Il existe un truc infaillible pour économiser de l’argent et, en prime, du temps. Ça se résume en deux mots : consommer moins. C’est à la fois très simple, mais très difficile à mettre en pratique pour bien du monde.

La recette n’est évidemment pas nouvelle. Dès le début des années 1980, un Américain lui a trouvé un nom, la simplicité volontaire. Ici, l’expression a été popularisée par Serge Mongeau, qui en a fait l’apologie dans un livre devenu un classique après sa mise à jour de 1998.

Au moment où l’inflation force des réaménagements dans le budget et que les changements climatiques préoccupent les gens comme jamais, voilà que la maison Écosociété réédite encore La simplicité volontaire. Le moment est bien choisi. Si ça se trouve, les propos de Serge Mongeau n’ont jamais été aussi pertinents.

Au bout du fil, l’auteur de 86 ans en convient. « Je regarde mon livre de temps en temps et je me dis : “Mon Dieu, il est encore d’actualité totalement !” »

Il suffit de lire le dossier de Valérie Simard sur la production mondiale de vêtements qui a doublé depuis 20 ans⁠1 pour s’en convaincre. Évidemment, la population n’a pas bondi d’autant. Les walk-in sont pleins et se renouvellent de plus en plus rapidement. D’ailleurs, selon la firme McKinsey, nous achetions 60 % plus de vêtements en 2014 qu’en 2000. Gageons que la tendance s’est poursuivie.

Les réseaux sociaux y sont-ils pour quelque chose ? Une jeune influenceuse a raconté à ma collègue qu’elle sent le besoin de magasiner avant de partir en voyage simplement pour porter de nouveaux vêtements sur ses photos souvenirs. « Ça n’a aucun sens », reconnaissait-elle.

Nous avons des pulsions incontrôlables d’acheter, de posséder et d’exhiber des biens, a rapporté la collègue Émilie Côté, au début avril dans un autre reportage éclairant⁠2 sur l’argent. L’historienne Catherine Tourangeau y rappelait que beaucoup de gens, bien qu’ils soient « instruits », jugent avoir « perdu le contrôle ».

Résultat : nous possédons aujourd’hui une quantité astronomique de choses par rapport à il y a 50 ans. Ce n’est pas une question d’intelligence. L’humain n’est pas aussi rationnel qu’il aime le croire.

Cela nous amène même à acheter des décorations… de Pâques. Il y en avait deux rangées pleines chez Winners, en mars. Il faut croire que ça se vend.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Serge Mongeau, auteur de La simplicité volontaire

« Ce qu’on vit, c’est trop. Trop pour nos besoins. On pourrait se contenter de beaucoup moins et avoir une vie plus satisfaisante », plaide Serge Mongeau, qui a pratiqué la médecine « avant l’assurance maladie », une profession qu’il a abandonnée pour avoir plus de temps avec sa famille.

Rassurez-vous, il n’est pas nécessaire de prendre des décisions aussi radicales pour embrasser la simplicité volontaire.

On peut le faire un peu, beaucoup ou passionnément. Y aller pas à pas, à son rythme. Et cela, même si on aime la vie et ses plaisirs.

Prenez Vicky Payeur en exemple. La jeune femme s’est retrouvée avec 16 000 $ de dettes à cause de sa surconsommation. « Depuis, j’ai vendu 80 % de mes possessions, j’ai remboursé mes dettes et je te partage mes astuces pour devenir libre et heureuse », écrit-elle sur son site vivreavecmoins.com, une plateforme qu’elle utilise pour transmettre ses trucs de finances personnelles.

Surconsommer, c’est perdre du pouvoir sur sa vie, confirme Serge Mongeau. « Regardez comment l’endettement grossit ! »

Au Canada, les 46-55 ans ont un endettement moyen de 32 508 $, sans compter l’hypothèque, selon Equifax. C’est beaucoup de stress et d’argent jeté à l’eau, en intérêts.

Peut-on éviter de se rendre là sans avoir une vie beige qui tire sur le brun pâle ? Tout à fait, répond l’auteur, qui ne fait jamais l’éloge d’une vie « héroïque, dépouillée et misérable ». Car le bonheur « ne vient pas des choses qu’on possède, mais de ce qu’on vit ».

L’ancien député bloquiste Marcel Lussier, qui a gagné 70 millions à la loterie l’an dernier, serait sans doute d’accord. Il a conservé son modeste bungalow où il cultive des framboisiers et des tomates depuis 40 ans. « Pour moi, c’est ça, la vie normale, et je n’ai pas besoin de plus », a-t-il dit au Journal de Montréal3.

Sans juger personne, Serge Mongeau ne s’étonne pas que l’on cherche le bonheur dans l’avoir. La vie moderne est moins riche socialement et le travail moins valorisant, ce qui joue sur notre estime personnelle. Alors on compense…

Pour ma part, je trouve assez paradoxal que l’on consomme tant dans une société où tout le monde court. Acheter demande un temps fou ! Même en ligne. Les Américains qui dépensent le plus passent plus de 44 heures par mois à magasiner sur le web, selon Statista (données de 2017). La moyenne est d’environ 14 heures. C’est sans compter tout le temps passé dans les magasins et les supermarchés.

Que ce soit pour faire un pied de nez à l’inflation, pour réduire son endettement, pour économiser, pour gagner du temps ou sauver la planète, ça ne peut pas nuire de réfléchir à sa (sur)consommation.

Qu’en dites-vous ?

1. Consultez le texte « Un an sans vêtements neufs » 2. Consultez le texte « Les beaux malaise$ » 3. Consultez le texte sur la nouvelle vie de Marcel Lussier, sur le site du Journal de Montréal