PME, les modifications de l’impôt sur les gains en capital annoncées dans le récent budget fédéral « feront des gagnants, mais aussi de nombreux perdants parmi les entrepreneurs canadiens ».

Quels éléments gagnants ? « Le gouvernement a annoncé l’augmentation du plafond de l’exonération des gains en capital de 1 million à 1,25 million de dollars. C’est une bonne nouvelle pour les entrepreneurs », indique Jasmin Guénette, vice-président aux affaires nationales de la FCEI.

« Le budget fédéral propose également d’instaurer un nouvel incitatif aux entrepreneurs dans certains secteurs d’activité. Cet incitatif réduira le seuil d’imposition sur la prochaine tranche de 2 millions (en gains de capital) lorsqu’il sera pleinement en vigueur. »

En contrepartie, quels éléments perdants ? Selon Jasmin Guénette, « l’augmentation du seuil d’imposition à 66,67 % (des gains en capital) entraînera de nombreux perdants parmi les propriétaires de PME de taille moindre, comme les sociétés de services professionnels, de services financiers et d’assurance, ainsi que les PME en hébergement et en restauration ».

Selon le vice-président de la FCEI, ces petits entrepreneurs « devront payer plus d’impôts sur la vente de leur PME, en tout ou en partie, quand les sommes seront supérieures à 2,25 millions de dollars ».

Martin Vallières, La Presse