Tous ceux qui ont fréquenté un aéroport récemment l’auront remarqué, l’aviation commerciale est repartie en grande et la tendance – malgré la prise de conscience collective des effets délétères de l’empreinte carbone générée par cette activité – semble bien enracinée, et ce, à l’échelle mondiale.

Les contrats gigantesques que viennent de signer deux compagnies aériennes indiennes au Bourget, 500 nouveaux avions pour Indigo et 470 pour Air India, témoignent de cette suractivité qui a gagné l’industrie mondiale du transport aérien.

Une belle façon de mesurer cette effervescence, c’est de s’attarder un peu aux activités du constructeur de simulateurs de vol et plus important formateur de pilotes, d’agents de bord et de techniciens aéronautiques au monde, CAE, de l’arrondissement de Saint-Laurent, une entreprise qui se trouve en amont de toute la fébrilité que l’on observe aujourd’hui.

Le PDG de CAE souligne que son grand défi du moment reste de bien gérer la croissance. L’an dernier, CAE a haussé ses revenus de 25 % et ses profits de 20 %, en enregistrant une activité soutenue dans les secteurs de l’aviation civile et militaire.

Les dernières prévisions du spécialiste de la formation qui ont été dévoilées mardi au Bourget font état du besoin de l’industrie d’embaucher dans les 10 prochaines années pas moins de 1,3 million de nouveaux professionnels de l’aviation : 252 000 pilotes, 328 000 techniciens, 599 000 membres d’équipage de bord dans l’aviation commerciale, 32 000 pilotes et 74 000 techniciens dans l’aviation d’affaires.

« On a ouvert l’an dernier deux nouveaux centres de formation pour l’aviation d’affaires à Las Vegas et Singapour, et on en construit trois autres à Savannah, Orlando et Vienne. C’est vrai qu’on avait du rattrapage à faire, mais l’aviation d’affaires roule très fort », observe le PDG.

CAE exploite 70 centres de formation dans le monde et va en ouvrir 3 autres pour la compagnie aérienne Qantas à Sydney, Melbourne et Perth cette année.

L’entreprise, qui s’est engagée dans un plan d’investissement de 1 milliard sur cinq ans pour le développement de toutes ses plateformes technologiques, est aussi active dans la transformation de sa propre plateforme de formation à la propulsion électrique.

« On modifie nos 200 appareils Piper qui servent dans nos centres pour les adapter à l’électrique. On va pouvoir ensuite proposer cette solution à des clients, mais on se lance aussi dans la mobilité aérienne avancée, c’est le prochain marché qui va exploser », anticipe le PDG.

De nombreux de ces petits avions qui fonctionnent avec la propulsion électrique sont en vitrine au Bourget. Ils servent à la mobilité urbaine et dans le transport de marchandises pour réaliser les derniers kilomètres d’une livraison.

CAE collabore avec les cinq grands acteurs de ce nouveau marché, notamment avec l’entreprise américaine Beta, qui développe des appareils à décollage vertical. Beta a son usine à Burlington, au Vermont, mais a ouvert son centre de développement qui emploie déjà plus de 100 ingénieurs à Saint-Laurent, tout juste à côté de chez CAE.

« C’est le marché de l’avenir, c’est comme quand on est passé du moteur à piston au moteur à turbine, cela a changé l’aviation. Les grands constructeurs veulent qu’on s’occupe de la formation des pilotes parce que la règlementation va l’exiger », observe Marc Parent.

De l’Aero un peu plus « flyée »

J’ai profité de mon passage au salon du Bourget pour rencontrer les dirigeants de deux entreprises qui œuvrent dans le secteur, mais à une altitude supérieure ou sinon différente de nos PME de l’aéronautique traditionnelle – des entreprises un peu plus « flyées », comme on dit –, afin de prendre de leurs nouvelles.

D’abord Vincent Guibout, vice-président exécutif de Flying Whales et président des Dirigeables Flying Whales Québec, la division québécoise de la société française.

Le groupe prépare le premier vol de son super dirigeable-cargo capable de transporter des charges pouvant peser jusqu’à 60 tonnes pour les déplacer dans des lieux non desservis autrement, en régions éloignées ou difficilement accessibles. Ces dirigeables serviront notamment aux transports de pales d’éolienne dont on pourra ainsi augmenter de façon importante les dimensions.

Québec a pris une participation de 25 % au capital de l’entreprise en injectant quelque 85 millions dans sa maison-mère et sa division québécoise. L’entreprise étudie présentement cinq sites, dont trois en régions, pour l’implantation de son usine de fabrication de super dirigeables.

Le groupe est en train d’installer une usine dans la région de Bordeaux, qui desservira tout le marché de l’Europe et de l’Afrique, alors que celle du Québec couvrira tout le territoire des Amériques.

« La gondole sera équipée de couchettes pour les quatre membres d’équipage qui feront les voyages de livraison. On a actuellement 150 ingénieurs qui travaillent en France et une dizaine à Montréal.

« On s’est associés à Pratt & Whitney Canada, qui fabriquera des systèmes de propulsion, à Thales Canada pour les systèmes d’avionique et à Delastek de Shawinigan, qui va fabriquer les gondoles », résume le polytechnicien, détenteur d’un doctorat en système de guidage.

Le groupe a plusieurs actionnaires, mais compte sur la participation des gouvernements parce qu’il construit une infrastructure de transport. Le gouvernement français et la région de l’Aquitaine ainsi qu’Investissement Québec sont actionnaires, et le gouvernement de l’Australie et de la région où ils vont s’implanter va s’ajouter au groupe.

Flying Whales a aussi des actionnaires privés comme l’Office national des Forêts de France, le constructeur Bouygues et la Société Générale. « On avait le gouvernement chinois comme partenaire, mais le gouvernement canadien a refusé ce partenariat, ce sera donc l’Australie qui va couvrir le territoire de l’Asie », souligne Vincent Guibout. Le premier vol de l’appareil est prévu pour 2025.

Autre entreprise « flyée », mais de l’aérospatiale celle-là, Northstar Ciel & Terre va finalement pouvoir lancer ses premiers satellites en septembre prochain comme elle l’espérait, mais ne pensait plus pouvoir le faire à la suite de la faillite de l’entreprise Virgin, qui devait s’occuper du lancement de ses satellites de surveillance de l’espace.

« On a été pris par la faillite de Virgin. Des lanceurs de satellites, il n’y en a pas des tonnes, mais l’entreprise Rocket Lab de Nouvelle-Zélande a confirmé aujourd’hui qu’elle serait notre partenaire pour le lancement en septembre prochain de quatre de nos premiers satellites d’une constellation qui va en compter 24 d’ici deux ans », prévoit Stewart Bain, PDG de Northstar, une entreprise détenue en partie par Charles Sirois, Rogers et plusieurs fonds d’investissement.

« L’espace s’encombre de plus en plus de débris de satellites. Il y a présentement plus de 8000 satellites en orbite, dont 5000 seulement qui sont actifs, et on prévoit que le nombre va atteindre les 100 000 d’ici 2030. Les risques d’accident vont exploser », m’explique Johanne Lecomte, vice-présidente exécutive, responsable du développement des affaires. Flyée, mais nécessaire.