(Ottawa) Un rapport interne d’Anciens Combattants Canada lance un cri d’alarme sur l’état des tombes et des cimetières militaires du pays, avertissant qu’un financement plus permanent est nécessaire pour les empêcher de tomber en ruine.

Le rapport est le résultat d’un audit interne faisant suite à un examen similaire mené il y a six ans. À cette époque, près de 45 000 des quelque 207 000 tombes d’anciens combattants canadiens étaient en mauvais état en raison d’un manque de ressources.

Le gouvernement Trudeau a par la suite investi près de 25 millions sur cinq ans en financement temporaire à compter de 2018, ce qui, selon le nouveau rapport, a largement résolu le problème en facilitant des milliers de réparations.

Pourtant, les vérificateurs ont constaté que sans une augmentation pérenne du financement, ce succès sera de courte durée.

« Bien que le financement sur cinq ans […] ait permis à l’équipe d’entretien des stèles funéraires de réduire considérablement le nombre de réparations en attente, il sera difficile de maintenir un cycle d’inspection adéquat après le projet, lit-on dans le rapport.

« L’évaluation révèle que le montant actuel de 1,25 million qui a été alloué au Programme d’entretien des cimetières et des stèles funéraires est insuffisant pour éviter un autre arriéré des travaux d’entretien. »

Le rapport d’audit poursuit en notant que le budget annuel de 1,25 million est resté largement inchangé depuis 2009, même si le nombre de tombes suivies et entretenues par le ministère a augmenté de plus de 40 % au cours de la dernière décennie.

Le porte-parole du ministère des Anciens Combattants, Marc Lescoutre, a confirmé dans un courriel à La Presse Canadienne que le ministère n’avait pas augmenté le financement de base du programme d’entretien, bien qu’il ait prélevé 900 000 $ dans d’autres enveloppes pour assurer des fonds suffisants.

« Le ministère explore les possibilités de rechercher un financement pérenne pour faire face au coût croissant de l’entretien de l’inventaire des pierres tombales et pour développer et mettre en œuvre un cycle approprié d’inspection/d’entretien des tombes », a-t-il ajouté.

Bruce Julian, président national de la Légion royale canadienne, a salué les progrès réalisés dans la réduction du nombre de pierres tombales qui ont besoin d’entretien.

« En même temps, nous étions inquiets de lire [dans le rapport] que l’avenir du programme du ministère était menacé en raison d’un financement apparemment insuffisant », a écrit M. Julian lundi.

« Nous demandons au gouvernement fédéral de s’engager à soutenir pleinement et en permanence l’entretien continu des pierres tombales placées par le ministère des Anciens Combattants. Ce sont des moyens essentiels de réflexion et de commémoration dédiés à ceux qui ont servi notre pays. »

Un financement temporaire dénoncé

Les libéraux ont été critiqués à plusieurs reprises pour refuser de faire des investissements permanents dans les activités d’Anciens Combattants au cours des dernières années, car ils se sont plutôt appuyés sur des fonds et du personnel temporaires pour résoudre des problèmes lancinants.

Ils ont ainsi embauché des centaines d’employés temporaires pour traiter un arriéré de demandes d’invalidité d’anciens combattants malades et blessés, ainsi que des dizaines de gestionnaires de cas temporaires pour aider le personnel permanent à faire face à leur charge de travail écrasante.

Les mesures temporaires ont été critiquées par des anciens combattants, des fournisseurs de services et d’autres observateurs, comme la vérificatrice générale Karen Hogan, qui a fustigé l’utilisation continue de ce qu’elle appelle du « financement ad hoc ».

Au cours de leur examen de l’entretien des stèles funéraires, les vérificateurs ont interrogé des employés d’Anciens Combattants ainsi que de la Commission des sépultures de guerre du Commonwealth, qui s’occupe des tombes de 110 000 soldats canadiens tués et enterrés à l’étranger pendant les Première et Deuxième Guerres mondiales.

Leur conclusion : « le retour au statu quo financier après le projet de l’arriéré de l’entretien des stèles funéraires entraînera une situation où les stèles funéraires ne pourront pas être inspectées et entretenues au cours du cycle actuel de 12 ans ».

« De plus, le cycle d’inspection de 12 ans lui-même a été adopté en réponse aux niveaux de financement, et non à titre de pratique exemplaire. La Commission des sépultures de guerre du Commonwealth inspecte actuellement les stèles funéraires dont elle est responsable tous les six ans. »

Outre les sépultures de guerre canadiennes, la commission s’occupe également de celles des soldats britanniques, australiens, néo-zélandais et indiens tués au cours des deux grandes guerres.

Problèmes dans les cimetières

Les vérificateurs ont trouvé des problèmes dans le fonctionnement des deux cimetières que possède et exploite Anciens Combattants Canada : le cimetière Fort Massey à Halifax et le cimetière God’s Acre à Esquimalt, en Colombie-Britannique, qui a récemment été agrandi pour accepter plus de tombes.

« Les installations modernisées étaient censées permettre l’embauche de personnel sur place pour faciliter l’augmentation du nombre d’inhumations au cimetière » God’s Acre. « Toutefois, les préoccupations en matière de santé et de sécurité liées à la structure ont limité les activités sur place. »

Des inquiétudes ont également été soulevées quant au manque de politiques formelles concernant qui peut réellement être enterré à God’s Acre, comment les parcelles sont obtenues, réservées et tarifées, alors « qu’aucun processus opérationnel n’est en place pour le traitement des paiements de frais funéraires et le stockage des renseignements sur le cimetière ».

God’s Acre et Fort Massey n’avaient pas non plus de plans opérationnels à jour ou de plans pour protéger l’intégrité culturelle et historique de l’un ou l’autre de ces sites.