Les émissions de gaz à effet de serre (GES) de l’île de Montréal ont poursuivi leur hausse en 2019, montrent les plus récents inventaires de la métropole, au moment où s’ouvre le deuxième Sommet Climat Montréal.

Ce qu’il faut savoir

Les émissions de GES de l’île de Montréal augmentent depuis 2016, à l’exception de l’année pandémique de 2020.

La métropole s’éloigne ainsi de son objectif de réduction de 55 % d’ici 2030.

Des annonces « pour accélérer l’action climatique » sont attendues au Sommet Climat Montréal, qui se tient ce mardi et mercredi.

L’agglomération de Montréal, composée des 15 villes de l’île, a ainsi généré 12 108 kilotonnes (12,1 millions de tonnes) de GES en 2019, une augmentation de 3 % par rapport à l’année précédente.

Les émissions ont ensuite diminué à 10 120 kilotonnes en 2020, première année de la pandémie de COVID-19, qui est toutefois « considérée comme non représentative des effets des efforts de réduction » en raison du ralentissement économique et des confinements, indique le rapport des deux inventaires dévoilés simultanément.

Le document, qui a été publié récemment sans tambour ni trompette, est daté du 17 avril 2023.

Baisses effacées

En augmentant ses émissions de 2016 à 2019, l’agglomération de Montréal a ainsi effacé à un rythme soutenu ses baisses précédentes.

En 2016, la baisse des émissions de la métropole atteignait 28 % par rapport à leur niveau de 1990, mais en 2019, cette diminution n’était plus que de 20 %.

La cible de réduction de Montréal est de 55 % d’ici 2030 par rapport au niveau de 1990.

« Le défi est grand », résume le titulaire de la Chaire de recherche sur la décarbonisation à l’Université du Québec à Montréal, Mark Purdon. « Il y a beaucoup de chemin à faire. »

Il montre notamment du doigt les transports, dont la hausse des émissions était de 18 % en 2019 par rapport à 1990.

« C’est un défi parce qu’il n’y a pas juste la Ville de Montréal qui contrôle les émissions dans ce secteur-là », relève-t-il, évoquant les municipalités environnantes, mais aussi les autres ordres de gouvernement.

Et il ne suffit pas d’ajouter du transport en commun, il faut aussi densifier les villes pour réduire les besoins en transport, mais « ce n’est pas quelque chose qu’on peut facilement faire d’ici 2030 », prévient-il.

Sans réaménagement du territoire, [le transport en commun] ne va pas entraîner une rapide diminution des émissions de GES.

Mark Purdon, titulaire de la Chaire de recherche sur la décarbonisation de l’UQAM

Les émissions provenant des sources fixes, qui représentent l’autre grand secteur d’émissions avec les transports à Montréal, ont quant à elles diminué de 37 % en 2019 par rapport à 1990, mais elles augmentent légèrement depuis 2016.

« L’espoir dans le secteur des sources fixes, ce sont les thermopompes », qui sont encore peu utilisées au Québec, estime M. Purdon.

Solutions connues

L’effort de réduction « qui était déjà énorme [est maintenant] encore plus grand », reconnaît Sidney Ribaux, directeur du bureau de la transition écologique et de la résilience de la Ville de Montréal.

Le plan climatique de la métropole, adopté en 2020, a été préparé avec les données de 2015, indique-t-il. « C’est clair que le point de départ est plus élevé [maintenant]. »

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Dans les secteurs des transports et des sources d’émissions fixes, « ça va être extrêmement difficile d’atteindre les cibles, mais on connaît les solutions et on va être capables de les mettre en œuvre », soutient Sidney Ribaux.

La situation sera plus compliquée dans d’autres secteurs, comme celui de l’industrie, dit-il. « C’est là qu’on va avoir besoin d’innovation tant technique que réglementaire. »

Un plan à bonifier

Avec seulement le tiers de la cible de réduction atteinte et des émissions en hausse, il faut que les mesures à venir « soient musclées, rapides et structurantes », notamment dans le secteur des transports, prévient Andréanne Brazeau, analyste des politiques climatiques chez Équiterre.

Notre parc automobile augmente trois fois plus vite que la population. Au Québec, nos véhicules sont plus gros, sont plus nombreux et parcourent de plus grandes distances, donc tous les gains qu’on fait en efficacité énergétique et en électrification sont annulés.

Andréanne Brazeau, analyste chez Équiterre

Le plan climatique de la Ville devra être grandement bonifié, estime Patrick Bonin, responsable de la campagne climat-énergie chez Greenpeace Canada.

« Si on a un acteur parmi les plus déterminés qui n’est pas en voie d’atteindre son objectif, ce ne sont pas les gouvernements provincial et fédéral, dont le leadership climatique est encore plus questionnable, qui vont nous rassurer », dit-il.

D’autant plus que les émissions de 2021 promettent de repartir à la hausse, comme en témoigne l’inventaire fédéral de 2021, publié en avril, qui affichait une augmentation de 1,8 % à l’échelle du pays.

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« C’est sûr que ça va augmenter, la question, c’est à quel point », indique Sidney Ribaux.

De nouvelles mesures de lutte contre les changements climatiques doivent d’ailleurs être annoncées au Sommet Climat Montréal, qui se tient ce mardi et mercredi au Grand Quai du Port de Montréal.

Des données vieilles de plus de deux ans

L’inventaire des émissions de gaz à effet de serre de l’agglomération de Montréal présente des données vieilles de plus de 27 mois. Ce délai, qui est attribuable à « la complexité et aux choix de sources de données », sera réduit à 18 mois en raison d’une « restructuration importante » du processus d’inventaire et de la méthodologie de calcul, indique la Ville. L’inventaire des émissions de 2021 devrait donc être publié durant l’été. Au fédéral, les inventaires sont publiés avec un délai d’une quinzaine de mois : celui de 2021 a été publié en avril. Au Québec, le délai est de près de 24 mois : l’inventaire de 2021 sera publié en décembre prochain.

En savoir plus
  • 13,5 %
    Proportion des émissions de gaz à effet de serre du Québec provenant de l’île de Montréal
    sources : Ville de Montréal et ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs du Québec