(Ottawa) Le budget fédéral doit être déposé le mardi 16 avril. Depuis quelques jours, Justin Trudeau et la ministre des Finances, Chrystia Freeland, sillonnent le pays afin de dévoiler au compte-gouttes certaines des mesures qui s’y retrouveront. Du jamais-vu sur la scène fédérale.

Mais le chapitre le plus important du budget à venir sera sans doute celui qui révélera la taille du déficit. À cet égard, les nouvelles pourraient être mauvaises. Il y a quelques mois à peine, la ministre Freeland a soutenu dans son énoncé économique que le déficit ne dépasserait pas les 40 milliards de dollars pour l’exercice financier 2023-2024, qui a pris fin le 31 mars.

Il se trouve qu’au moment de présenter son énoncé économique, la ministre avait été contrainte de revoir à la hausse la projection des déficits des cinq prochaines années qu’elle avait soumise dans son budget déposé huit mois plus tôt. Elle convenait alors que le ralentissement de l’économie canadienne et la hausse des taux d’intérêt plombaient plus que prévu les finances d’Ottawa.

Or, le directeur parlementaire du budget, Yves Giroux, a fait de nouveaux calculs au début du mois dernier. Selon lui, le déficit pour le dernier exercice financier devrait plutôt s’établir à 46,8 milliards de dollars, soit près de 7 milliards de plus que prévu en novembre dernier. En coulisses, certains avancent que le manque à gagner pourrait être plus élevé encore, et pourrait friser les 50 milliards de dollars.

Dans son récent rapport, M. Giroux a dit s’attendre à ce que la croissance de l’économie canadienne demeure « léthargique » tout au long de l’année, en raison notamment de la politique monétaire restrictive adoptée par la Banque du Canada pour venir à bout de l’inflation. Même si une première baisse du taux directeur est attendue en juin, la politique monétaire actuelle représente un sérieux frein aux dépenses de consommation.

Le directeur parlementaire du budget prévoit aussi que le déficit sera plus élevé en 2024-2025 que ce qu’avait avancé la ministre Freeland en novembre. Ce déficit devrait être de 40,8 milliards de dollars, soit plus que le manque à gagner de 38,4 milliards projeté par la grande argentière. Mais les estimations de M. Giroux supposent qu’aucune nouvelle mesure ne sera introduite par le gouvernement Trudeau.

Ce mardi, le Manitoba deviendra la dernière province à présenter son budget. En temps normal, c’est le gouvernement fédéral qui lance la saison des budgets et confirme les transferts importants aux provinces. Cette année, il sera le dernier à dévoiler son plan budgétaire.

Jusqu’ici, la majorité des provinces, sauf l’Alberta et le Nouveau-Brunswick qui affichent des surplus, ont déposé des budgets comportant des déficits à la hausse. Au Québec, le gouvernement Legault a présenté un budget affichant un déficit record de 11 milliards de dollars, soit presque quatre fois plus important que le manque à gagner de 2,9 milliards prévu l’an dernier.

En Ontario, le gouvernement Ford a aussi raté sa cible en présentant un budget qui annonce un déficit de 9,8 milliards de dollars tandis que l’on tablait sur un surplus de 200 millions dans les prévisions dévoilées il y a 12 mois.

En Colombie-Britannique, le déficit a aussi explosé. À 7,9 milliards de dollars, il devrait être environ deux fois plus important que les 3,8 milliards qui étaient projetés l’an passé.

Résultat : si les déficits sont à la hausse cette année dans ces trois provinces importantes à cause du ralentissement de l’économie, il faut s’attendre à ce qu’il le soit aussi à Ottawa. D’autant plus que le gouvernement Trudeau, à la traîne dans les sondages, n’a guère l’intention de restreindre les dépenses à environ 18 mois des prochaines élections fédérales.

De passage à Toronto, lundi, le premier ministre Justin Trudeau et la ministre Chrystia Freeland ont d’ailleurs poursuivi l’effeuillage prébudgétaire libéral en annonçant un investissement de 1 milliard de dollars sur cinq ans dans un programme national d’alimentation scolaire. Cette mesure sera dans le prochain budget et doit permettre de fournir des repas à 400 000 enfants de plus chaque année.

Samedi, la ministre Freeland a aussi confirmé qu’Ottawa va jeter les premières bases d’un programme national d’assurance médicaments dans le prochain budget qui inclura la couverture des contraceptifs et de certains médicaments pour le diabète. La semaine dernière, on a annoncé des mesures pour le logement et les garderies. Tout indique que d’autres mesures seront annoncées par le premier ministre et la ministre d’ici le 16 avril.

« Le gouvernement fédéral a un problème : il dépense trop. Non seulement a-t-il été incapable de maîtriser les dépenses courantes cette année, mais il s’apprête à en annoncer de nouvelles dans le prochain budget. Cela soulève l’éternelle question de savoir comment il compte payer pour tout cela », affirme Goldy Hyder, président et chef de la direction du Conseil canadien des affaires (CCA), dans une récente note.

Il évoque la possibilité que le gouvernement Trudeau gratte tellement les fonds de tiroir qu’il songerait à imposer une nouvelle taxe sur les profits des grandes sociétés – une mesure qui ferait certes le bonheur du Nouveau Parti démocratique, mais qui pourrait se faire davantage sentir dans les poches des consommateurs que dans le bilan financier des grandes entreprises.

Depuis leur arrivée au pouvoir, les libéraux n’ont jamais présenté un budget équilibré. À l’approche de la prochaine bataille électorale, la simple maîtrise du déficit semble aussi un objectif difficile à respecter.