Attention, la saison de la chasse aux étudiants anglophones est ouverte ! Quoi de mieux pour faire oublier les ratés de la CAQ qui s’est calée elle-même en ressuscitant le troisième lien après sa défaite cuisante à l’élection complémentaire dans Jean-Talon ?

Sur le plan politique, ça tombe bien. L’offensive contre des étudiants anglophones ravive la flamme nationaliste des électeurs qui ont déserté vers le Parti québécois, sans que la Coalition avenir Québec (CAQ) ait à se mettre à dos le moindre électeur potentiel. Une aubaine.

Mais sur le fond, le gouvernement ne vise pas dans le mille. Les mesures auront peu d’influence sur le « déclin » du français tel que le gouvernement le mesure, en focalisant à tort sur la langue maternelle et la langue parlée à la maison.

Prenez les modifications attendues aux règles d’immigration.

En ajustant son programme de l’expérience québécoise (PEQ), Québec offrira aux étudiants étrangers une voie rapide s’ils veulent s’établir chez nous après avoir décroché leur diplôme. C’est une excellente idée, car ces étudiants sont les immigrants idéaux, ayant un diplôme reconnu et un réseau de contacts qui favorisent leur intégration dans la société.

Malheureusement, cette voie rapide ne s’adresse qu’à ceux qui ont étudié en français. Ceux qui ont étudié dans un établissement anglophone vont rester sur la voie de garage, et ce, même s’ils ont une excellente maîtrise du français. Cette discrimination ne tient pas la route. On se prive d’excellents candidats pour rien.

En se fondant sur une récente étude de Statistique Canada1, certains craignent que ces étudiants, même s’ils sont bilingues, parlent davantage anglais lorsqu’ils seront en emploi.

Or, il ne faut pas oublier que ce sont beaucoup les exigences du milieu de travail – de plus en plus ouvert sur le monde – qui dictent l’usage de l’anglais en entreprise.

On ne saurait trop insister sur l’importance de l’usage du français dans l’espace public au Québec. C’est notre culture et notre identité qui sont en jeu. Mais la province ne peut pas se replier sur elle-même non plus.

Prenez maintenant les changements annoncés au financement des universités, vendredi.

Grosso modo, la CAQ a l’intention de doubler les droits de scolarité des étudiants qui viennent des autres provinces, de 9000 $ à 17 000 $ par année. Des frais planchers de 20 000 $ seront aussi imposés aux étudiants étrangers.

En prélevant une partie des frais payés par les étudiants non québécois, qui fréquentent davantage les universités anglophones, Québec veut réinvestir plus de 100 millions de dollars dans les universités francophones. Soit. Mais cette péréquation pourrait être moins importante si les inscriptions fondent à cause de la hausse des droits.

Québec présente sa réforme comme un moyen d’arrêter de subventionner les études de jeunes qui retournent dans leur province par la suite. Ça se défend. Mais dans sa réflexion, le gouvernement perd de vue leur contribution pour le Québec.

Sur le plan économique, ils ont un impact important dans la communauté où ils vivent. Et sur le plan humain, ils enrichissent la vie de campus.

Ils permettent aux étudiants québécois de tisser un réseau de contacts à travers le Canada et le monde. Et ils deviennent eux-mêmes des ambassadeurs du Québec à l’extérieur de la province.

Il ne faut pas perdre de vue que les universités sont des institutions clés du Québec dont la contribution se mesure en découvertes et en avancées scientifiques qui bénéficient à l’ensemble de la société.

Au lieu de leur tendre la main pour trouver une solution, Québec leur a imposé une décision surprise. Tout cela alors que les universités collaboraient depuis de longs mois à la révision de leur politique de financement.

Ici encore, Québec présente sa réforme comme une solution au recul du français. Mais les étudiants hors Québec ont le dos large.

Il est vrai que certains contribuent à l’anglicisation du centre-ville, en travaillant dans des commerces sans parler un mot de français qui doit pourtant être la langue d’accueil. Sauf que cela occulte bien d’autres facteurs qui ont un impact significatif sur l’évolution du français, mais dont on parle très peu. Un exemple : pourquoi 74 000 francophones ont-ils quitté la région de Montréal en cinq ans ? Cela aussi pèse dans la balance.

En mettant sans cesse le recul du français sur le dos des immigrants, à des fins politiques, on risque de décourager les nouveaux arrivants qui font des efforts réels pour apprendre notre langue.

La demande monstre depuis le lancement de la plateforme Francisation Québec en juin dernier prouve de façon éclatante que les immigrants ont un grand intérêt pour le français qui est la clé de l’intégration dans le marché du travail et la société québécoise.

De la francisation, il en faut davantage sur les campus si on veut que les étudiants embarquent. Justement, McGill devait lancer un programme de francisation de 50 millions ces jours-ci. Mais l’université a appuyé sur pause.

Ironiquement, l’offensive de Québec risque de nuire au français.

La position de La Presse

En durcissant le ton envers les étudiants anglophones, Québec occulte leur contribution dans la province et risque de miner les efforts de francisation dans les universités.

1. Consultez l’étude de Statistique Canada