(Paris) C’est l’entreprise Pratt & Whitney Canada de Longueuil qui prendra la direction du consortium d’entreprises de l’industrie qui va chapeauter l’Initiative de technologie aéronautique durable (INTAD), dont le ministre fédéral François-Philippe Champagne a confirmé la création lundi. Doté d’un budget de 350 millions, l’INTAD financera des projets visant à réduire l’empreinte carbone des PME de l’industrie canadienne de l’aéronautique.

« On prévoit déjà la mise en œuvre d’une douzaine de projets dès cette année », m’explique Maria Della Posta, PDG de Pratt & Whitney, qui a participé à la création de ce nouveau consortium, qui sera géré par l’industrie. La direction de l’INTAD sera assumée par un membre de la direction du motoriste.

Pratt & Whitney Canada est l’entreprise du secteur aéronautique qui investit le plus dans la recherche et le développement au Canada avec plus de 500 millions d’investissements par année.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

Maria Della Posta, PDG de Pratt & Whitney

L’entreprise a bénéficié du soutien d’Ottawa et de Québec pour le financement du projet de développement d’un avion propulsé de façon hybride électrique qui progresse de belle façon et qui doit prendre son envol à la fin de 2024.

« On a investi 100 millions dans ce projet, c’est 20 % de notre budget de recherche qui y a été consacré. Québec et Ottawa ont pour leur part investi 50 millions, ç’a été un coup de pouce bénéfique », explique la présidente.

Mené depuis le Québec

C’est Mme Della Posta qui a été l’instigatrice de ce nouveau fonds, administré par un consortium de grandes entreprises de l’aéronautique pour soutenir l’innovation dans l’écosystème des PME du secteur.

« On va se doter d’un conseil d’administration et d’un comité de sélection de projets indépendant. On veut commencer rapidement nos interventions », poursuit Maria Della Posta.

Outre la grande expertise de Pratt & Whitney Canada dans le domaine de la recherche et du développement, il allait aussi de soi qu’un consortium d’entreprises de l’aéronautique soit chapeauté par une entreprise québécoise.

Selon les chiffres du ministre François-Philippe Champagne, les entreprises canadiennes contribuent à hauteur de 27 milliards annuellement à l’économie nationale ; les entreprises québécoises de l’aéronautique totalisent à elles seules 18 milliards de revenus du total canadien et affichent une croissance annuelle de 5 % de leurs revenus depuis les 20 dernières années.

L’aéronautique, c’est beaucoup au Québec que ça se passe, mais le secteur se développe aussi à l’extérieur, avec notamment l’entreprise De Havilland qui a annoncé lundi le lancement d’une nouvelle version de son appareil DH6-300, le Twin Otter Classic 330-G, avec des accords de vente sur 45 appareils, dont 10 ventes fermes à la société de location Jetcraft Commercial.

Une entreprise discrète, mais omniprésente

Pratt & Whitney Canada est spécialisée dans la fabrication de moteurs d’avions régionaux, de jets d’affaires et d’hélicoptères, avec une clientèle tout aussi vaste que diversifiée.

L’entreprise est le motoriste de 65 constructeurs d’avions dans le monde et elle compte plus de 16 000 sociétés opérantes dans le secteur de l’aviation pour qui elle assure le service après-vente d’entretien et de maintenance de moteurs.

Pratt & Whitney Canada se fait discrète, on en entend peu parler, convient Maria Della Posta, mais son empreinte est importante dans l’écosystème québécois de l’aéronautique.

On est bien présent et on veut soutenir les entreprises du secteur pour leur permettre d’innover dans le mouvement de décarbonation. On va mettre sur pied un laboratoire de recherche et développement auquel auront accès les PME, pour leur permettre d’évoluer.

Maria Della Posta, présidente de Pratt & Whitney Canada

Pratt & Whitney a été peu affectée par la COVID-19 parce que son carnet de commandes dans le secteur de l’après-vente, des hélicoptères et des jets d’affaires a permis d’absorber la baisse de régime de l’aviation commerciale régionale.

« On a encore certains enjeux au niveau de la chaîne d’approvisionnement, on a de la difficulté à livrer certaines commandes et ça, je n’aime pas ça, mais on travaille pour corriger la situation », expose-t-elle.

Avec 5000 employés au Québec, à Longueuil, à Saint-Hubert et à Mirabel, Pratt & Whitney Canada fait toujours face à l’enjeu de la pénurie de main-d’œuvre, mais Maria Della Posta n’en fait pas tout un plat, estimant que l’entreprise est privilégiée de pouvoir profiter d’un réseau d’enseignement très performant en mesure de livrer de la relève.

Pour ce qui est du projet de moteur hybride électrique, le dossier progresse à bonne cadence entre les trois partenaires, Pratt & Whitney Canada, Collins et la firme suisse H55 qui va implanter une usine de blocs-batteries sur la Rive-Sud de Montréal.

« Il faut une puissance de 2000 chevaux-vapeur pour faire décoller un avion. Notre partenaire Collins est maintenant capable de produire une puissance de 1 mégawatt, ce qui fournira la moitié des 2000 chevaux-vapeur générés par un moteur thermique, et nous, on travaille sur un moteur plus petit et plus performant. On va réduire de moitié les émissions de GES sur un Dash-8 », explique la PDG.

Pratt & Whitney Canada est une division du groupe Raytheon Technologies Corporation depuis la fusion entre United Technologies et Raytheon il y a trois ans maintenant. Raytheon était active dans les systèmes de défense, en fabriquant notamment les antimissiles Patriot et les missiles de croisière Tomahawk, et de l’aéronautique avec Collins Aerospace.

« C’est un mariage de cultures qui va bien parce que Raytheon est plus présente dans l’aéronautique. Notre collaboration avec Collins Aerospace permet un échange de technologies important dans le projet de l’avion hybride électrique », souligne Maria Della Posta.