(Paris) Dans la foulée de l’avalanche de nouvelles commandes d’avions qu’a annoncée Airbus depuis le début du salon du Bourget, pour dominer outrageusement son concurrent Boeing, le petit dernier de la famille Airbus, l’A220 de Mirabel, a réussi à se faufiler et à profiter d’une modeste commande de neuf nouveaux appareils de son client australien Qantas.

Comme on dit en québécois, le constructeur européen a torché son équivalent américain en annonçant lundi le plus gros contrat de l’histoire de l’aviation commerciale en décrochant une commande pour 500 avions A320 du transporteur au rabais indien IndiGo.

Le score de la journée de lundi était de 533 avions vendu pour Airbus et 0 pour Boeing.

Mardi, Airbus a récidivé en confirmant cette fois une commande de 250 appareils de ses différents modèles avec Air India, mais Boeing a sauvé la face puisqu’elle a obtenu du même client une commande ferme pour 220 de ses appareils de différentes gammes et une option sur l’acquisition de 70 autres.

Bref, il s’en passe des commandes au Bourget, et cet appétit des transporteurs aériens pour moderniser leur flotte témoigne de la forte reprise du transport aérien qu’on observe à l’échelle mondiale.

Déception que l’A220 québécois n’ait pas obtenu une meilleure part des centaines de nouvelles commandes enregistrées par Airbus au cours des deux jours ?

Il s’agit plutôt d’un soulagement puisque l’entreprise n’a pas encore réussi à augmenter sa cadence de production de façon probante, et l’ajout de nouvelles commandes ne ferait que retarder la livraison des appareils à leurs acheteurs potentiels.

Depuis le lancement du programme, l’A220 a fait l’objet de 794 commandes, en incluant les 9 appareils additionnels qu’a annoncés Qantas mardi, et 225 appareils ont été livrés à ce jour.

L’objectif d’Airbus est d’arriver à fabriquer 14 appareils par mois – 10 à Mirabel et 4 à son usine de Mobile, en Alabama – d’ici 2025, mais on en était encore en mai 2023 à une livraison de 4 appareils par mois. En 2021, Airbus a livré 50 A220, 53 en 2022 et seulement 19 depuis le début de l’année.

Benoît Schultz, PDG d’Airbus Canada, confirme que l’usine de Mirabel est toujours soumise à des tensions induites notamment par sa chaîne d’approvisionnement. Il y a deux ans, le groupe a investi 1,2 milliard pour raffermir ses activités industrielles en procédant notamment à du préassemblage.

« On est passé à travers la COVID où la livraison des pièces, l’accès aux matières premières et la main-d’œuvre étaient complètement désorganisés. On a encore des enjeux avec nos moteurs qui sont fiables, mais qui ont des problèmes de durabilité dans certaines conditions.

« Les moteurs de rechange ou ceux que le fabricant Pratt & Whitney répare prennent des pièces dont on aurait besoin. Mais, là comme chez tous nos grands fournisseurs, on a envoyé des gens de nos équipes pour assurer une meilleure gestion du risque », m’explique Benoît Schultz, en marge du salon du Bourget.

À quand une version allongée de l’A220 ?

Le PDG assure que l’augmentation de la cadence des livraisons est en bonne voie de réalisation. On a reconfiguré certaines activités de l’usine de Mirabel pour s’adapter au contexte difficile, et la montée en puissance devrait s’observer au cours du deuxième semestre de l’année.

Dans un pareil contexte, Benoit Schultz exclut le lancement prochain d’un nouveau modèle allongé de l’A220 que certains désignent comme l’A220-500. On parle plutôt d’une série 5, mais qui n’est pas envisageable tant que l’usine de Mirabel n’opérera pas à son plein potentiel.

Pourtant, le co-actionnaire du programme A220, le gouvernement du Québec, serait prêt à réinvestir « demain matin » si Airbus décidait de se lancer.

En entrevue, le ministre Fitzgibbon se montre très enthousiaste face au potentiel de ce nouvel appareil et il allongerait 250 millions sans hésiter sur un investissement hypothétique de 1 milliard.

« Pour le moment, on en a beaucoup dans l’assiette, et pour se lancer dans un tel projet, il faudrait avoir toute la force de feu du groupe Airbus, travailler avec les équipes d’ingénierie, planifier son intégration dans la gamme des produits existants, évaluer son rayonnement, on n’en est pas là », souligne Benoît Schultz.

Cela dit, le PDG d’Airbus Canada observe que l’attrait de l’A220 dans le marché est indéniable, que les économies de 25 % d’émissions de gaz à effet de serre qu’il assure par rapport aux concurrents intéressent grandement les opérateurs de flotte qui se mettent tous au diapason de l’aviation durable.

C’est d’ailleurs fascinant de se promener au Salon du Bourget et de constater combien tout le marketing affiché par les grands manufacturiers qui ont des pavillons sur place vante leur grande capacité à fabriquer des produits et des services durables.

À tel point que même les fabricants d’obus, de missiles air-terre, d’avions de combat ou de drones qui sont largement représentés sur le tarmac vont bientôt eux aussi réclamer le statut de producteurs durables…