Lentement mais sûrement, les stocks remontent chez les concessionnaires automobiles, du moins en ce qui concerne les véhicules à essence. Dans le créneau de l’électrique, vous n’avez pas fini d’attendre si vous cherchez une nouvelle voiture.

Habitués aux ruptures de stock, les concessionnaires automobiles renouent avec un certain rééquilibrage. Mais veulent-ils revenir en arrière, à l’époque où les véhicules non vendus s’accumulaient parfois à l’extérieur ? Dans l’industrie, on vise un juste milieu : en avoir plus qu’à l’heure actuelle, mais pas autant qu’avant l’arrivée de la COVID-19.

Pour les détaillants, il y a des coûts de financement à assumer quand tous les espaces d’entreposage sont occupés. Cette facture est parfois très salée, surtout quand les taux d’intérêt sont à la hausse – comme c’est le cas actuellement –, résume Pascal Ste-Marie, propriétaire de Viau Ford à Saint-Rémi et vice-président de l’Association québécoise des concessionnaires du constructeur.

« Dans des années plus tranquilles avec des terrains plus remplis, cela pouvait représenter jusqu’à 500 000 $ en frais fixes supplémentaires à certains endroits, dit-il. Bien souvent, c’est la différence entre faire de l’argent et ne pas en faire. »

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Pascal Ste-Marie est propriétaire de Viau Ford à Saint-Rémi.

Les façons de faire des concessionnaires ont été bousculées par la crise sanitaire, qui a provoqué des pénuries de composants électroniques et des interruptions de production chez les constructeurs automobiles. Certaines marques ont été davantage touchées que d’autres.

Dans bien des cas, les commandes sur mesure et les longs délais de livraison étaient devenus la norme. C’est encore le cas selon les marques et modèles.

« Pour les concessionnaires, on n’avait pas d’intérêts à payer, explique Jean-Claude Gravel, président du Groupe Gravel. Les autos arrivaient et étaient immédiatement livrées. C’était différent que d’avoir des stocks dans la cour et des intérêts à payer chaque mois. Il y avait une économie à ce chapitre. »

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Au Groupe Park Avenue, les stocks sont à environ 60 % des niveaux de l’automne 2019, avant la crise sanitaire.

En avoir plus

Propriétaire d’un réseau de quatre concessionnaires dans l’île de Montréal qui propose des marques comme Toyota, Acura, Honda et Cadillac, M. Gravel estime qu’il y a, en moyenne, de 20 à 25 véhicules offerts dans chacun des points de vente.

« Ce n’est pas l’euphorie, mais c’est mieux qu’avant », dit-il.

À l’instar de plusieurs concurrents, l’homme d’affaires aimerait renouer avec un certain équilibre.

Quand on a de 30 à 45 jours de stock dans la cour, ce qui peut représenter des ventes pour un mois et demi, c’est la situation idéale. Quand ce niveau atteint cinq ou six mois, ce n’est pas intéressant.

Jean-Claude Gravel, président du Groupe Gravel

Lentement mais sûrement, la situation semble se replacer dans l’industrie automobile pour les véhicules à essence. Pour tout ce qui est électrique, la demande demeure supérieure à l’offre. Dans une étude publiée en janvier dernier, Laura Gu, de la Banque Scotia, soulignait que la production avait rebondi chez les constructeurs l’an dernier après les creux de 2021.

Cependant, la cadence a ralenti dans les trois derniers mois de 2022. Résultat : l’industrie nord-américaine est encore à 15 % de son niveau de production d’avant la pandémie.

« La firme Ward Automotive Group estime que la production […] devrait croître de 7 % en 2023 pour atteindre 15,2 millions d’unités, écrit Mme Gu. Cela demeurera cependant bien en deçà des 16,2 millions de véhicules construits en 2019. »

Juste milieu

Au Groupe Park Avenue, le portrait s’améliore, selon Norman John Hébert, récemment nommé président et chef de l’exploitation de l’entreprise familiale. Dans le réseau de 16 concessionnaires répartis sur la Rive-Sud, Montréal, Québec et Sherbrooke, les stocks sont à environ 60 % des niveaux de l’automne 2019, avant la crise sanitaire.

Mais la situation varie d’un constructeur à l’autre. En offrant 14 marques dans son réseau, M. Hébert est bien placé pour le constater.

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Norman John Hébert, président et chef de l’exploitation de Groupe Park Avenue

« Du côté de Toyota, il y a zéro stock, dit-il. On livre entre 60 et 80 véhicules par mois, mais tout ce qui est livré est vendu à l’avance. Nous aimerions revenir à un niveau de 45 à 60 jours de stock chez nos concessionnaires. Avant la pandémie, pour certaines marques américaines et coréennes, il y avait jusqu’à 200 jours de stock. Ce n’était pas sain. »

La Corporation des concessionnaires automobiles du Québec (CCAQ), qui compte plus de 890 membres, observe également beaucoup de « fluctuations » d’un constructeur à l’autre en matière d’approvisionnement. Son président-directeur général, Ian Sam Yue Chi, anticipe également un équilibre dans les stocks des détaillants.

Cette question comporte une dimension économique et un enjeu de concurrence.

Il y a un coût financier direct si l’on a moins besoin de financer des stocks, soyons honnêtes et transparents. Mais le marché est très concurrentiel. Si on n’a pas un produit pour répondre aux besoins du consommateur dans un délai raisonnable, on finit par perdre des ventes. Je pense qu’il y a un certain équilibre à atteindre entre les stocks et le système de commande.

Ian Sam Ye Chi, président-directeur général de la Corporation des concessionnaires automobiles du Québec

Le propriétaire de Groupe Gravel abonde dans le même sens. Il ne faut pas oublier, dit-il, que les vendeurs sont payés lorsque la vente se concrétise. Au cœur de la pandémie, certains attendaient « plusieurs mois » avant de recevoir leur commission.

De plus, ajoute M. Gravel, ce ne sont pas tous les consommateurs qui planifient un changement de véhicule des mois d’avance. Il faut être en mesure de répondre aux besoins pressants des clients.

« Quelqu’un qui doit mettre plusieurs milliers de dollars sur sa voiture va peut-être décider de changer, explique l’homme d’affaires. Soudainement, ce dernier devient un client potentiel. Il n’a pas le goût de payer des réparations pour ensuite se magasiner une nouvelle auto. On doit être capables de leur offrir quelque chose. »

Malgré la montée des taux d’intérêt et les craintes de récession, la demande pour les véhicules neufs ne semble pas vouloir s’essouffler. L’offre « n’a pas encore atteint le niveau de demande », affirme le président-directeur général de la CCAQ. Il reste à voir si le point d’inflexion sera atteint plus rapidement que prévu si le contexte économique se détériore.

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    Nombre de véhicules neufs vendus au Canada en février. C’est une hausse de 5,1 % par rapport à la même période en 2022.
    Source : DesRosiers Automotive Consultants