La Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) a généré un rendement de 7,2 % en 2023 avant d’entrer dans une année « charnière » pendant laquelle la volatilité sera alimentée par les taux d’intérêt, l’inflation, les conflits armés et des élections aux quatre coins du monde.

Dans le vert, mais…

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Le président et chef de la direction de la CDPQ, Charles Emond

Si la performance du bas de laine des Québécois s’est chiffrée à 7,2 %, ou 28 milliards, elle a néanmoins été inférieure à l’indice de référence, fixé à 7,3 %. En comparaison, les régimes de retraite canadiens – qui n’ont généralement pas la même envergure que la Caisse au chapitre des actifs – ont obtenu un rendement annuel médian de 9,1 %, selon le plus récent sondage de RBC Services aux investisseurs et de trésorerie. « La volatilité observée depuis 2020, c’est une nouvelle réalité qui perdure », a affirmé le président et chef de la direction de la CDPQ, Charles Emond, en commentant les résultats. Dans l’ensemble, 2023 se résume par un rebond dans les secteurs des marchés boursiers et obligataires ainsi que par des difficultés du côté des placements privés et de l’immobilier.

Le bon

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Des négociants en actions scrutent des indices à la Bourse de New York.

Avec une performance de 17,7 %, supérieure à son indice de référence (17,4 %), le portefeuille des marchés boursiers a généré son meilleur résultat en une décennie. Le gestionnaire de régimes de retraite est davantage exposé aux « Sept Magnifiques » – Apple, Alphabet (Google), Amazon, Microsoft, Meta (Facebook), Tesla et Nvidia – qui ont tiré les marchés américains en 2023. Ce n’était pas le cas il y a quelques années. « Nos positions importantes dans des sociétés québécoises ont aussi réalisé de bonnes performances en Bourse », a souligné le premier vice-président et chef des marchés liquides, Vincent Delisle. « Sur le plan de la constitution du portefeuille, nous avons une plus grande exposition aux secteurs de croissance. Aujourd’hui, le poids des [Sept Magnifiques] est de 13 milliards. » Avec un résultat de 9,6 %, le portefeuille des infrastructures s’est aussi démarqué.

Le moins bon

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La performance de la CDPQ a été affectée par la débandade d’Alstom, a précisé le patron de la Caisse.

Les placements privés – essentiellement des entreprises non cotées et des fonds externes – ont été l’une des locomotives de la CDPQ au cours des dernières années. La tendance s’est inversée en 2023. Le résultat a été de 1 %, loin de l’indice de référence de 10,5 %. Ce secteur a souffert de la montée des taux d’intérêt. « Il y a une hausse des coûts de financement, a dit M. Emond. C’est quand même un portefeuille qui a fait un rendement de 70 % dans les trois dernières années. » La performance a été affectée par la débandade d’Alstom, a précisé le patron de la Caisse. Même s’il s’agit d’une société cotée en Bourse, elle figure dans le secteur des placements privés puisque la CDPQ détient 18 % du constructeur français de matériel roulant. Sans l’effet du plongeon boursier de la multinationale française, le résultat aurait probablement été aux alentours de 5 %, selon M. Emond.

Pressions immobilières

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Quelque 300 transactions immobilières totalisant plus de 50 milliards ont été réalisées, notamment pour réduire l’exposition aux centres commerciaux.

La dernière année n’a pas été de tout repos dans l’immobilier, où la valeur du portefeuille s’est contractée de 6,2 %. Malgré tout, cela est meilleur que le recul de 10 % de l’indice de référence. « Le contexte est particulièrement hostile pour le secteur immobilier, a estimé Nathalie Palladitcheff, présidente et cheffe de la direction d’Ivanohé Cambridge, filière immobilière de la CDPQ. L’augmentation des taux d’intérêt a eu un impact sur la valeur des immeubles et resserre l’accès au financement. » Depuis 2020, Mme Palladitcheff, qui quittera son poste à la fin d’avril, recentre la division immobilière. Quelque 300 transactions totalisant plus de 50 milliards ont été réalisées, notamment pour réduire l’exposition aux centres commerciaux. Ce travail n’est pas terminé et il a ralenti en 2023, où le nombre de transactions a atteint un creux en 15 ans.

Encore des secousses

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La « multiplication des conflits » dans le monde – comme la guerre en Ukraine et celle entre Israël et le Hamas – fait de 2024 une année « charnière » pour la CDPQ.

Aux dires des dirigeants de la CDPQ, 2024 sera une année « charnière » où la volatilité risque d’être encore plus importante. On anticipe un assouplissement monétaire des banques centrales, mais il est difficile de prévoir quand, exactement, les taux d’intérêt vont amorcer leur descente. Parallèlement, il y a une « multiplication des conflits » dans le monde – comme la guerre en Ukraine et celle entre Israël et le Hamas – et « la moitié de la planète » sera en élections. « Tout cela est un mélange qui est complexe, reconnaît M. Emond. La question des taux d’intérêt, depuis deux ans, c’est une volatilité trois fois plus élevée que ce qu’on a connu dans les 15-20 dernières années. » Sur cinq ans, le rendement de la CDPQ se chiffre à 6,4 %, légèrement au-dessus de son indice de référence (5,9 %). Le président du gestionnaire de régimes de retraite estime que cela témoigne de la résilience de l’institution qu’il dirige. « Malgré tous ces scénarios, les actifs sont 100 milliards plus élevés, dit-il. Les régimes de retraite des Québécois sont en très bonne santé financière. »

Combien de baisses ?

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Siège de la Banque du Canada, à Ottawa

En réponse à une question, Vincent Delisle a dû se livrer au jeu des prédictions. Combien y aura-t-il de baisses du taux directeur au Canada ? Jusqu’à trois, qui pourraient, ensemble, retrancher jusqu’à 75 points de base du taux cible du financement à un jour de la Banque du Canada, actuellement à 5 %. « S’il y a des baisses aux États-Unis, cela risque d’être en deuxième moitié d’année, a-t-il dit. Je pense que ça va être difficile pour la Réserve fédérale des États-Unis d’exaucer le souhait des marchés. Dans le coin de Noël, les marchés s’attendaient à six baisses de taux. Aujourd’hui, on est à trois. »

Avec un « M » majuscule

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Le Québec représente environ 20 % de l’actif net de la CDPQ, qui atteignait 434 milliards au 31 décembre.

L’actif québécois de la CDPQ a grimpé de 10 milliards, pour atteindre 88 milliards. Le Québec représente environ 20 % de l’actif net de la CDPQ, qui atteignait 434 milliards au 31 décembre. L’institution ne divulgue pas le rendement de l’ensemble de ses actifs québécois, a affirmé la première vice-présidente et cheffe, Québec, Kim Thomassin. Le rendement est au moins meilleur que celui des placements privés, a laissé entendre M. Emond. « Ç’a été meilleur, a-t-il dit. Elle [Mme Thomassin] ne voudra pas le dire, mais je vais la féliciter. Ç’a été meilleur. Meilleur avec un M majuscule. »

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    Nombre de déposants à la CDPQ.
    Caisse de dépôt et placement du Québec.