La majorité d’entre nous risque d’avoir l’impression que le budget 2023 ne changera rien dans sa vie. Aucun programme de l’envergure du CELIAPP ou de la Prestation dentaire canadienne, annoncés l’an dernier, ne marquera les esprits. Ottawa aidera toutefois les moins nantis à composer avec l’inflation et d’autres mesures s’attaquent à une série de frustrations.

Même si l’inflation diminue, ça ne paraît pas au supermarché. Les prix y sont presque 11 % plus élevés qu’il y a un an. Pour aider les ménages à faible revenu, Ottawa confirme l’information qui circule depuis lundi, soit le versement d’un « remboursement pour l’épicerie ».

Ce paiement unique sera versé dans les plus brefs délais, promet-on. Seuls les ménages à faibles revenus qui reçoivent déjà le remboursement de la TPS y auront doit. On en compte 11 millions au pays, sur 20 millions.

Un couple avec deux enfants pourra toucher jusqu’à 467 $. Une personne seule sans enfant peut espérer jusqu’à 234 $. Un parent qui vit seul avec son enfant pourrait avoir droit, au maximum, à 387 $. Ottawa calcule que les personnes âgées recevront, en moyenne, 225 $.

Bien sûr, personne ne s’assurera que ce montant « pour l’épicerie » soit dépensé… dans une épicerie. L’argent pourra payer n’importe quoi : vêtements, facture de téléphone, coiffeur. On est clairement dans le marketing, ici. En réalité, il s’agit d’une hausse ponctuelle du crédit pour la TPS, mais l’annoncer ainsi aurait été moins accrocheur.

On peut ironiser sur le nom de la mesure, mais elle a le mérite d’être bien ciblée. Ottawa ne pourra pas se faire accuser de répandre des milliards tous azimuts, un reproche maintes fois adressé au gouvernement Legault. Dans la dernière année, les Québécois gagnant 100 000 $ ont eu droit à 900 $, officiellement pour faire face à l’inflation.

Le « remboursement pour l’épicerie » ne devrait pas non plus alimenter l’inflation de façon significative, car les chèques ne totaliseront que 2,5 milliards dans tout le pays. En comparaison, les sommes versées par Québec en avril et décembre 2022 ont mis 6,7 milliards dans les poches des contribuables.

Avec son troisième budget, Chrystia Freeland s’attaque aussi à des frustrations que tout le monde rencontre un jour ou l’autre.

La ministre souhaite, par exemple, qu’il ne soit plus nécessaire d’acheter un nouveau chargeur chaque fois qu’on change de téléphone ou de tablette. Pour ce faire, elle veut forcer les manufacturiers d’appareils électroniques à adopter un modèle universel. Cela ferait aussi moins de déchets. Le Canada espère imiter l’Union européenne, qui a rendu obligatoires les ports de chargement USB-C d’ici la fin de 2024.

Ottawa veut aussi que les biens qu’on se procure soient plus facilement réparables. Souvent, il faut se résigner à jeter ses petits électroménagers parce que les pièces de rechange ne sont pas offertes. Tant d’un point de vue environnemental que financier, c’est absurde. Des consultations sur le droit à la réparation débuteront l’été prochain.

Pour mieux protéger les voyageurs dont le vol a été retardé ou annulé, Ottawa modifiera la loi pour renforcer les obligations des transporteurs aériens. On souhaite ainsi harmoniser la réglementation canadienne avec l’approche « des principales administrations internationales », plus favorable aux passagers. De plus, pour apaiser l’impatience de ceux qui portent plainte à l’Office des transports du Canada, Ottawa prendra les mesures nécessaires pour rendre le processus d’arbitrage plus efficace. Ces actions s’imposaient. Comme je l’ai écrit récemment, les délais pour obtenir justice sont interminables, ce qui mine la crédibilité du programme de protection des voyageurs.

Les étudiants ne sont pas en reste. Depuis 25 ans, le prix des études postsecondaires a bondi, surtout quand un logement fait partie du budget. Or, le montant maximal pouvant être retiré d’un Régime enregistré d’épargne-études (REEE) n’a pas bougé pendant cette période. Ottawa fait donc passer de 5000 $ à 8000 $ la limite de retrait des paiements d’aide aux études (PAE) pour les étudiants à temps plein. Pour ceux qui étudient à temps partiel, la limite passe de 2500 $ à 4000 $. Le PAE est composé des subventions gouvernementales et des rendements. Ce changement entrera en vigueur dès l’adoption du budget.

Ottawa veut aussi sévir contre les frais « indésirables », « cachés » ou « supplémentaires » qui sont imposés aux consommateurs par une foule d’industries (téléphonie cellulaire, vente de billets de spectacles, transport aérien). Pour y arriver, certaines lois seront modifiées. Reste à voir si cela aura des conséquences au Québec, puisque la Loi sur la protection du consommateur force déjà les entreprises à afficher des prix tout inclus.

De leur côté, les propriétaires de PME se plaignent depuis 20 ans du pourcentage des frais qu’ils paient aux émetteurs de cartes crédit sur chaque transaction. Avec le bond fulgurant de la popularité des paiements par carte, ces « frais d’interchange » pèsent sur leur profitabilité. La ministre Freeland a annoncé qu’elle s’était entendue avec Mastercard et Visa afin de réduire la facture de « 90 % des entreprises qui acceptent les cartes de crédit ». La réduction de leurs frais pourra atteindre 27 %.

Les petites entreprises économiseront 1 milliard sur cinq ans, prévoit Ottawa. Les consommateurs en profiteront-ils ? C’est la grande question. Les détaillants ont toujours plaidé que les frais de transaction finissent par être refilés aux consommateurs. Mais il serait étonnant que cette annonce fasse baisser les prix de détail de façon notable.