Je ne connais que deux choses à propos d’Angelo Iacono : il est député libéral fédéral d’Alfred-Pellan, dans l’est de Laval, depuis 2015, et c’est un grand, grand fan de Formule 1.

Je n’avais jamais entendu parler de M. Iacono jusqu’à ce qu’un lecteur lavallois m’écrive pour me parler de son député. Il n’était pas content de constater qu’Angelo Iacono avait dépensé « l’argent de MES taxes » pour une publicité assez particulière dans un hebdo local.

Ce lecteur m’a envoyé la pub de deux pages achetée par le député Iacono publiée dans le numéro du 18 mars du Courrier Laval...

Avant d’aller plus loin, je le souligne : il n’est pas inhabituel pour un député d’acheter de l’espace publicitaire dans un journal local. Ils ont un budget pour ça. Le principe d’un député qui achète de la pub n’est en soi pas particulièrement problématique.

Le problème, ici, c’est que la pub qui occupe les deux pages centrales du Courrier Laval ne fait pas la promotion des actions du député, elle ne met pas en lumière le travail d’organismes de sa circonscription, elle n’annonce pas une journée portes ouvertes à son bureau, non…

Les deux pages achetées par Angelo Iacono font la promotion du calendrier de la saison 2024 de Formule 1.

Vous avez bien lu.

J’ai pensé à un canular en recevant la photo des deux pages du Courrier Laval : les dates des 24 courses de l’actuelle saison de F1 y sont répertoriées, avec les couleurs du pays hôte dans le contour du circuit. Aux marges : les noms des dix équipes, avec ceux des pilotes.

En haut, chapeautant le calendrier de F1, on voit un dessin – très ressemblant – du député Iacono en tenue de pilote de F1, avec les mots LA SAISON 2024 DE FORMULE 1 présentée par Angelo Iacono : le nom du député local est sur un bolide de F1 rouge, lui qui est un grand fan de Ferrari.

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

Angelo Iacono en janvier 2019

En bas de la pub, à gauche, on trouve les coordonnées du député fédéral d’Alfred-Pellan, son prénom écrit à la main et son patronyme, IACONO, avec deux pneus de char de course à la place des O.

Bref, je n’ai rien contre les députés qui s’annoncent dans les médias locaux…

Mais je trouve qu’une industrie, la F1, qui a engrangé des revenus de 3,2 milliards US en 2023, n’a pas besoin de pub gratuite dans le Courrier Laval.

J’ai écrit au député Iacono pour lui demander une entrevue et il m’a rappelé très rapidement. Son explication : « J’ai voulu tester cette avenue pour entrer chez mes commettants, a commencé par me dire le député. C’est un sujet qui permet d’ouvrir les canaux de communication avec eux… C’est plus facile pour monsieur et madame Tout-le-Monde de m’approcher pour me parler de F1 ou de jardinage que de politique… »

Je n’ai pas eu besoin de verbaliser mon malaise devant cette dépense de fonds publics de 2000 $ qui n’a rien à voir avec son travail de député, M. Iacono m’a devancé :

« En recevant votre courriel, m’a-t-il dit, je me suis dit que ce n’était pas l’idée du siècle…

— Combien ça coûte, deux pages dans le Courrier Laval, Monsieur Iacono ?

– 2000 $. »

Ce n’est pas le scandale ArriveCAN, ce n’est pas le scandale des commandites, ce n’est pas un scandale, on ne va pas déclencher une commission présidée par un juge pour aller au fond des choses…

Si c’est pas un scandale, Monsieur le chroniqueur, c’est quoi ?

Vous m’en posez une bonne, je cherche le mot…

Une coûteuse niaiserie ?

J’y vois aussi qu’à Ottawa, on vole toujours à 30 000 pieds au-dessus du plancher des vaches. Ce n’est pas la première fois que je le dis : il y a un côté très débranché du réel à Ottawa, qu’on parle de la classe politique ou des fonctionnaires…

Et il faut être débranché sur un moyen temps pour dépenser 2000 $ des fonds parlementaires pour faire la promotion de la F1, qui n’a aucun rapport avec la circonscription d’Alfred-Pellan, sinon qu’on y trouve, là comme dans les 338 circonscriptions du pays, des amateurs de courses de chars.

Ai-je dit une coûteuse niaiserie ?

Je corrige : une indécente niaiserie. C’est l’indécence qui me pue au nez, plus que le coût.

M. Iacono s’est mollement défendu, il m’a répété que cette pub à 2000 $ n’était « pas l’idée du siècle », mais qu’il était un « gars de terrain » passionné par « l’échange », le député a donc vu la publication de cette publicité comme une autre occasion de se « rapprocher du terrain »…

Et il a eu ces mots, comme si c’était la preuve de quoi que ce soit : « Des personnes âgées m’ont récemment parlé du Grand Prix d’Australie… »

Morale de l’histoire de pubs de vroum-vroum payées avec vos taxes ?

J’en vois deux…

Un, il y a beaucoup, beaucoup d’argent à Ottawa, pour qu’un député ait 2000 $ à consacrer à une pub aussi indécente qu’inutile. Mais bon, on ne fait pas 50 milliards de déficit en gérant ça serré1.

Deux, en politique, ce que les politiciens décrivent comme « le terrain » a le dos très, très large.

AVOCASSERIES – Il s’appelle Karim Renno et c’est un des avocats du milliardaire montréalais Robert Miller, accusé d’avoir utilisé son cash pour se constituer un harem d’adolescentes vulnérables, pendant des années.

L’autre jour, Vincent Larouche rapportait2 que MRenno avait remis 50 000 $ cash à une femme disant avoir été victime, adolescente, de Robert Miller. Elle devait aussi signer un document où elle s’engageait à ne pas discuter du montant reçu et à renoncer à tout recours contre Miller (elle a refusé).

Ma question n’est pas juridique, elle touche les cycles du sommeil…

Vous dormez bien, MRenno ?

1. Lisez l’analyse « La taille du déficit, la mauvaise surprise du budget Freeland » 2. Lisez le texte « Une enveloppe d’argent torpille une poursuite de 8 millions »