La cessation abrupte des activités de la société biopharmaceutique Medicago et de la construction de sa nouvelle usine de fabrication de vaccins à Québec a déclenché depuis jeudi un branle-bas de combat tant à Québec qu’à Ottawa où on s’est mis, non sans raison, en mode de mobilisation active pour relancer ce projet mort prématurément.

Rappelez-vous il y a trois ans, lorsque s’est amorcée la course à la découverte d’un vaccin pour enrayer la propagation du virus de la COVID-19 qui semblait alors pourtant invincible. Rapidement, le Canada s’est rendu compte de sa totale dépendance à l’endroit des développeurs et fabricants de vaccins étrangers.

Pour la simple et bonne raison qu’on n’avait plus au pays de capacités de recherche et de production pouvant répondre à nos besoins de protection contre le virus. Les deux seuls sites canadiens de production toujours actifs, les anciens laboratoires Connaught à Toronto et GSK à Québec, n’étaient pas équipés pour produire les vaccins à ARN messager.

C’est pourquoi, à partir de 2021, le Canada s’est lancé dans une offensive pour rebâtir sa souveraineté médicale en relançant les secteurs de la biofabrication et de la production de vaccins.

Ottawa a injecté 125 millions dans l’aménagement d’une nouvelle usine pour le groupe Novavax dans les installations du Conseil national de recherches du Canada à Montréal et a accordé, via son Fonds stratégique pour l’innovation, 176 millions à Medicago pour le développement de son vaccin à base de plantes et la construction de sa nouvelle usine de Québec.

L’entreprise de Québec, une division de la multinationale japonaise Mitsubishi, a obtenu l’homologation par Santé Canada de son vaccin contre la COVID-19 en février 2022, mais n’a pas reçu l’aval de l’Organisation mondiale de la santé parce que Medicago comptait le cigarettier Philip Morris parmi ses actionnaires.

On connaît la suite, Mitsubishi a racheté en décembre les actions de Philip Morris pour pouvoir obtenir l’assentiment de l’OMS, mais c’était trop peu, trop tard pour la multinationale nipponne, qui a décidé de fermer Medicago et de liquider ses actifs, malgré les 176 millions du fédéral et les 75 millions de prêts consentis par le gouvernement québécois.

Tant à Québec qu’à Ottawa, on constate que Mitsubishi est en rupture de contrat et on entend bien récupérer les sommes avancées à Medicago.

La voie que semblent privilégier les deux ordres de gouvernement est de procéder au rachat des actifs et des brevets de Medicago via la dette que la multinationale a contractée auprès d’eux pour relancer la construction de l’usine et fabriquer des vaccins contre la COVID-19 ou contre l’influenza avec un nouveau partenaire stratégique.

Une industrie en reconstruction

« Une relance qui tombe sous le sens, me confirme François Arcand, entrepreneur en sciences de la vie et cofondateur de Medicago avec Louis-Philippe Vézina, en 1999. Nous, on a construit les fondations, et là, on est rendu à 90 % du bâtiment, il faut le finir et profiter de la propriété intellectuelle que Medicago a développée au fil des ans. »

Aujourd’hui PDG de Pharma in silica, une entreprise biopharmaceutique de Québec qui développe des traitements oncologiques moins invasifs, François Arcand est convaincu que les vaccins à base de plantes viennent compléter l’arsenal immunologique, tout comme il existe plusieurs médicaments pour soulager les maux de tête.

Le Québec et le Canada doivent rebâtir leur souveraineté médicale et leur indépendance face aux géants de l’industrie, et Medicago fait partie de la solution.

Le secteur des sciences de la vie a repris du tonus depuis les années sombres qu’il a vécues au tournant de 2010, lorsqu’on a assisté, impuissant, aux fermetures successives à Montréal des laboratoires de recherche des grandes sociétés pharmaceutiques Merck Frosst, Pfizer, AstraZeneca et Boehringer.

« Ç’a été un dur coup, mais heureusement, beaucoup de chercheurs de haut niveau de ces grandes pharmaceutiques sont restés au Québec et se sont joints aux jeunes entreprises du secteur des biotechnologies. »

« L’industrie des sciences de la vie a acquis aujourd’hui une belle maturité. On retrouve plusieurs entreprises à succès et elles ont accès à du financement », souligne pour sa part Geneviève Guertin, vice-présidente placements privés et investissement d’impact – Sciences de la vie, au Fonds de solidarité FTQ.

Avec ses 37 000 emplois, fortement regroupés à Montréal, Québec et Sherbrooke, le secteur des sciences de la vie a sensiblement le même poids économique que celui de l’aéronautique. Il regroupe plus de 700 entreprises, dont au-delà de 200 dans le secteur biopharmaceutique, des entreprises tant innovatrices que génériques.

Medicago et sa technologie de vaccins à base de plants de luzerne au départ et maintenant de tabac doit survivre au désistement de son principal actionnaire Mitsubishi, qui est toujours redevable du financement des gouvernements de Québec et d’Ottawa.

Comme l’entreprise nipponne l’a bien indiqué dans ses communications, elle souhaite procéder à une dissolution ordonnée de ses affaires commerciales et de ses activités ; il ne reste plus qu’à dénicher le repreneur qui apportera un peu de sève pour redonner vie à cette pousse québécoise.