L’industrie du spectacle a été durement frappée par les deux années de restrictions durant lesquelles les salles étaient fermées ou profitaient d’un accès extrêmement limité. Depuis un an, le public a recommencé à fréquenter les salles de spectacle, mais la reprise est fragile, beaucoup de techniciens ont quitté le secteur et l’industrie doit maintenant faire face à un ralentissement provoqué par l’inflation et les risques de récession.

Le secteur culturel ne l’a pas eu facile durant la pandémie, et s’il a réussi à survivre, c’est grâce à l’aide financière importante du gouvernement québécois qui a compensé une partie des pertes des diffuseurs et des artistes. Mais la reprise ne coule pas de source pour tout le monde.

Jean-François Renaud, le nouveau président du conseil de l’Association québécoise de l’industrie du disque, du spectacle et de la vidéo (ADISQ), estime que le secteur culturel est aujourd’hui en mode atterrissage post-crise et il souhaite que celui-ci se fasse en douceur, malgré les menaces qui planent toujours.

Titulaire d’un bac en finances et d’un MBA, Jean-François Renaud a fondé en 2009 l’agence de spectacles Concertium, qui représente une quinzaine d’artistes de la musique et des variétés. Il est membre du conseil de l’ADISQ depuis 10 ans.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Le nouveau président du conseil de l'ADISQ, Jean-François Renaud.

On dit que la culture génère de l’intangible, mais les industries culturelles créent des emplois et engendrent des retombées économiques importantes, notamment dans les secteurs de la restauration et de l’hôtellerie.

Jean-François Renaud, président du conseil de l’ADISQ

« La culture crée de la valeur, mais ne la capte pas », observe celui qui œuvre dans le milieu depuis 25 ans maintenant, après avoir fait ses débuts chez Donald K. Donald et un passage chez Spectra.

En totalisant des revenus globaux de plus de 15 milliards (en 2019, avant la pandémie), les industries culturelles représentaient environ 4 % du PIB québécois et employaient quelque 160 000 personnes au Québec.

L’industrie du spectacle et de l’enregistrement sonore, les deux activités que chapeaute l’ADISQ, étaient responsables quant à elles de 4,2 milliards du PIB attribuable aux industries culturelles, soit plus du quart.

Une industrie en mutation

L’industrie du disque et du spectacle n’a pas été impactée que par la dernière pandémie. Tout le secteur a été frappé de plein fouet par la révolution numérique des années 2000 et son modèle d’affaires a été complètement transformé, alors que l’avènement des plateformes de diffusion en continu a inversé la pyramide des revenus de l’industrie.

« Dans les années 1990, les artistes réalisaient moins du tiers de leurs revenus avec les spectacles en direct qu’ils donnaient, alors que la vente d’albums composait l’essentiel de leurs gains.

« Aujourd’hui, les représentations en direct et les tournées représentent 75 % de leurs revenus et la vente de leur musique en ligne ne compte que pour 25 % », souligne Jean-François Renaud.

L’industrie a enregistré une baisse de 15 % de ses revenus lors de la crise financière de 2008 et il lui a fallu deux ans pour reprendre le dessus.

La crise induite par la pandémie a quant à elle été catastrophique, alors que l’industrie du spectacle et du disque a enregistré une chute de 87 % de ses revenus en 2020 et de 82 % en 2021, par rapport au niveau de 2019.

« On n’a pas encore les chiffres pour 2022. On a recommencé à opérer avec des salles pleines en mars de l’an dernier. Il y a une reprise certaine, mais beaucoup de spectacles qui ont tourné étaient des reprises de productions qui avaient été annulées durant la pandémie. Les projets de nouveaux artistes n’ont pas encore tous trouvé leur place », déplore le président de l’ADISQ.

Beaucoup de techniciens de salles à Montréal et en région ont quitté le métier parce qu’il n’y avait pas de travail et cette pénurie affecte le retour à la normale.

Il faut savoir que 54 % des billets de spectacles se vendent en dehors de Montréal, ce qui est énorme quand on sait que les mégaconcerts ne sont comptabilisés qu’à Montréal et Québec dans les gros amphithéâtres capables de les accueillir.

La vitalité de l’industrie contribue donc à la vitalité économique des régions parce qu’elle alimente quantité de commerces et d’activités connexes à la tenue de spectacles.

La sortie de crise laissait présager un nouveau départ, mais celui-ci pourrait être ralenti par l’assombrissement du contexte économique au cours des prochains mois, une situation qu’appréhendent les acteurs de l’industrie.

L’inflation et la hausse des taux d’intérêt affectent les dépenses discrétionnaires. Quand tout monte, tu penses plus à payer ton loyer et ton épicerie qu’à dépenser pour aller voir un spectacle.

Jean-François Renaud, président de l’ADISQ

« Et quand survient une crise, la prise de risque est aussi affectée. Beaucoup de producteurs vont être plus prudents pour se lancer dans de nouveaux projets, si la situation se détériore », signale Jean-François Renaud.

Ce qui est dommage. Les industries culturelles jouent un rôle important dans la vie économique québécoise. Il y a 20 ans, elles représentaient 5,1 % du PIB, une contribution qui est tombée à 4 % en 2019.

Il y a 20 ans, les dépenses du gouvernement québécois dans la culture représentaient 1,6 % de ses dépenses totales, une proportion qui est tombée à 0,9 %, en 2019. Là comme dans bien des secteurs essentiels où l’on cherche à corriger les erreurs du passé, il y aurait du rattrapage à faire.