(Paris) Le Salon international de l’aéronautique du Bourget, qui s’ouvre ce lundi, sera encore cette année investi par une forte délégation québécoise d’une cinquantaine d’entreprises et d’organismes liés à l’aéronautique, et le gouvernement fédéral a déjà entrepris de marquer le pas en annonçant un nouveau programme de soutien à l’innovation de 350 millions.

Le ministre fédéral de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, François-Philippe Champagne, annoncera ce lundi midi (heure de Montréal) la création d’un nouveau réseau national d’innovation, l’Initiative de technologie aéronautique durable (INTAD), qui s’attelera au financement de projets de verdissement des entreprises de l’aéronautique.

Ce nouveau fonds renforcera les initiatives déjà amorcées avec l’annonce, il y a deux ans, du Fonds stratégique pour l’innovation pour les grands investissements dans l’aviation durable, un fonds doté de 2 milliards.

Contrairement au Fond stratégique pour l’innovation, qui a participé au financement de projets spécifiques avec de grands partenaires comme CAE, Pratt & Whitney et Bell Helicopter, l’Initiative de technologie aéronautique durable vise plus large, puisque ses fonds seront offerts tant aux fabricants d’origine qu’aux PME, compagnies aériennes ou aéroports.

Autre particularité de l’INTAD : les investissements qui seront faits à même le fonds de 350 millions seront administrés et réalisés par l’industrie, par l’entremise de la création d’un organisme sans but lucratif, une initiative appréciée par Mike Mueller, PDG de l’Association des industries aérospatiales du Canada.

« Il s’agit d’une initiative provenant de l’industrie qui sera menée à travers l’intermédiaire d’un conseil d’administration indépendant qui déterminera la meilleure façon de positionner le Canada comme leader mondial en innovation aérospatiale », a commenté dimanche à La Presse Mike Mueller.

Chez Aéro Montréal, on s’attend à appuyer l’élaboration de projets d’investissement au sein de la grappe de l’aéronautique québécoise, anticipe Mélanie Lussier, PDG de l’organisme.

Ottawa souhaite donc solidifier l’écosystème autour des enjeux liés notamment aux biocarburants, à la propulsion hybride ou à toute autre initiative liée à la réduction des gaz à effet de serre de l’industrie.

L’annonce de ce nouveau programme, qui sera dévoilé lors d’une réception à l’ambassade du Canada à Paris et qui réunira 450 participants de l’industrie aéronautique canadienne (et un fort contingent d’acteurs québécois), s’inscrit dans le vaste mouvement de décarbonation que les pays veulent imposer à l’industrie aéronautique.

Le président français, Emmanuel Macron, a dévoilé la semaine dernière un programme de 300 millions d’euros (433 millions CAD) pour soutenir le développement de l’avion vert.

Une reprise dans un monde parallèle

L’industrie aéronautique québécoise, qui a émergé l’an dernier du fort ralentissement provoqué par la pandémie, est encore bien en selle et continue de profiter de la reprise, malgré le ralentissement économique appréhendé et la hausse des taux d’intérêt. Un peu comme si cette industrie, qui emploie 37 200 personnes au Québec, évoluait dans un monde parallèle.

Tous les participants que j’ai pu rencontrer lors d’un cocktail de bienvenue organisé par Aéro Montréal, samedi soir, confirmaient que les affaires allaient rondement, même si la plupart évoquaient la pénurie de main-d’œuvre comme principal obstacle à l’atteinte d’une pleine zénitude.

Et le ministre Pierre Fitzgibbon, qui s’est rebaptisé ministre de l’Aéronautique pour la durée du Salon du Bourget, lors d’une conférence de presse dimanche après-midi, est d’avis que l’industrie est en mesure de traverser des temps plus difficiles.

« On travaille sur l’aéronautique de demain. On travaille sur le renforcement de la chaîne d’approvisionnement. On a 235 entreprises dans le secteur de l’aéronautique. Là-dessus, on a une vingtaine de manufacturiers de premier et second plan, ce qui laisse 215 PME qui sont actives et qui opèrent avec de bons carnets de commandes », a indiqué Pierre Fitzgibbon.

« La pandémie est derrière nous, les commandes d’avions n’ont pas baissé, la production a ralenti en raison des problèmes d’approvisionnement, mais là, c’est reparti », a-t-il enchaîné.

Le niveau d’emploi de plus de 37 000 travailleurs dans le secteur est revenu à ce qu’il était en 2019, mais il est encore loin du sommet de 46 000 atteint en 2006.

Il est certain que la pénurie de main-d’œuvre est un frein à l’atteinte du plein potentiel des entreprises, et ce n’est pas pour rien que Montréal International organise en plein salon du Bourget un blitz de recrutement de talents internationaux.

Accompagné de 12 responsables des ressources humaines d’autant d’entreprises, le PDG de Montréal International, Stéphane Paquet, va multiplier les rencontres de recrutement pour tenter de pourvoir 200 postes urgents.

« On sait qu’il y aura 38 000 postes à combler au cours des 10 prochaines années dans le secteur de l’aéronautique, ce qui est plus que le nombre d’effectifs actuels. Il faut s’en occuper », souligne Mélanie Lussier, d’Aéro Montréal.

Pascal Désilets, directeur de l’École nationale d’aérotechnique (ENA), est aussi sur place et souhaite également hausser de façon notable le nombre d’inscriptions au programme collégial.

« On a haussé de 20 % le nombre de nouveaux inscrits pour septembre, ce qui va porter à 900 le nombre de participants au programme de trois ans. Mais, ultimement, on vise à atteindre 1300 participants par année. Tous nos finissants ont un emploi avant de terminer leur programme », souligne-t-il.

Ce n’est pas seulement la course aux travailleurs qui mobilise les entreprises présentes au Bourget. Elles veulent aussi élargir leur rayon d’action, tout comme le Québec souhaite attirer de nouveaux acteurs du secteur sur le sol québécois.

Les équipes d’Investissement Québec vont réaliser durant la semaine pas moins de 150 rencontres avec des investisseurs potentiels tout autant qu’avec de futurs clients étrangers pour nos PME.

Après les fortes turbulences du printemps, marqué par les innombrables manifestations et casses violentes qui se sont succédé en réaction à l’adoption du passage de l’âge de la retraite obligatoire de 62 à 64 ans, Paris semble avoir retrouvé un certain calme qui semble annoncer un salon du Bourget sans trop de perturbations.