La semaine dernière, nous avons appris la création d’un code de conduite pour protéger les consommateurs dans le domaine alimentaire. Une bonne nouvelle pour les consommateurs, même si plusieurs en saisissent mal la raison.

Comme l’a rapporté Marie-Eve Fournier le week-end dernier, le code de conduite pour la protection des consommateurs arrive en ville. On semble assister à un miracle !

Pour en arriver là, un certain soulèvement a commencé en 2020 avec l’annonce de Michael Medline, grand patron de Sobeys/IGA, qui disait à l’Empire Club à Toronto : « assez, c’est assez ». Depuis quelques années, les grandes enseignes, notamment Walmart, Loblaw/Provigo/Maxi, Costco, Metro et Sobeys/IGA, abusent de leur pouvoir en imposant une panoplie de frais à leurs fournisseurs de façon brutale et aléatoire. L’annonce de Medline avait provoqué une onde de choc dans l’industrie.

Eric La Flèche et son équipe chez Metro expliquaient alors à Marie-Eve Fournier que les relations avec les fournisseurs étaient « gagnant-gagnant », bref que tout allait très bien, Madame la Marquise. Aujourd’hui, seulement quelques années plus tard, de nombreux consommateurs estiment que ces enseignes profitent sans vergogne d’une situation inflationniste.

Nos détaillants alimentaires se retrouvent quotidiennement au banc des accusés, à tort ou à raison.

Avec le temps, les enseignes réalisent qu’il y avait peut-être un problème. Les consommateurs ne pouvaient pas le savoir à l’époque, mais ces géants du secteur alimentaire avaient du pouvoir, probablement un peu trop. La fameuse dispute entre Frito-Lay et Loblaw/Maxi/Provigo l’an dernier, qui a provoqué la disparition des croustilles Lay’s des rayons du détaillant pendant un moment, exposait le problème au grand jour, et cette dispute était mesquine et honteuse.

La ministre fédérale Marie-Claude Bibeau, appuyée par le ministre québécois de l’Agriculture, André Lamontagne, a pris la balle au bond en créant un comité de travail pour établir un code de conduite pour le secteur, afin d’offrir une chance à nos transformateurs alimentaires de se faire entendre. Depuis, c’est vraiment devenu l’affaire de M. Lamontagne et du Québec, et le projet de travail permettra enfin d’instaurer un code qui aidera le secteur alimentaire, mais surtout, les consommateurs. Le leadership de M. Lamontagne et du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) a nettement compensé l’inertie ahurissante de l’Ontario et du gouvernement Ford, là où le secteur de la transformation alimentaire est le plus important dans le domaine manufacturier dans cette province, faut-il le rappeler.

Mais les consommateurs y gagneront à long terme.

De nombreux Canadiens ignorent le fait que dans l’industrie alimentaire, les fournisseurs doivent payer les épiciers pour faire des affaires.

Les frais sont justifiés par les coûts de marchandisage, l’espace d’étalage, des détails auxquels tout le monde s’attend. Mais ces dernières années, la situation a changé. Des entreprises comme Loblaw, Walmart et Metro vont plus loin en imposant certaines redevances de manière unilatérale. Il devient maintenant plus difficile pour les transformateurs et les épiciers indépendants d’être concurrentiels au Canada.

Un code de conduite pour les épiciers aura pour but de changer la culture d’une industrie où la coordination verticale et la collaboration existent à peine.

Il s’agit également de s’attaquer à un modèle économique brisé. Un code peut neutraliser les rapports de force au sein de la chaîne, stabiliser les prix au détail, mettre l’accent sur la valeur et l’innovation pour les consommateurs, améliorer la sécurité de l’approvisionnement en aliments au pays et encourager l’investissement dans le secteur agroalimentaire.

Il faut bien comprendre que le code n’agit pas en tant que police ou moyen de nationalisation de la distribution. L’esprit du code veut instaurer une plus grande discipline et éliminer l’abus. La gouvernance autour du code permettra aussi une plus grande transparence, ce qui nous manque cruellement. Un secrétariat verra le jour afin de permettre à l’industrie de se rendre responsable envers elle-même et le public. Depuis quelque temps, avec un taux d’inflation qui atteint des niveaux record, les consommateurs veulent mieux comprendre la mécanique derrière la fixation des prix. Le flou actuel ouvre la porte aux pires spéculations.

Les consommateurs ne se sentent pas informés ni protégés. Le code aidera sûrement à ce chapitre tout en épaulant les épiciers indépendants qui méritent une chance de lutter à armes égales contre les plus grands de la distribution.

L’innovation, la variété et l’efficacité alimentaires pour tous passent souvent par les indépendants.

Mais il s’agit bien d’un code volontaire, coordonné par le gouvernement et dirigé par l’industrie. La conformité et la confiance des consommateurs vont être des défis importants, surtout en ce moment. Le temps nous dira si le code sera efficace.

L’ironie dans tout cela, c’est qu’au début, c’était les transformateurs qui voulaient un tel code de conduite. Maintenant que la confiance des consommateurs à leur endroit vacille, ce sont les Metro, Loblaw/Maxi, IGA et Walmart de ce monde qui ont besoin d’un tel code, plus que jamais.