Dans l’infolettre L’argent et le bonheur, envoyée par courriel le mardi, notre journaliste Nicolas Bérubé offre des réflexions sur l’enrichissement, la psychologie des investisseurs, la prise de décisions financières. Ses textes sont repris ici le dimanche.

J’ai été contacté récemment par une personne qui veut garder l’anonymat et que j’appellerai Louise* pour les besoins de ce texte.

Louise explique que son conjoint est un brillant homme d’affaires qui a pris sa retraite il y a plusieurs années après avoir fait fortune.

« Depuis, il a décidé de s’occuper lui-même de son portefeuille d’investissement, dit-elle. Il trouvait que ceux qui géraient ses placements n’étaient pas assez agressifs. »

La façon qu’a trouvée son conjoint pour être « agressif » est de faire du day trading.

Le day trading est l’achat et la vente d’actions ou de devises au cours d’une même journée dans le but de faire un profit rapide. Ce n’est pas de l’investissement, c’est de la spéculation.

Je déconseille à tout le monde de faire du day trading, ou même du trading tout court.

Selon une étude réalisée par des chercheurs de l’Université Berkeley, « la grande majorité des day traders perd de l’argent et un grand nombre d’entre eux persiste malgré une longue série de pertes ».

Bref, un portefeuille de placements est un peu comme un morceau de savon : il rapetisse chaque fois qu’on y touche. Et les day traders y touchent constamment… Je soupçonne que les seuls à faire de l’argent de façon régulière dans ce domaine sont ceux qui vendent des cours et des séminaires sur le sujet.

Et donc, chaque jour, entre 9 h et 16 h, le conjoint de Louise s’enferme dans son bureau et tente de gagner de l’argent.

« Il ne joue plus au golf, dit-elle. Si on doit aller chez le médecin, le dentiste, au restaurant ou en visite familiale, il s’oblige à apporter son ordinateur pour suivre le cours de la Bourse. Nous avons eu beaucoup de discussions à ce sujet… »

Son conjoint est toujours persuadé d’avoir trouvé LA façon d’avoir des gains spectaculaires.

« Il me répète : “J’achève, j’ai trouvé… Bientôt, je ne passerai qu’une heure le matin et une heure le soir… » J’entends ça depuis au moins cinq ans. »

Depuis qu’il a commencé sur cette voie, son conjoint évalue avoir perdu plus de 70 % de son argent. « Ça représente quelques millions qu’il n’a plus les moyens de perdre, dit Louise. Je commence à penser qu’il ferait mieux de jouer au casino. »

Louise se demande comment aider son conjoint avant que toutes ses économies y passent.

« Spirale vers le bas »

Sylvia Kairouz, professeure au département de sociologie et d’anthropologie de l’Université Concordia et spécialiste du jeu compulsif, signale que 15 % des adultes au Québec font des paris en ligne, et qu’environ 18 % parieurs en ligne font du day trading.

Si le jeu peut toucher tout le monde, les personnes ayant des revenus plus élevés peuvent généralement jouer plus longtemps avant de réaliser qu’elles ont un problème, dit-elle.

« La personne qui gagne 1500 $ par mois, si elle en perd 500 $, elle va toucher le fond du baril assez vite. Mais la personne qui gagne 10 000 $ par mois, si elle perd 500 $, ça ne va pas l’affecter. Du moins, pas à court terme. »

Selon elle, la rationalisation du joueur qui spécule dans le day trading est la même que pour celui qui est accro aux machines de vidéopoker.

« La logique, c’est : “J’ai raté mon coup cette fois-ci, mais je sais que je vais réussir la prochaine fois.” Le joueur tombe dans la logique de se refaire, de gagner un gros montant pour absorber toutes ses pertes. Il n’est plus capable de sortir de cette spirale qui le tire vers le bas. »

Quelles sont les façons d’aider une personne accro au day trading ?

Le plus important est de maintenir la communication avec le joueur et d’éviter de prendre des positions tranchées ou accusatrices, même si notre instinct nous pousse à le faire, dit Sylvia Kairouz.

« Le joueur n’a pas besoin de ça. Et il peut toujours rejeter les arguments, faire valoir son point de vue, etc. Ultimement, ça le renvoie dans sa solitude, dans sa logique qui ne fonctionne pas. »

Une meilleure approche est de mettre la personne devant des faits. « On peut lui montrer les montants d’argent perdus. Essayer d’avoir une discussion, mais sans jugement. »

Elle recommande aussi aux joueurs ou à leurs proches d’appeler la ligne Jeu : aide et référence, et de parler à un professionnel qui pourra assurer un suivi à long terme.

« C’est une excellente ressource. Ils vont aider les gens et leur donner des outils. Car c’est tout à fait possible de s’en sortir. »

Je vous demandais la semaine dernière quelles sont les personnes que vous admirez.

« Moi, c’est Léonard de Vinci, écrit Jacques, pour cette phrase : “La simplicité est la sophistication suprême.” »

Sylvie écrit : « J’admire beaucoup Mme Cora Tsouflidou pour sa ténacité, les épreuves qu’elle a dû traverser avec succès, sa générosité, son sens des affaires, son énergie débordante. C’est une femme d’affaires incroyable ! »

Des lecteurs ont entre autres aussi dit admirer Jacques Brel, Baruch Spinoza, Winston Churchill, Jane Goodall, Barack Obama, Nelson Mandela, Marie Curie, Albert Einstein et… Christian Dubé, le ministre de la Santé. Ben coudonc.

* Prénom fictif

Pour de l’aide :

La ligne Jeu : aide et référence est joignable 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, au 514 527-0140 à Montréal, au 1 800 461-0140 partout au Québec, ou par clavardage anonyme sur le site de la ligne.

Consultez le site de la ligne Jeu : aide et référence

La question de la semaine

Êtes-vous intéressé par le day trading ou les transactions fréquentes dans l’espoir de battre le marché ?

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