Pour tenter de stimuler la construction résidentielle, qui tourne au ralenti, la Ville de Montréal suspend pour deux ans une partie des contributions que doivent verser les promoteurs pour le logement social, une mesure qui peut représenter une économie de 3000 $ à 4000 $ par porte pour un grand projet.

Ces changements au controversé Règlement pour une métropole mixte (RMM – aussi appelé règlement 20-20-20), annoncés jeudi, sont présentés comme un « break » que la Ville donne aux promoteurs immobiliers en contexte économique difficile, leur offrant ainsi une « fenêtre d’opportunité » pour réaliser leurs projets de logement à moindre coût.

« Les modifications qu’on apporte au RMM pour accélérer la construction de logements sociaux et abordables, c’est pour dire aux gens : c’est allégé, c’est le bon moment, c’est la fenêtre d’opportunité, on accélère, pesons sur le gaz, on y va ! », a souligné le responsable de l’habitation au comité exécutif, Benoit Dorais, en conférence de presse.

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

Le responsable de l’habitation au comité exécutif de la Ville de Montréal, Benoit Dorais

Le répit est offert aux promoteurs qui construisent en dehors des « zones d’abordabilité » désignées par la Ville, des secteurs à plus forte densité près des axes de transport en commun, notamment.

La Ville exclut également les projets de 20 logements et moins de l’application du RMM pour les deux prochaines années.

Selon Benoit Dorais, ces changements ont aussi le potentiel d’inciter les promoteurs à céder des terrains à la Ville pour la construction de logements sociaux et abordables à même leurs projets immobiliers, ce qui est ultimement le but du RMM.

Abolition demandée

Malgré les modifications annoncées, l’opposition à l’hôtel de ville continue de demander l’abolition pure et simple du RMM, auquel il impute le ralentissement de la construction à Montréal.

Trois ans après son implantation, les résultats sont très clairs : zéro logement abordable construit, un seul projet de logement social et des fonds qui ne sont même pas suffisants pour construire un seul projet. Et aujourd’hui, la Ville de Montréal reconnaît que la mise en place de son règlement entraîne des coûts supplémentaires, ce qui freine évidemment la construction résidentielle.

Julien Hénault-Ratelle, porte-parole de l’opposition en matière de logement

En effet, le RMM a permis la construction d’un seul projet de 86 logements sociaux en trois ans. La Ville évoque aussi des « engagements » en immeubles s’élevant à 660 logements sociaux, en attente de financement gouvernemental, un bilan qui n’a pas changé depuis l’automne dernier.

La vaste majorité des promoteurs ont choisi de payer une pénalité plutôt que de construire des logements sociaux ou de céder des terrains à la Ville. Les contributions versées atteignent 27,5 millions, tandis que 11,2 millions supplémentaires seraient attendus.

Les allègements aux promoteurs viennent du fait que la Ville va augmenter les sommes payées aux promoteurs qui cèdent des terrains afin de refléter la hausse des valeurs foncières. La Ville devait, simultanément, augmenter les contributions financières versées par les promoteurs dans le cadre du RMM. C’est cette dernière mesure qui est reportée de deux ans.

On annonce aussi la simplification des paramètres du volet abordable du RMM pour s’arrimer aux nouveaux programmes des différents ordres de gouvernement.

Qu’est-ce que le RMM ?

Tous les constructeurs de projets résidentiels de plus de 20 logements doivent conclure avec la Ville de Montréal une entente pour contribuer au parc de logements sociaux et abordables de trois façons : la construction de logements sociaux sur le site du projet, la vente d’un terrain au rabais à la Ville ou encore une contribution financière.

Ils doivent inclure 20 % de logements sociaux, soit en construisant ces logements, qui seront ensuite cédés à la Ville clés en main, soit en offrant un terrain vacant, ou en payant une redevance en argent.

Ils doivent aussi prévoir de 10 % à 20 % de logement abordable dans certains secteurs appelés zones de logement abordable. En dehors des zones abordables, seuls les projets de plus de 4500 m² sont soumis à des exigences en matière de logement abordable, par l’entremise d’une contribution financière.

Les projets de 50 logements et plus doivent prévoir de 5 % (au centre-ville) à 10 % (hors centre-ville) d’unités destinées aux familles.