(Montréal) La Ville de Montréal interdira dans les nouveaux bâtiments les appareils fonctionnant au gaz, comme les systèmes de chauffage et les cuisinières, une mesure saluée par divers observateurs qui vise à « cesser d’ajouter de nouvelles sources d’émissions de gaz à effet de serre ».

Ce qu’il faut savoir

  • Montréal interdira les appareils fonctionnant au gaz, comme les systèmes de chauffage, les cuisinières et les chauffe-eau pour piscines et spas, dans les nouveaux bâtiments.
  • La mesure s’appliquera à tout bâtiment de trois étages et moins et d’au plus 600 mètres carrés construit à partir du 1er octobre 2024, puis aux plus grands bâtiments construits à compter du 1er avril 2025.
  • L’interdiction est saluée par divers observateurs, qui accusent toutefois Hydro-Québec de ralentir Montréal dans ses efforts de décarbonation.

L’interdiction s’appliquera à tout bâtiment de trois étages et moins et d’un maximum de 600 mètres carrés construit à partir du 1er octobre 2024, puis aux plus grands bâtiments construits à compter du 1er avril 2025, annoncera ce mercredi l’administration Plante.

« C’est vraiment le premier jalon de la Feuille de route [vers des bâtiments zéro émission dès 2040] », a déclaré à La Presse la responsable de la transition écologique et de l’environnement au comité exécutif de la Ville de Montréal, Marie-Andrée Mauger.

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La responsable de la transition écologique et de l’environnement au comité exécutif de la Ville de Montréal, Marie-Andrée Mauger

La mesure concerne les bâtiments des secteurs résidentiel, commercial et institutionnel ; le secteur industriel est exclu, notamment parce qu’il est déjà assujetti au marché du carbone, explique Mme Mauger.

Les bâtiments de plus de trois étages auront toutefois droit à une exception de taille : l’installation d’appareils au gaz y sera autorisée à condition qu’ils utilisent uniquement du gaz « de source renouvelable ».

Or, le gaz distribué par Énergir ne contient présentement que 2 % de gaz naturel renouvelable (GNR), du méthane produit à partir de matière organique, ce qui veut donc dire que l’essentiel du gaz qui sera utilisé proviendra encore de sources fossiles.

Lisez l’article « Gaz naturel renouvelable : Énergir accusée d’écoblanchiment »

« Aujourd’hui, c’est [2] %, mais à terme, ce sera 100 % », justifie Marie-Andrée Mauger, faisant référence à l’engagement d’Énergir de distribuer uniquement du GNR en 2050.

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Siège social d’Énergir, à Montréal

Les « préoccupations » d’Hydro-Québec quant aux périodes de pointe hivernales ont amené l’administration Plante à inclure cette exception dans son projet de règlement.

À Montréal, il y a vraiment des défis de capacité électrique lors des grands froids. […] Ça a fait l’objet de beaucoup, beaucoup de discussions dans les derniers mois [avec Hydro-Québec].

Marie-Andrée Mauger, responsable de la transition écologique et de l’environnement à la Ville de Montréal

D’autres exceptions sont aussi prévues : les restaurants pourront utiliser des appareils de cuisson au gaz et les solutions temporaires, comme l’utilisation d’une génératrice en cas de panne ou les appareils de chauffage pour un chantier de construction, seront autorisés.

Ce qui sera interdit

  • appareil servant au chauffage de l’eau et de l’air par combustion
  • cuisinière résidentielle au gaz
  • barbecue relié à un réseau de distribution de gaz
  • foyer au gaz intérieur
  • chauffe-eau pour piscine ou spa relié à un réseau de distribution de gaz

Ce qui sera autorisé

  • appareil de chauffage temporaire utilisé durant des travaux de construction
  • cuisinière commerciale dans un restaurant
  • barbecue relié à une bonbonne amovible
  • génératrice d’urgence
  • foyer au bois autorisé par le règlement sur le chauffage au bois

Des critiques… envers Hydro-Québec

Ce projet de règlement doit être applaudi, estime Normand Mousseau, directeur scientifique de l’Institut de l’énergie Trottier et professeur de physique à l’Université de Montréal, qui déplore toutefois « l’opposition systématique d’Hydro-Québec » à ce genre de mesures.

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Normand Mousseau, directeur scientifique de l’Institut de l’énergie Trottier et professeur de physique à l’Université de Montréal

La société d’État « n’a pas fait les investissements nécessaires pour assurer assez d’électricité à Montréal », s’indigne-t-il, soulignant que la décarbonation des bâtiments est essentielle pour atteindre les cibles climatiques du Québec – et la mesure la plus facile.

Hydro-Québec « se cache derrière des enjeux de gestion de la pointe [qui surviennent] une centaine d’heures par année » pour masquer le fait qu’elle a sous-estimé les besoins nécessaires à la décarbonation des bâtiments, ajoute le responsable de la campagne Climat-Énergie de Greenpeace Canada, Patrick Bonin, saluant par ailleurs l’« excellente initiative » de la Ville de Montréal.

Le projet de règlement de Montréal devrait aussi servir d’exemple au gouvernement Legault, souligne Andréanne Brazeau, analyste des politiques climatiques chez Équiterre.

« On espère que le gouvernement va prendre acte du fait qu’il est en train de se faire devancer solidement par les villes et qu’il devrait considérer l’adoption d’un règlement provincial [similaire] », lui qui a déjà interdit le mazout, dit-elle.

La pointe de l’iceberg

Les gaz à effet de serre (GES) émis par les nouveaux bâtiments ne constituent que « la pointe de l’iceberg », reconnaît Marie-Andrée Mauger, précisant que « 97 % des bâtiments qui constitueront le parc immobilier en 2040 sont déjà construits ».

« Ça, c’est le gros morceau », lance-t-elle, précisant d’emblée que la décarbonation des bâtiments existants suit une « approche graduelle et prévisible », mise en branle en 2021 avec la déclaration obligatoire des appareils de chauffage utilisant un combustible – les appareils au mazout font déjà l’objet d’une interdiction distincte pour 2030.

Des « seuils de performance » seront ensuite imposés graduellement pour les grands bâtiments.

« On aurait aimé avoir des indications sur le plan de la Ville concernant les bâtiments existants, parce que c’est là que sont concentrés les GES à l’heure actuelle », a déclaré Andréanne Brazeau, rappelant que la moitié des émissions de la collectivité montréalaise en 2021 venait des bâtiments, comme le rapportait La Presse lundi.

Lisez l’article « Gaz à effet de serre à Montréal : un rebond des émissions qui sème l’inquiétude »

L’ensemble des mesures qui découleront de la Feuille de route vers des bâtiments zéro émission dès 2040 permettra de s’approcher de la cible québécoise de réduction de 50 % des émissions de GES provenant du chauffage des bâtiments d’ici 2030, indique Marie-Andrée Mauger.

« On ne sera peut-être pas à 50 % en 2030, dit-elle, [mais] on sait qu’on sera à zéro en 2040. »

Le projet de règlement doit être entériné mercredi par le comité exécutif de la Ville de Montréal, puis sera présenté en novembre au conseil municipal, en vue d’une adoption en décembre.

Note : Une version précédente de ce texte indiquait que le taux de gaz de source renouvelable dans le réseau d’Énergir est de 1 %, mais le distributeur affirme qu’il est maintenant de 2 %.

En savoir plus
  • 1000 $
    Montant de l’amende à laquelle s’expose toute personne physique contrevenant à l’interdiction, pour chaque journée que l’infraction perdure
    source : Ville de Montréal
    2000 $
    Montant de l’amende à laquelle s’expose toute personne morale contrevenant à l’interdiction, pour chaque journée que l’infraction perdure
    source : Ville de Montréal