Les représentants de la relève d’affaires montréalaise sont particulièrement soucieux des enjeux liés à la santé mentale et ils sont notamment inquiets du flou que la généralisation du télétravail a induit entre la vie professionnelle et personnelle. « Il faut garder le dialogue ouvert sur le droit à la déconnexion », observe Habi Gerba, la présidente de la Jeune Chambre de commerce de Montréal (JCCM).

Mme Gerba, elle-même jeune entrepreneuse dans le domaine de la mode qui vient de terminer sa première année comme présidente de la JCCM, l’admet d’emblée : elle a établi un arbitrage qui lui convient tout à fait entre sa vie professionnelle et sa vie personnelle.

« Je suis chanceuse, j’y suis arrivée. C’est simple, il faut écouter son corps et convenir de certaines limites. Si je ne l’avais pas fait, je ne pourrais pas consacrer de 15 à 20 heures par semaine à mon rôle de présidente tout en faisant mon travail dans mon entreprise », explique-t-elle.

Mais ce n’est pas le cas de nombreux jeunes professionnels et entrepreneurs qui font partie des 1600 membres de la JCCM et qui n’arrivent pas à poser les balises nécessaires pour empêcher le prolongement indu de la journée de travail à la maison ou même en vacances.

Le télétravail qui s’est implanté brutalement dans nos vies avec la pandémie, et maintenant le travail hybride qui s’est généralisé dans une majorité d’entreprises, ont évidemment contribué à rendre beaucoup plus poreuse notre vie personnelle à l’empiétement par notre vie professionnelle.

On le sait, le ministre québécois du Travail, Jean Boulet, n’a pas voulu encadrer le droit à la déconnexion dans une loi et a plutôt décidé de laisser aux entreprises et aux organisations le soin de fixer leurs propres règles.

« L’important, c’est de garder le dialogue ouvert, insiste Habi Gerba. Dans un récent sondage réalisé auprès de 1000 professionnels, 73 % des répondants disaient subir une trop grande charge de travail. Il faut le dire que ça nous rend mal à l’aise de recevoir des textos de notre supérieur à 11 h le soir. »

Tout au long de l’année, la Jeune Chambre de commerce de Montréal a fait de la sensibilisation auprès de ses membres et des autorités politiques pour mieux encadrer le droit à la déconnexion.

Même les jeunes entrepreneurs qui représentent la moitié des 1600 membres de la JCCM doivent apprendre à gérer leur temps de connexion pour éviter de succomber à la surcharge et mieux gérer leur équilibre mental.

Une percée dans l’inclusivité

Sous l’impulsion de Habi Gerba, la Jeune Chambre de commerce de Montréal a aussi fait une percée auprès des membres de groupes sous-représentés durant la dernière année.

« Je voulais qu’on ouvre la porte aux jeunes professionnels et entrepreneurs de groupes qui n’ont pas le réflexe de fonctionner en réseau. Des nouveaux membres de la diversité de genre, de culture, de race. De nous ouvrir aux gens handicapés », explique Habi Gerba.

Pour la première fois en 90 ans d’histoire, la JCCM a même obtenu une subvention de Québec pour l’aider à mettre sur pied son initiative Un réseau d’allié.e.s. Un exercice qui a été probant puisque le nombre de membres de groupes sous-représentés a doublé au cours de l’année.

« Mes parents viennent du Cameroun. Quand ils sont arrivés ici, ils n’avaient aucun réseau. Très jeunes, ils nous ont fait comprendre qu’il fallait aller vers les autres, diversifier nos relations », indique l’entrepreneuse.

PHOTO FOURNIE PAR LA JEUNE CHAMBRE DE COMMERCE DE MONTRÉAL

Habi Gerba

Quand j’ai commencé dans le monde des affaires, à 16 ans, j’étais la seule Noire. Je n’y faisais pas attention, mais aujourd’hui, je veux que tous les groupes puissent aussi profiter de la diversité du réseau de la Jeune Chambre.

Habi Gerba, présidente de la Jeune Chambre de commerce de Montréal

Pour rejoindre les membres de ces groupes sous-représentés, Habi Gerba est allée les rencontrer dans leur milieu, au Groupe 3737, un incubateur d’entreprises pour les nouveaux arrivants, à Entreprendre ici, un autre organisme pour entrepreneurs de la diversité ethnoculturelle, à l’École des dirigeants des Premières Nations…

La Jeune Chambre de commerce de Montréal a aussi lancé l’automne dernier, en collaboration avec Fondaction, le programme Génération d’impact en formant une cohorte de 20 jeunes professionnels engagés pour qu’ils participent à la transformation de l’organisation où ils travaillent.

« On parle beaucoup d’investissement ESG, ces jeunes vont intervenir pour promouvoir ces enjeux de société dans leur entreprise, on veut en faire des corporate hackers, des intrapreneurs engagés », résume la présidente de la JCCM.

Les membres de la Jeune Chambre de commerce de Montréal sont âgés de 18 à 40 ans et le noyau dur est constitué de jeunes professionnels de 25 à 35 ans.

« On a le vice-président de KPMG de 30 ans et la jeune PDG de start-up de 25 ans. Le spectre est large, on a des gens de tous les secteurs d’activité », insiste Habi Gerba. Et de plus en plus de groupes diversifiés, peut-on ajouter.