Le Canada devrait confier à Agriculture et Agroalimentaire Canada la tâche d’élaborer un programme de prestations alimentaires qui soutient les familles dans le besoin pour contrer l’inflation alimentaire. Une entreprise colossale, certes, mais il faut bien commencer quelque part !

Le tout récent budget fédéral a connu plus de fuites que le Titanic. La plupart d’entre nous savaient déjà en grande partie ce qu’il contenait. Il fut une époque où le ministre des Finances devait démissionner si le secret de son budget était violé. Les temps changent !

Tout comme l’année dernière, le budget ne comporte aucune section consacrée à l’agriculture ou à l’alimentation, mais il contient une pépite intéressante et accrocheuse. Le « remboursement pour l’épicerie », un paiement unique, qui en aidera quelques-uns, mais seulement pour une très courte période, car l’inflation des aliments demeurera un défi pour tous les Canadiens pendant un certain temps. Le gouvernement s’est montré mignon en renommant le remboursement de la TPS. Il fournit ainsi aux 11 millions de ménages qui reçoivent le paiement un allégement destiné aux achats d’aliments sains inspirés du Guide alimentaire canadien.

Les Américains ont un programme imposant de prestations alimentaires qui soutient les familles dans le besoin. Communément connu sous le nom de programme de coupons alimentaires (Food Stamps), il s’agit d’un financement accordé aux familles pour réduire le fardeau de l’inflation à l’épicerie, peu importe ce qui pourrait arriver avec le prix des aliments. Le Canada pourrait confier à Agriculture et Agroalimentaire Canada la tâche d’élaborer un programme similaire pour les citoyens. Il s’agirait d’une entreprise colossale, mais nous devons commencer quelque part.

Aggraver l’inflation ?

Le remboursement pour l’épicerie n’aura pas une très longue portée, et sera même éphémère pour les Canadiens. Une conséquence de la politisation de l’inflation alimentaire. En matière de relations publiques, les contrôles sont réels alors que les changements fiscaux qui pourraient avoir un effet substantiel ne le sont pas. Mais le fait d’injecter 2,5 milliards de dollars supplémentaires dans l’économie en préoccupe beaucoup. Ce geste peut aggraver le problème de l’inflation alimentaire. Plusieurs provinces sont tombées dans le même panneau, dont le Québec. Stimuler notre demande ne fait que pousser les prix dans une seule direction, y compris les prix alimentaires. Un couteau à deux tranchants.

L’économiste Milton Freidman, il y a de nombreuses années, a déclaré que l’inflation « est toujours et partout un phénomène monétaire ». Il n’avait pas tout à fait raison. Il s’agit plutôt d’un phénomène monétaire en lien parfois avec des obligations gouvernementales.

La Banque du Canada ne peut résoudre seule l’inflation, et les gouvernements doivent apporter leur aide, mais ils peuvent potentiellement en faire trop. Le « remboursement pour l’épicerie » est exactement cela. Les remboursements gouvernementaux sont essentiellement un mirage pour les moins nantis.

Le gouvernement aurait pu mettre en place une mesure éliminant la taxe de vente sur les aliments qui ne sont pas servis ou transformés sur place. Avec la « réduflation » qui réduit le format de plusieurs produits alimentaires, de nombreux aliments ne sont plus définis comme des produits d’épicerie par l’Agence du revenu du Canada, mais plutôt comme des collations… évidemment taxables. La nourriture au détail ne devrait tout simplement pas être taxée. Mais cette disposition ne serait pas aussi « sexy » que l’envoi de chèques.

L’un des points sur lesquels les libéraux ont manifestement bien senti le pouls de la population concerne la taxe sur l’alcool. La « taxe d’indexation » fédérale sur l’alcool augmente automatiquement et annuellement le pourcentage de taxe sur la bière, le vin et les spiritueux dans tout le pays en fonction du taux d’inflation. Elle devait augmenter de 6,3 % le 1er avril, mais désormais, l’augmentation ne sera que de 2 %. Une bonne nouvelle pour les consommateurs, mais surtout pour les restaurants, les bars et les autres secteurs concernés par la vente de ces boissons savourées par un grand nombre de Canadiens.

Les technologies propres constituent l’engagement primordial de ce budget et pour rendre notre secteur alimentaire plus vert, le gouvernement en fait sa priorité. Une partie du budget se destine aux biocarburants, ce qui représente un gain pour l’agriculture. Toutes les régions du pays sont reconnues comme ayant un fort potentiel d’investissements supplémentaires. Un budget fixé à 520 millions de dollars sera voué aux projets de captage du carbone, une reconnaissance bienvenue, vu l’importance accordée par les Prairies à faire de la séquestration du carbone une priorité.

Quelques éléments intéressants : le budget contient des dispositions pour traiter les excédents non gras dans le secteur laitier. De nombreux Canadiens s’interrogent sur les épisodes inexpliqués de déversement de lait et la pénurie de préparation pour nourrissons. Le secteur laitier recevra 333 millions de dollars sur 10 ans pour soutenir la recherche et le développement de nouveaux produits utilisant les excédents laitiers non gras.

Toutefois, le secteur laitier est de loin le secteur agroalimentaire le plus riche et le plus ingénieux que nous ayons au pays et il aurait sûrement pu trouver de l’argent par lui-même sans l’aide des fonds publics.

Les producteurs laitiers de l’Ontario ont tout de même déboursé 20 millions de dollars pour apposer le logo du lait sur le chandail des Maple Leafs de Toronto, faut-il le rappeler !

Très peu d’attention accordée au commerce international et aux obstacles interprovinciaux, à part une brève remarque selon laquelle Ottawa travaille avec diligence pour éliminer la plupart d’entre eux.

Bref, le budget s’avère aussi prévisible que sans intérêt. Nous aurons un secteur agroalimentaire plus vert, mais Ottawa ne semble pas se soucier de savoir si le secteur deviendra plus efficace pour réduire les coûts afin de rendre nos aliments plus abordables.