Le terrain situé dans Hochelaga-Maisonneuve appartient au MTQ

Des sans-abri qui campent sur un terrain du ministère des Transports du Québec (MTQ), dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve à Montréal, pourront y demeurer pour au moins deux semaines, a décrété un juge de la Cour supérieure, mercredi.

Une dizaine de campeurs, qui avaient reçu il y a deux semaines un avis d’éviction du MTQ, l’ont contesté en cour, grâce à la Clinique juridique itinérante.

L’avis leur donnait jusqu’à lundi pour quitter les lieux. « Nous sommes allés d’urgence devant un juge de la Cour supérieure lundi matin et nous avons obtenu une ordonnance de sauvegarde de 72 heures afin d’empêcher leur éviction », explique le directeur de la clinique, MDonald Tremblay.

Mercredi, ils étaient de retour au palais de justice pour demander que le délai soit prolongé, ce qui leur a été accordé, jusqu’au 6 novembre, par le juge David E. Roberge.

Demande de l’arrondissement

C’est l’arrondissement de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve qui a ordonné au MTQ de démanteler le campement. Dans un avis daté du 21 septembre, un inspecteur municipal informe le MTQ que son terrain accueille présentement un « campement de fortune » et que « cet usage n’est pas autorisé dans ce secteur » par le règlement d’urbanisme. On note aussi l’accumulation de déchets sur le site, ce qui contrevient au règlement sur les nuisances, en donnant au propriétaire 10 jours pour tout retirer.

À l’arrondissement, on explique avoir agi à la suite de la plainte d’un citoyen.

« C’est scandaleux, dans une période de crise de l’itinérance et du logement, de taper ainsi sur la tête de ceux qui sont déjà dans la misère, s’insurge MDonald Tremblay. Est-ce maintenant la politique de la Ville de nettoyer tous les campements ? »

C’est bien beau de les évincer, mais ils n’ont nulle part où aller.

MDonald Tremblay, directeur de la Clinique juridique itinérante

Le Refuge Bennett de l’organisme CAP St-Barnabé, qui se trouve dans le secteur, refuse en moyenne 20 personnes sans-abri par jour, témoigne sa coordonnatrice, Catherine Lesage, dans une déclaration sous serment soumise à la cour.

Sur le site du campement, mercredi, les représentants de La Presse ont pu observer, à côté d’un bâtiment de briques abandonné, quelques tentes disséminées au milieu d’amoncellements hétéroclites d’objets de toutes sortes : meubles éventrés, équipement de cuisine, vêtements déchirés, emballages vides d’aliments, etc.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Le campement jouxte un bâtiment abandonné.

Une personne qui se trouvait dans une tente a refusé de répondre à nos questions.

Coquerelles et punaises

La Clinique juridique itinérante a recueilli les témoignages de quelques campeurs, dans des déclarations sous serment.

Ainsi, un homme de 53 ans, ayant déjà travaillé dans le domaine de la construction, explique s’être retrouvé bénéficiaire de l’aide sociale à la suite d’une blessure l’empêchant de retourner sur les chantiers. Il a vécu dans une maison de chambres du quartier, mais l’a quittée il y a un an parce qu’elle était infestée de coquerelles et de punaises de lit. Il a tenté plusieurs fois d’obtenir une place dans un refuge, mais a toujours été refusé en raison du manque de places, indique-t-il.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Le campement est situé près d’une piste cyclable.

« Depuis le 10 octobre 2022, personne du gouvernement, du CLSC, du CIUSSS ou de tout autre organisme n’est venu m’offrir de l’aide afin de trouver un logement », révèle-t-il, ajoutant que des travailleurs de rue viennent toutefois régulièrement vérifier si les campeurs vont bien.

« J’aimerais bien avoir un logement subventionné, mais j’ai besoin d’aide dans ce processus. L’année dernière, j’ai commencé le processus, mais je me suis vite découragé de l’ampleur des démarches administratives à entreprendre. »

Un autre campeur, âgé de 54 ans, qui avait un emploi de boucher, explique avoir été évincé de sa maison de chambres. Comme il travaillait, il ne pouvait pas se rendre assez tôt dans la journée dans un refuge pour obtenir une place, ce qui l’a amené à vivre dans sa tente depuis juillet dernier.

Déficience intellectuelle

Un couple, dont la femme est sous tutelle et l’homme vit avec une déficience intellectuelle, témoigne aussi n’avoir nulle part où aller depuis son expulsion d’une maison de chambres, en juillet dernier.

La femme de 46 ans explique qu’elle souffre d’agoraphobie, ce qui l’empêche de fréquenter les refuges pour sans-abri. Son conjoint de 42 ans a appelé au 211 et au 311, comme l’avis d’éviction le suggérait aux campeurs, mais personne n’a pu le diriger vers une ressource qui pourrait l’aider dans la recherche d’un logement.

« Accompagner les personnes en situation d’itinérance vers les ressources appropriées n’est pas une option, c’est une responsabilité morale. Bien que l’arrondissement soit tenu de faire appliquer la réglementation de zonage, nous espérons toujours que le propriétaire foncier d’un terrain où se sont installées des personnes en situation d’itinérance fasse preuve d’humanité et de compassion dans l’exécution de ses responsabilités », a réagi Pierre Lessard-Blais, maire de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve, dans une déclaration écrite.

Le MTQ n’a pas donné suite à nos demandes.

C’est la deuxième fois en un an que Québec se retrouve au tribunal pour défendre sa décision d’expulser des campeurs de ses terrains. En juin dernier, des sans-abri qui s’étaient installés sous l’autoroute Ville-Marie, près du centre-ville de Montréal, ont dû quitter leurs tentes, après avoir obtenu plusieurs délais grâce à une contestation judiciaire.

Quatre d’entre eux ont maintenant un appartement, tandis que six autres ont entrepris les démarches administratives pour obtenir un logement subventionné. En attendant, le MTQ paie pour les loger dans un motel, indique MTremblay.

Lisez « La cour ordonne le démantèlement du campement »