Le Parti libéral du Québec (PLQ) doit entamer une « véritable réflexion » sur son avenir après « l’électrochoc » du 3 octobre dernier, croient d’anciens élus libéraux qui se sont réunis samedi pour commémorer les 20 ans de l’élection de Jean Charest, à Longueuil.

« C’est une période charnière pour le PLQ. Le parti est dû pour une véritable réflexion, qui n’a peut-être pas été faite suffisamment au cours des quatre ou cinq dernières années. Le résultat de la dernière élection, c’est un électrochoc. Ça a envoyé un signal clair qu’il y a une sérieuse reconnexion à faire avec l’électorat, et particulièrement avec les francophones », estime l’ex-député de Sherbrooke entre 2014 et 2018, Luc Fortin.

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Luc Fortin a été député de Sherbrooke entre 2014 et 2018

Pour celui qui a également été conseiller aux communications de Jean Charest, le Parti libéral « a peut-être été un peu trop canadian dans sa façon d’être fédéraliste » ces dernières années. « On doit reprendre un tournant plus nationaliste. Il faut se souvenir que le PLQ a fait beaucoup d’avancées pour les francophones au cours de son histoire. On n’a qu’à penser au “Maître chez nous” de Jean Lesage », poursuit M. Fortin.

Il salue le travail de l’exécutif en place pour « entamer cette reconnexion », mais appelle à ouvrir les horizons. « Au fond, c’est de reprendre les électeurs qui ont quitté le PLQ pour aller à la CAQ. Il faut les retrouver aujourd’hui. Oui, on est fédéraliste, mais il n’y a pas de contradictions entre notre fierté d’être Québécois et notre fierté d’être Canadiens », juge encore l’ancien élu.

Le chef intérimaire des libéraux Marc Tanguay, qui s’est aussi déplacé samedi, dit recevoir ces commentaires « de façon tout à fait positive ».

« On doit reconnecter avec les francophones, avec l’ensemble des régions du Québec, je suis d’accord. C’est le principal défi très clairement, et on en est conscients. On doit actualiser aussi la façon qu’on a d’incarner les valeurs libérales de développement économique et régional, de respect des droits et libertés », reconnaît M. Tanguay en entrevue.

« Notre parti a 155 ans. Il a su faire face dans son passé à des hauts et des bas, mais toujours, il a su se réinventer, s’actualiser. Notre ADN ne changera pas sur le fond […] mais effectivement, le parti est à une époque où il doit actualiser ses valeurs, on le reconnaît », persiste M. Tanguay, en se disant « confiant que nous serons capables d’y arriver ».

« Évaluer s’il y a une place pour lui »

Plus tôt, en entrevue avec La Presse Canadienne, l’ancienne ministre des Finances du Québec, Monique Jérôme-Forget, avait aussi appelé à une réflexion profonde à l’interne peu avant l’évènement. « On vit dans un monde de changements et le PLQ, j’imagine qu’il va évaluer s’il y a une place pour lui sur la scène québécoise », affirme-t-elle.

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L’ancienne ministre des Finances du Québec, Monique Jérôme-Forget

Celle qui a occupé plusieurs ministères sous la gouverne de Jean Charest durant neuf ans affirme néanmoins que le PLQ a encore sa raison d’être. « Je serais très triste s’il ne l’avait pas, mais je lis beaucoup les journaux étrangers et je suis témoin de changements draconiens vis-à-vis les souhaits des citoyens. »

Encaissant la pire défaite de leur histoire en proportion des suffrages exprimés, les libéraux de Dominique Anglade sont parvenus à sauver les meubles en nombre de sièges le 3 octobre. Le parti a ainsi conservé le titre d’opposition officielle, ses députés étant plus que jamais concentrés à Montréal.

L’ancien ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes, Benoît Pelletier, estime aussi que son ancienne formation politique doit « redécouvrir ses fibres nationalistes ». « Je trouve que le PLQ a une conception trop absolutiste des droits et libertés. Je pense que ça va demander un recentrage au cours des prochaines années », soutient-il.

« Se rappeler des bons coups »

En avril 2003, il y a 20 ans presque jour pour jour, Jean Charest avait remporté un gouvernement majoritaire avec 76 députés à l’Assemblée nationale. Les libéraux avaient alors gagné l’élection avec 46 % des voix face au Parti québécois (PQ) et à l’Action démocratique du Québec (ADQ).

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Le chef par intérim du Parti libéral du Québec, Marc Tanguay

« C’est ce gouvernement qui a permis au Québec de faire plusieurs avancées. On lui doit le Fonds des générations, les bourses du carbone, le RQAP. Ce sont là trois réalisations qui me parlent beaucoup », a souligné en ce sens Marc Tanguay.

Plusieurs centaines de personnes étaient attendues samedi pour commémorer l’ascension au pouvoir de Jean Charest. Le Parti libéral a précisé samedi que 14 des 19 députés libéraux du caucus feront le voyage. Un discours de M. Charest était prévu, loin des caméras et des médias, qui n’ont pas été autorisés à y assister.

Le règne Charest s’était terminé abruptement avec le printemps érable. La hausse des frais de scolarité décrétée par les libéraux a déclenché une importante mobilisation qui s’est soldée par la défaite des libéraux et la victoire du PQ en 2012.

Avec Thomas Laberge, La Presse Canadienne