(Montréal) Des groupes de citoyens de Pointe-Claire, dans l’ouest de Montréal, demandent au ministre de l’Environnement, Benoit Charette, d’empêcher un promoteur immobilier de détruire la forêt Fairview et ses milieux humides, où vivent au moins 35 espèces en péril selon une nouvelle étude.

Chaque semaine depuis trois ans, des membres du groupe « Sauvons la forêt Fairview » manifestent au coin du boulevard Brunswick et de l’avenue Fairview à Pointe-Claire, à l’intersection qui fait le pont entre le stationnement d’un grand centre commercial et une forêt urbaine d’environ 185 000 mètres carrés.

« On manifeste depuis novembre 2020, depuis qu’on a vu aux nouvelles que Cadillac Fairview voulait développer tout le terrain de la forêt, à part une petite parcelle. Ils veulent tout bétonner et asphalter », s’est indignée la porte-parole du groupe, Geneviève Lussier, qui participait à une conférence de presse devant les bureaux montréalais du ministre Charette, mardi.

Au moins 35 espèces en péril

Lors de l’évènement organisé par le Fonds Héritage pour l’environnement, la firme de biologistes TerraHumana Solutions a présenté une nouvelle étude qui identifie 35 espèces en péril dans la forêt Fairview.

« Cette forêt est une forêt mature qui inclut au moins trois milieux humides. Nous avons identifié plus de 240 espèces de flore et de faune dont 35 sont en péril […] comme le papillon monarque, trois oiseaux migrateurs, dont la paruline du Canada et la grive des bois, et trois espèces de chauves-souris, toutes en voie d’extinction au Canada », a indiqué la présidente de TerraHumana, Isabelle Anne-Buisson, en ajoutant « qu’il est fort probable que les biologistes trouvent d’autres espèces en péril dans cette forêt, car ils n’ont pas terminé leurs saisies de données ».

La couleuvre brune, une espèce menacée dont l’habitat au Québec se trouve uniquement dans la région de Montréal, a également été observée dans la forêt qui est aussi l’habitat du renard roux.

Une forêt qui est « comme un musée »

Les écosystèmes forestiers sont de plus en plus rares à Montréal et la biologiste Isabelle Anne-Buisson a expliqué que la forêt Fairview est une « relique des écosystèmes naturels autrefois présents dans l’ouest de l’île » et « qu’entrer dans cette forêt, c’est comme entrer dans un musée ».

En milieu urbain, préserver ce type d’espace naturel « mature avec un écosystème bien installé » est « vraiment primordial pour la santé des gens, la biodiversité et la lutte au changement climatique », a fait valoir la biologiste.

La porte-parole de « Sauvons la forêt Fairview », Geneviève Lussier, a ajouté qu’elle « ne comprend pas comment, en 2023, on pourrait se permettre de bétonner un endroit comme ça » alors que cette forêt « est le dernier espace naturel dans un des pires îlots de chaleur de Montréal ».

Autorisation ministérielle

La forêt est située à l’ouest du Fairview Pointe-Claire et elle appartient à Cadillac Fairview, le propriétaire du centre commercial.

En octobre 2022, le ministère de l’Environnement a émis une autorisation ministérielle à Cadillac Fairview lui permettant le « remblayage dans deux milieux humides pour l’agrandissement d’un centre d’achat et la mise en place d’un développement domiciliaire à Pointe-Claire ».

Le numéro de cadastre mentionné dans l’autorisation ministérielle correspond à la forêt Fairview.

Les groupes de citoyens qui étaient présents devant le bureau du ministre mardi soutiennent qu’à la lumière de la nouvelle étude de TerraHumana Solutions, le ministre doit revenir sur cette décision et empêcher le développement immobilier dans cet écosystème.

« On ne peut rester impassible lorsqu’un développeur se fait dérouler le tapis rouge pour détruire notre patrimoine naturel et celui de nos enfants » et « on demande au ministre d’annuler l’autorisation », a indiqué Campbell Stuart, du Fonds Héritage pour l’environnement.

Dans un échange avec La Presse Canadienne, le ministre Charette a indiqué qu’il allait prendre connaissance de l’étude de TerraHumana et que « le ministère fera un suivi approprié concernant les impacts potentiels sur l’environnement pour les phases subséquentes du projet », ajoutant que « la protection de la biodiversité, et particulièrement des espèces menacées et vulnérables, est un incontournable et en 2023, les projets de développement doivent en tenir compte ».

Protéger temporairement

Actuellement, un règlement de contrôle intérimaire (RCI) émis par la municipalité de Pointe-Claire met sur pause l’octroi de permis de construction de nouveaux bâtiments dans la forêt Fairview.

Mais le maire de Pointe-Claire, Tim Thomas, a expliqué que cette protection est temporaire, le RCI ayant été émis afin de donner le temps à l’administration municipale de revoir son plan d’urbanisme.

« Nous devons trouver une solution pour le long terme, et pour moi, l’idéal serait d’acheter la forêt pour la protéger », a-t-il expliqué à La Presse Canadienne, en proposant une « acquisition qui pourrait impliquer différents gouvernements ».

Cadillac Fairview, qui possède plusieurs centres commerciaux au pays, appartient au Régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l’Ontario (Teachers).

En 2020, l’entreprise avait indiqué à différents médias qu’elle souhaitait utiliser les terrains qu’elle possède à l’ouest du centre commercial Fairview Pointe-Claire pour construire un « nouveau centre-ville » pour l’ouest de l’île.

La Presse Canadienne a demandé à l’entreprise si ces plans avaient changé depuis 2020 et si elle avait l’intention de construire des résidences et des commerces dans la forêt Fairview, mais l’agence de presse n’a pas obtenu de réponse.