Le règlement adopté par l’administration de Valérie Plante pour favoriser la construction de logements sociaux a mené à l’approbation d’un seul projet de 86 unités en deux ans. Pour inciter les promoteurs privés à en faire davantage, la Ville de Montréal va exiger d’eux des compensations plus importantes.

Dans le bilan du Règlement pour une métropole mixte (RMM), présenté lundi, on apprend que 164 ententes ont été signées entre la Ville et des promoteurs depuis le 1er avril 2021, pour 8860 logements privés, construits, en construction ou planifiés, sur le territoire de Montréal.

La vaste majorité des promoteurs ont choisi de payer une pénalité plutôt que de construire des logements sociaux ou de céder des terrains à la Ville : Montréal a ainsi récolté 17,4 millions pour de futurs projets de logement social (en plus de 8,2 millions pour le logement abordable).

Mais ce que préfère la Ville, ce n’est pas encaisser des compensations, mais plutôt recevoir des projets de logements sociaux clés en main ou des terrains.

Or, seulement un projet de logement social de 86 appartements est en réalisation, alors que six autres prévoient une cession de terrain.

Le bilan présenté par Montréal évoque cependant « des engagements en immeubles (cessions de terrains et projets clés en main) s’élevant à 660 logements sociaux » en plus de deux ans. « Lors de l’adoption du RMM, il avait été estimé que les ententes signées annuellement représenteraient un potentiel de 600 logements sociaux. »

Redevances en hausse

Pour inciter les promoteurs à construire des logements sociaux dans le cadre de leurs projets privés, l’administration va donc augmenter les compensations exigées, explique Benoit Dorais, responsable de l’habitation au comité exécutif.

M. Dorais ne pouvait pas préciser l’ampleur de la hausse pour le moment, indiquant seulement qu’une autre annonce viendrait plus tard.

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Benoit Dorais, responsable de l’habitation au comité exécutif de la Ville de Montréal

Bien qu’un seul projet de logement social ait été concrétisé jusqu’à maintenant dans le cadre du RMM, Benoit Dorais estime qu’il ne s’agit pas d’un bilan négatif.

« Le règlement ne vise pas à ce qu’il se crée du logement, il vise la mixité, et il aura des effets sur le très long terme. On a ramassé 26 millions en deux ans, presque autant que dans les 15 années précédentes, alors c’est quand même un succès. »

Il note aussi que le RMM amène la conclusion d’un grand nombre d’ententes : 164 en un peu plus de deux ans, contre 145 en plus de 15 ans pour la Stratégie d’inclusion, qui s’appliquait auparavant.

« Échec »

L’opposition à l’hôtel de ville n’est pas du même avis : son porte-parole dénonce un « échec » de l’administration Plante.

« La plupart des quelques logements vantés dans le bilan ne sont pas encore développés et ne le seront pas avant un bon bout », déplore Julien Hénault-Ratelle, porte-parole de l’opposition en matière d’habitation.

Quant à la décision d’augmenter les redevances exigées des promoteurs, elle « démontre que Projet Montréal ne comprend strictement rien aux enjeux que le marché immobilier vit actuellement. Ce n’est pas en demandant aux promoteurs de payer davantage qu’on va augmenter le nombre d’unités de logements abordables dans la métropole. Avec cette logique, l’administration Plante va accélérer l’exode des promoteurs immobiliers et signer l’arrêt de mort des mises en chantier », poursuit M. Hénault-Ratelle.

Selon le parti Ensemble Montréal, la Ville doit plutôt s’employer à faciliter la vie aux constructeurs, en accélérant la délivrance de permis de construction, en allégeant la bureaucratie et en s’activant afin de développer les terrains dont elle est propriétaire.

Vice-présidente et directrice générale du promoteur Rachel Julien, Mélanie Robitaille estime aussi que ce n’est pas le moment de « surtaxer les projets de logements privés », en raison du contexte économique. « La majorité des projets immobiliers sont reportés actuellement », dit-elle, en raison de la hausse de 40 % des coûts de construction ces quatre dernières années et du resserrement des conditions de financement.

Elle espère encore que l’augmentation des redevances ne sera pas trop salée.

Qu’est-ce que le Règlement pour une métropole mixte ?

Tous les constructeurs de projets résidentiels de plus de 450 m² (environ 5 logements) doivent conclure avec la Ville de Montréal une entente sur l’offre de logements sociaux, abordables et familiaux.

  • Ils doivent inclure 20 % de logements sociaux, soit en construisant ces logements, qui seront ensuite cédés à la Ville clés en main, soit en offrant un terrain vacant, ou en payant une redevance en argent.
  • Ils doivent aussi prévoir 10 % à 20 % de logement abordable dans certains secteurs appelés zones de logement abordable. En dehors des zones abordables, seuls les projets de plus de 4500 m² sont soumis à des exigences en matière de logement abordable, par l’entremise d’une contribution financière.
  • Les projets de 50 logements et plus doivent prévoir de 5 % (au centre-ville) à 10 % (hors centre-ville) d’unités comportant trois chambres et une superficie minimale.