Le portefeuille d’infrastructures de la Caisse de dépôt a encore bien fait en 2023 grâce notamment à la contribution soutenue de ses actifs dans les énergies renouvelables et de transition. Il ne faudra donc pas s’étonner que la Caisse participe activement au financement de plusieurs initiatives du Plan 2035 d’Hydro-Québec, qui nécessitera des investissements de 155 à 185 milliards.

Charles Emond, le PDG de la Caisse, est très satisfait du rendement de 9,6 % qu’a généré le portefeuille d’infrastructures au cours de la dernière année, une performance nettement supérieure à celle de 0,3 % qu’a enregistrée son indice de référence.

La Caisse veut continuer de progresser dans cette classe d’actifs qui offre, selon l’institution, une protection contre l’inflation tout en assurant des rendements courants élevés. Et comme la transition énergétique reste le grand enjeu des prochaines décennies, M. Emond estime que la Caisse devra y participer activement.

Est-ce que le gestionnaire du régime de rentes du Québec pourrait s’associer à Hydro-Québec pour financer la construction de nouveaux barrages hydroélectriques, de parcs éoliens, de fermes solaires ou de lignes de transmission (comme la Caisse vient de le faire au Brésil) ?

La réponse est un oui sans équivoque.

On n’en a pas encore discuté avec Hydro, mais si on nous approche, c’est une classe d’actifs qu’on aime et on veut contribuer à la décarbonation du Québec.

Charles Emond, président et chef de la direction de la Caisse de dépôt et placement du Québec

« Il y a plusieurs façons de le jouer. On peut y aller comme prêteur, on peut investir dans les infrastructures tels que des parcs éoliens ou des lignes de transport, mais c’est certain que comme partenaire qui est proche de chez nous et qui fait quelque chose de bien, ça coche toutes les cases », confirme Charles Emond, dans une entrevue qu’il m’a accordée en marge de la publication des résultats annuels.

Hydro-Québec va devoir aller sur les marchés internationaux pour trouver le financement nécessaire à la réalisation de ses ambitions multimilliardaires, mais la Caisse va faire partie des partenaires de certains projets.

Le PDG de la Caisse de dépôt se montre largement satisfait des derniers résultats dans leur ensemble, malgré le fait qu’elle a enregistré des performances décevantes dans certaines classes d’actifs comme l’immobilier et les placements privés.

Charles Emond estime que la stratégie d’investissement a permis d’augmenter la résilience de certains portefeuilles pour mieux composer avec des marchés « agressifs ».

La Bourse mieux que les placements privés

Les gestionnaires du portefeuille boursier de la Caisse ont réussi à produire en 2023 un rendement de 17,7 %, la meilleure performance des 10 dernières années, qui a même surpassé celle de l’indice de référence à 17,4 %. Chose rare et surprenante, la Caisse a produit de meilleurs rendements boursiers que ceux très décevants qu’elle a obtenus via son portefeuille de placements privés.

« Notre portefeuille de placements privés a été frappé par la hausse rapide des taux d’intérêt. Nos participations privées au Québec ont nettement mieux fait que le 1 % de l’ensemble de la catégorie. Sur les 32 milliards d’actifs additionnels que la Caisse a générés en 2023, 10 milliards proviennent du Québec », insiste le PDG.

La performance boursière de la Caisse n’aurait pas été possible si l’institution avait conservé la stratégie qu’elle avait au début des années 2020, « on se serait fait déclasser par les marchés », estime Charles Emond.

« Il nous manquait des jetons sur la table. On n’avait pas de mandat de croissance, on transigeait moins, on appliquait une gestion fondamentale systématique. Depuis trois ans, on peut mieux suivre les marchés, qui sont très agressifs », souligne-t-il.

L’équipe de gestion interne de la Caisse a adopté une stratégie croissance en prenant notamment une participation dans certains des « Magnificent Seven stocks » qui ont été responsables de plus de 60 % de l’appréciation de l’indice S&P 500 en 2023.

Est-ce qu’il y a un danger que ces titres à forte valorisation deviennent les premiers à écoper violemment dans l’éventualité d’une récession et d’un krach boursier comme certains l’appréhendent pour 2024 ?

« On n’a pas mis tous nos œufs dans le même panier et plusieurs de ces titres sont devenus l’équivalent d’utilités publiques. S’il y a une récession, est-ce que les gens vont cesser d’aller sur l’internet et d’utiliser Google ? On n’est pas dans Tesla, mais dans Nvidia », précise Charles Emond.

À propos, Nvidia, le fabricant de semi-conducteurs, a fracassé jeudi un nouveau record à Wall Street en enregistrant une valorisation de 277 milliards US en une séance boursière, ce qui représente trois fois la valeur du CN.

Nvidia a éclipsé le record précédent réalisé par Meta le 2 février dernier lorsque la valeur de son titre s’est appréciée de 196 milliards.

On a un portefeuille de qualité qui a plus de vélocité et qui est plus résilient.

Charles Emond, président et chef de la direction de la Caisse de dépôt et placement du Québec

Un portefeuille qui sera capable de résister à l’élection d’un Donald Trump aux États-Unis et d’un Pierre Poilievre au Canada, deux ardents promoteurs de l’exploitation pétrolière à outrance.

« L’histoire nous enseigne que l’économie américaine performe au-delà du président ou peu importe le président en fonction. C’est certain qu’il va y avoir des enjeux, des irritants, mais la transition énergétique est trop importante pour qu’on la laisse tomber, on y est tous engagé », estime Charles Emond.

Le PDG de la Caisse table davantage sur la baisse des taux d’intérêt qui devrait s’amorcer dans la deuxième moitié de l’année. « Si on pouvait revivre la décennie 2010-2019 lorsque les taux d’intérêt baissaient sans arrêt, cela avait été excellent pour l’économie », rêve à haute voix Charles Emond.