Il n’y a pas un seul goulet d’étranglement dans le système d’accueil des nouveaux arrivants au Québec, il y en a deux. Un pour les personnes parrainées, et un pour les réfugiés reconnus, démontrent des données obtenues par La Presse.

Le nombre de ces réfugiés, aussi appelés « personnes protégées », est d’environ 35 600 au Québec, selon le ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration (MIFI).

Il s’agit de personnes admises sur le territoire comme demandeurs d’asile, par exemple ceux du chemin Roxham ou, plus récemment, ceux qui sont arrivés en avion et ont obtenu le statut de réfugié après avoir comparu devant la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR). Ce statut leur permet de demander la résidence permanente dans la plupart des cas.

Ces réfugiés reconnus ont la quasi-certitude d’être acceptés comme résidents permanents. Mais les délais de traitement pour obtenir ce statut sont encore plus longs pour eux que pour les personnes parrainées, en raison des seuils fixés par Québec.

En 2024, le gouvernement Legault a décidé de n’admettre que 3500 réfugiés reconnus sur place, sur un total de 50 000 immigrants permanents. C’est le gouvernement fédéral qui a le pouvoir d’accorder la résidence permanente, mais en vertu des ententes avec le Québec, il respecte les seuils déterminés par la province.

Il est vrai que ces réfugiés sont en sécurité sur le sol québécois. Ils ont droit à un permis de travail, à l’éducation, aux services de santé et à une foule de services. Mais ils traînent pendant des années un statut temporaire qui ne leur permet pas de s’installer pour de bon. Et surtout, ce seuil de 3500 comprend aussi les membres de leur famille à l’étranger.

Les délais d’attente ne sont donc pas imposés seulement à ceux qui ont obtenu leur statut de réfugié, mais aussi à leurs conjoints ou à leurs enfants qui sont encore coincés dans leur pays.

« Ça me renverse »

Stéphanie Valois, coprésidente de l’Association des avocats et avocates en droit de l’immigration (AQAADI), estime que la situation des réfugiés est encore plus problématique que celle des personnes en attente d’un parrainage.

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Stéphanie Valois, coprésidente de l’Association québécoise des avocats et avocates en droit de l’immigration (AQAADI)

Ça me renverse. J’ai des clients du Yémen qui pleurent dans mon bureau parce que leurs enfants sont là-bas. On attend, on attend, on attend. Il n’y a rien à faire. C’est vraiment incroyable.

Stéphanie Valois, coprésidente de l’Association québécoise des avocats et avocates en droit de l’immigration

Et tout indique que la situation va aller en empirant parce qu’il y a des milliers de demandeurs d’asile au Québec, qui vont obtenir le statut de réfugié dans les prochains mois et les prochaines années. La CISR accorde ce statut aux personnes qui parviennent à démontrer qu’un retour dans leur pays mettrait leur vie en danger. Le taux d’approbation des demandes est d’environ 70 %.

« Le seuil de 3500 ne peut pas convenir », martèle l’avocate spécialisée en immigration. « Et ce que ça fait, c’est que ça laisse les réfugiées dans les limbes. Et, surtout, ça empêche les membres de leur famille de venir au Canada. »

MValois cite le cas d’une réfugiée haïtienne qui veut faire venir ses enfants au Québec.

« Si ça prend quatre ans ou cinq ans pour que ses enfants viennent, c’est pathétique, parce qu’on sait que ses enfants vont devenir québécois ou canadiens, dit-elle. Ils vont finir par arriver, on le sait, parce que madame, comme réfugiée, ne peut pas retourner en Haïti. Mais pourquoi est-ce qu’on doit attendre cinq ans ? Dans le fond, les enfants, plus tôt ils arrivent, plus vite ils vont s’intégrer. »

« Nous, à l’AQAADI, on pense qu’il faut exclure les catégories du regroupement familial et des réfugiés des seuils », ajoute MValois.

En savoir plus
  • 2825
    Nombre de réfugiés ou personnes protégées ayant obtenu la résidence permanente, en 2023, au Québec
    Source : Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada
    65 530
    Nombre de demandeurs d’asile admis au Québec en 2023
    Source : Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada