Le nombre d’immigrants au Québec a augmenté de près de 150 000 en 2022, la plus forte hausse de son histoire. Cette marque vient fracasser le sommet de 98 000 atteint en 2019, selon les plus récentes données de l’Institut de la statistique du Québec.

Cette explosion de l’immigration est principalement due à une hausse marquée du nombre de résidents non permanents, que ce soient les travailleurs temporaires, les étudiants étrangers ou les demandeurs d’asile. Leur nombre a augmenté de 86 735 en 2022, en forte hausse par rapport au solde de 63 076 de 2019, l’année d’avant la pandémie. Le solde représente la différence entre le nombre de personnes venues s’établir au pays et celles ayant quitté le pays.

L’autre facteur de hausse provient de l’immigration permanente, nettement plus forte en 2022. Le seuil annuel d’immigrants a été établi à 50 000 par le gouvernement Legault. Mais comme ce niveau n’a pas été atteint en 2020 et en 2021, en raison de la pandémie, on assiste à un rattrapage qui a fait gonfler leurs rangs de 62 787 personnes l’an dernier.

Près de 350 000 résidents non permanents

Le nombre de résidents non permanents vivant au Québec connaît une croissance marquée depuis 2016. Le total est difficile à calculer, pour diverses considérations techniques, mais à partir d’estimations produites par Statistique Canada, l’Institut de la statistique du Québec avait établi à 262 500 leur nombre au Québec, au 1er janvier 2022, en hausse de 1350 personnes par rapport à la même date en 2021.

Avec les données disponibles sur le solde pour l’ensemble de l’année, on peut ainsi évaluer le total à 349 235 résidents non permanents, à la fin de 2022. Mais ce total, qui porte sur différentes catégories de détenteurs de permis, ne tient pas compte des personnes qui se trouvent sur le territoire sans permis et sans statut.

Ces données nous rappellent que pendant que le débat politique porte sur les seuils annuels d’immigration permanente, le fameux 50 000, le nombre de personnes qui s’établissent au Québec par d’autres canaux est beaucoup plus important et passe souvent sous le radar.

Après avoir connu un niveau modéré et relativement stable, aux alentours de 3000 à 4000, de 2010 à 2015, la hausse du nombre de résidents non permanents s’est accélérée depuis 2016 :

  • 2016 : 12 671
  • 2017 : 35 394
  • 2018 : 42 905
  • 2019 : 63 076

Ce nombre a chuté radicalement pendant les deux années de la pandémie et a même été négatif en 2020. C’est seulement en 2022, et surtout dans la deuxième partie de l’année, que la progression a véritablement repris.

50 % de travailleurs

La moitié de ces résidents non permanents sont des travailleurs temporaires, selon Statistique Canada. Ce groupe comprend des travailleurs peu qualifiés, par exemple dans l’agriculture, accueillis par l’entremise du Programme des travailleurs étrangers temporaires, mais il compte un plus grand nombre de personnes admises dans le cadre du Programme de mobilité internationale portant sur des travailleurs spécialisés. La part des demandeurs d’asile est de 29 % et celle des étudiants étrangers, de 20 %.

Le nombre de demandeurs d’asile, qui a atteint plus de 59 000 l’an dernier au Québec, a été élevé, notamment en raison de la notoriété mondiale du chemin Roxham, fermé le 25 mars à la suite de la renégociation de l’Entente sur les tiers pays sûrs.

Il est donc possible que le nombre de demandeurs d’asile baisse en 2023, tout comme le solde des résidents non permanents.

C’est ce que croit l’économiste Pierre Fortin. « Il va y avoir beaucoup, beaucoup moins de demandeurs d’asile qui vont entrer au Québec, explique-t-il. Par conséquent, le solde de 86 735 résidents permanents va sans doute diminuer. »

Selon M. Fortin, le nombre de 155 422 immigrants, permanents et temporaires, admis en 2022 est « passager » et « va redescendre de 40 000 ou 50 000 ».

Un phénomène national

Cela dit, le Québec n’est pas la seule province à enregistrer une hausse des résidents non permanents. Leur nombre a connu une croissance exponentielle dans l’ensemble du pays.

À la fin de 2022, on comptait 608 000 résidents non permanents de plus que l’année précédente, d’après l’agence fédérale. C’est en Ontario que l’on en a dénombré le plus, 306 000, suivi de la Colombie-Britannique, avec 99 000.

C’est ainsi que le Québec accueille une part des résidents non permanents inférieure au poids de sa population au sein du Canada. En 2022, le Québec, dont le poids démographique est de 22,3 %, accueillait 14 % des résidents non permanents. Mais les proportions de chaque catégorie varient grandement. On comptait, au Québec, 52 % des demandeurs d’asile du pays, à cause du chemin Roxham, mais 18 % des travailleurs temporaires et 12 % des étudiants étrangers.

Cependant, il y a une différence importante entre le Québec et le reste du Canada, à savoir que le gouvernement canadien a pour objectif d’augmenter ses cibles d’immigration économique et d’accueillir 500 000 nouveaux résidents permanents dès 2025. Une progression des résidents non permanents peut s’inscrire dans cette logique, d’autant que les étudiants étrangers et les travailleurs temporaires constituent un bassin privilégié par le gouvernement pour choisir les futurs immigrants.

Une proportion importante des nouveaux résidents permanents est en effet constituée non pas de nouveaux venus, mais plutôt de résidents non permanents qui changent de statut.

« L’immigration temporaire est la voie royale vers l’immigration permanente », rappelle l’économiste Pierre Fortin.

La situation est différente pour le Québec, qui n’appuie pas les objectifs d’immigration ambitieux du gouvernement canadien et qui ne veut pas augmenter ses propres seuils d’immigration. Mais qui, dans les faits, se trouve à le faire indirectement en accueillant 350 000 résidents non permanents sur son territoire, un nombre record.