La hausse des émissions de gaz à effet de serre (GES) de l’île de Montréal a repris en 2021 et devrait se poursuivre en 2022, malgré les mesures pour les freiner, démontre le plus récent inventaire de la métropole, qui évoque l’importance de la sobriété pour inverser la tendance.

Ce qu’il faut savoir

Les émissions de gaz à effet de serre (GES) de l’île de Montréal ont augmenté de 6,7 % en 2021 par rapport à 2020, reprenant leur hausse interrompue par la pandémie de COVID-19.

La moitié des émissions provenait du secteur des « sources fixes » que sont les bâtiments résidentiels, commerciaux, institutionnels et industriels.

Montréal s’est donné l’objectif de réduire ses émissions de GES de 55 % d’ici 2030 par rapport à leur niveau de 1990.

La collectivité montréalaise a généré 10,3 millions de tonnes d’équivalent dioxyde de carbone (Mt éq. CO2) durant la deuxième année de la pandémie de COVID-19, en hausse par rapport aux 9,7 Mt éq. CO2 de l’année 2020.

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Même si les émissions de 2021 demeurent sous le niveau prépandémique de 2019, année durant laquelle Montréal avait émis 12,1 Mt éq. CO2 de GES, l’« inventaire montre que la tendance n’est pas à la réduction, mais à l’augmentation, en dépit des actions posées », s’inquiète le document publié durant l’été, mais passé inaperçu.

INFOGRAPHIE LA PRESSE / SOURCE : BUREAU DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE ET DE LA RÉSILIENCE DE LA VILLE DE MONTRÉAL

Émissions de GES de la collectivité montréalaise de 1990 à 2021

La moitié (49,8 %) des émissions de 2021 provenait du secteur des « sources fixes » que sont les bâtiments résidentiels, commerciaux, institutionnels et industriels.

Le secteur des transports arrive deuxième, avec 38,7 % des émissions, en hausse de 16 % par rapport à l’année précédente, une situation que l’inventaire attribue à « la levée des confinements et la reprise partielle de l’activité économique ».

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

La part du secteur des transports dans les émissions de gaz à effet de serre est en hausse.

Les quelque 10 % de GES restants sont essentiellement attribuables à l’enfouissement des matières résiduelles et à l’« utilisation de produits ».

Les émissions de GES de l’île de Montréal suivent ainsi la même tendance que celles du Canada, dont l’inventaire publié le printemps dernier montrait aussi un rebond des émissions en 2021 – l’inventaire québécois, lui, sera publié en décembre prochain.

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Encore un tiers à soustraire

Montréal s’est donné l’objectif de réduire ses émissions de GES de 55 % d’ici 2030 par rapport à leur niveau de 1990 ; il reste donc 3,5 millions de tonnes à éliminer en six ans, soit un peu plus du tiers des émissions de l’année 2021.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

La moitié des émissions de 2021 provenait du secteur des « sources fixes » que sont notamment les bâtiments institutionnels.

L’objectif est-il atteignable ? Le directeur du Bureau de la transition écologique et de la résilience de la Ville de Montréal, Sidney Ribaux, prend une longue inspiration avant de répondre : « Je pense que oui. »

Le plan climat de la Ville de Montréal annoncé à la fin de 2020 contient des « actions structurantes » dont les effets se feront sentir dans quelques années, indique M. Ribaux, citant notamment la décarbonation des bâtiments et l’amélioration de leur efficacité énergétique.

On s’entend qu’il n’y a pas d’impact du plan climat 2020 sur les émissions de 2021. […] On vit avec des choix qu’on n’a pas faits il y a 20 ou 30 ans.

Sidney Ribaux, directeur du Bureau de la transition écologique et de la résilience de la Ville de Montréal

Montréal est au contraire « sur la voie de rater son objectif », croit le responsable de la campagne Climat-Énergie de Greenpeace Canada, Patrick Bonin, estimant nécessaire « un changement drastique dans l’approche » de la Ville par l’ajout de nouvelles mesures et le renforcement de celles prévues.

L’inventaire de la Ville appelle lui aussi à « inverser la tendance en accélérant la mise en œuvre des engagements du Plan Climat ».

Mais une partie de la solution doit venir de Québec, qui détient « l’argent, les champs de compétence et les capacités d’action au niveau des transports et de l’industrie », affirme Patrick Bonin, accusant notamment le gouvernement Legault de « saigner les sociétés de transport en refusant de combler leurs déficits ».

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Il faut « des efforts combinés de toutes les parties prenantes », indique prudemment la responsable de la transition écologique et de l’environnement au comité exécutif de la Ville de Montréal et mairesse de l’arrondissement de Verdun, Marie-Andrée Mauger.

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Circulation automobile rue Notre-Dame, à Montréal

« Le contexte est difficile pour tout le monde », mais tout n’est pas négatif, dit-elle, citant l’entrée en service récente du Réseau express métropolitain (REM), son expansion prochaine et le prolongement de la ligne bleue du métro de Montréal, qui aideront à réduire les émissions de la métropole et à atteindre sa cible « hyper ambitieuse ».

Nécessaire sobriété

Montréal devrait aussi miser sur la sobriété énergétique, qui « apporte immédiatement d’importantes réductions de GES avec très peu d’investissements matériels et financiers », souligne l’inventaire de la Ville.

Il faut distinguer la sobriété du confort, précise Sidney Ribaux.

Ça ne veut pas dire que tu vas avoir froid chez vous, ça veut juste dire que tu ne vas pas chauffer un étage pendant que tu n’y es pas.

Sidney Ribaux, directeur du Bureau de la transition écologique et de la résilience de la Ville de Montréal

En matière de transports, la sobriété se traduit par la réduction de la taille des véhicules et de leur nombre, comme l’évoquait récemment le ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon, rappelle M. Ribaux.

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L’usine de Sucre Lantic, à Montréal

« Ça, c’est le genre de mesures qu’on peut accélérer », indique Andréanne Brazeau, analyste des politiques climatiques chez Équiterre, rappelant que cela nécessite toutefois que les gouvernements adoptent les incitatifs réglementaires requis.

« Plus tôt les mesures seront mises en œuvre, dit-elle, plus tôt on verra leur contribution à l’atteinte de la cible. »

Secret autour des émissions de la ville de Québec

L’inventaire des émissions de GES de la capitale est conservé à l’abri des regards, n’étant pas public à l’heure actuelle, a indiqué un porte-parole de la Ville de Québec, qui a invité La Presse à recourir à la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels pour l’obtenir. Notre demande était restée lettre morte au moment d’écrire ces lignes. Le Plan de transition et d’action climatique 2021-2025 de la Ville de Québec mentionne toutefois que les émissions globales de la capitale étaient de 4,1 millions de tonnes d’équivalent dioxyde de carbone en 2017, soit 7,2 tonnes par habitant. La Ville de Québec ambitionne d’abaisser ses émissions à 3,7 tonnes par habitant en 2030. D’autres villes du Québec dressent aussi l’inventaire des émissions de gaz à effet de serre sur leur territoire, à intervalles irréguliers, et les rendent publics. Elles étaient de 1,2 Mt éq. CO2 à Longueuil en 2019, de 2,0 Mt éq. CO2 à Laval en 2018 et de 1,7 Mt éq. CO2 à Gatineau en 2015, selon les plus récents inventaires disponibles.

En savoir plus
  • + 6,7 %
    Augmentation des émissions de gaz à effet de serre de l’île de Montréal de 2020 à 2021
    source : Ville de Montréal
    - 32 %
    Baisse des émissions de gaz à effet de serre de l’île de Montréal en 2021 par rapport à 1990 ; la métropole vise une réduction de 55 % d’ici 2030.
    source : Ville de Montréal