La chronique est un art qui se pratique souvent dans le feu de l’action. La fin de l’année est une bonne occasion pour nos chroniqueurs de voir ce qu’ils auraient pu faire différemment, avec le recul.

L’inflation a fait la manchette pratiquement toute l’année et la hausse des prix a fortement contribué à empoisonner la vie des consommateurs tout en forçant les autorités monétaires à intervenir de façon systématique pour en freiner la progression. Si on entrevoit enfin une sortie du tunnel pour la prochaine année, j’étais loin de me douter en janvier dernier que la flambée des prix provoquerait autant de dommages et susciterait autant la discussion en 2022.

Le 26 janvier dernier, la Banque du Canada décidait de ne pas hausser son taux directeur même si le taux d’inflation venait d’enregistrer une hausse de 4,8 % en rythme annuel en décembre, une progression pourtant nettement au-dessus du taux cible d’inflation de 2 % à 3 % jugé acceptable par la banque centrale.

Le gouverneur de la Banque du Canada avait préféré maintenir son taux directeur à 0,25 %, le niveau plancher où il l’avait ramené depuis le début de la pandémie de COVID-19, dans le but avoué d’accommoder l’économie canadienne. Tiff Macklem avait cependant avisé dans la foulée qu’il fallait s’attendre à partir du mois de mars à plusieurs hausses du taux directeur d’ici la fin de 2022.

Au lendemain de cette non-intervention de la Banque du Canada j’ai écrit une chronique intitulée « Pas de panique » qui, je l’avoue, a un peu mal vieilli depuis que l’inflation n’a cessé de faire des ravages et que les taux d’intérêt sont partis en vrille, le taux directeur étant passé de 0,25 % à 4,25 %. Mon radar n’était pourtant pas totalement embrouillé. Je m’explique.

La forte progression de 4,8 % de l’inflation de décembre 2021 était essentiellement le résultat des centaines de milliards que le gouvernement fédéral avait injectés dans l’économie canadienne pour la maintenir à flot, que ce soit la Prestation canadienne d’urgence ou la subvention salariale d’urgence, le soutien aux entreprises, les prestations pour la relance…

Cette injection massive de capitaux a contribué à alimenter la demande des consommateurs.

Pour l’ensemble de l’année 2021, les dépenses à la consommation ont progressé de 8,4 % au Canada, contre une contraction de 2,2 % en 2020, au plus fort de la pandémie.

Cette surconsommation qui a fait pression sur les prix a été elle-même nourrie par le fait que les consommateurs s’étaient passablement serré la ceinture en 2020 et qu’ils se sont mis à dépenser de façon débridée en 2021, d’autant qu’ils étaient toujours limités dans leurs déplacements à l’étranger.

Une situation qui se dégrade

En janvier dernier, rien ne laissait présager que l’inflation deviendrait le sujet de préoccupation qu’il est devenu et qui allait forcer l’intervention massive et répétée de la Banque du Canada telle qu’on l’a connue depuis le mois de mars dernier.

En janvier dernier, les économistes prévoyaient entre trois et cinq hausses de 0,25 point de pourcentage du taux directeur durant l’année, ce qui allait le ramener à son niveau de 1,75 % d’avant la pandémie, estimaient-ils.

C’était sans compter sur les effets de l’invasion russe en Ukraine et la flambée des prix de l’énergie qui s’en est suivie, ainsi que la hausse du prix de nombreux produits alimentaires de base qui se sont faits plus rares ou dont l’approvisionnement a été fortement perturbé.

Au mois de mars, la Banque du Canada a procédé comme prévu à une première hausse de 25 points de base de son taux directeur, mais dès le mois suivant, elle a donné un tour de vis additionnel avec une hausse de 50 points et une autre encore de 50 points en juin.

Avec une hausse des prix à la consommation de 8,1 %, en juin, la Banque du Canada a décidé d’y aller de façon nettement plus musclée en relevant de 100 points de base son taux directeur en juillet, puis de 75 points en septembre et enfin en procédant à deux hausses de 50 points en octobre et en décembre.

Le taux directeur de la Banque du Canada est aujourd’hui fixé à 4,25 % alors que le taux préférentiel des grandes banques canadiennes, celui qu’elles consentent à leurs meilleurs clients, se situe maintenant à 6,45 %.

Depuis six mois maintenant, l’effet de panique est bien réel chez les ménages qui doivent re-renégocier leur prêt hypothécaire pour des soldes encore très élevés en raison de la forte hausse des prix de l’immobilier.

La bonne nouvelle toutefois, c’est que l’on constate que l’inflation a commencé à réduire sa progression et que ce mouvement devrait se poursuivre au cours des prochains mois alors que l’activité économique ralentit et que l’ardeur des consommateurs a été bénéfiquement tempérée par la forte et subite hausse du coût de la vie.

On le constate très bien avec les prix de l’essence et ceux de l’immobilier qui ont entrepris un nécessaire repli parce qu’ils avaient atteint des sommets qui étaient tout aussi insoutenables que malsains.

L’inflation va rester au cœur des préoccupations durant la prochaine année et va encore dicter la ligne de conduite des autorités monétaires, mais l’effet des hausses de taux des derniers mois va aussi commencer à se faire sentir dès la seconde moitié de la prochaine année, avec le radar bien braqué sur la suite des choses.