Chaque samedi, un de nos journalistes répond à l’une de vos questions sur l’économie, les finances, les marchés, etc.

Bonsoir, je ne comprends pas la mécanique du Fonds des générations. Dans votre analyse du dernier budget, vous mentionnez qu’un montant est versé au Fonds des générations. Avec les taux d’intérêt actuels, ne serait-il pas plus efficace de ne pas contribuer au Fonds et de seulement faire moins de déficit ? Merci.
– Frédéric Boulanger

Votre question exige de revoir l’objectif du Fonds des générations et les raisons qui ont présidé à sa création.

L’ultime but du Fonds des générations est de réduire la dette du Québec, tel qu’énoncé dans une loi adoptée en 2006 (Loi sur la réduction de la dette et instituant le Fonds des générations).

Ce cadre législatif, jumelé à la Loi sur l’équilibre budgétaire, est en quelque sorte un régime d’épargne forcé qui nous oblige à tenir compte du remboursement de notre dette dans notre gestion budgétaire. La mesure ressemble, en partie, au paiement hypothécaire d’un budget familial.

Lourde dette

Pourquoi réduire la dette ? Parce qu’à l’époque, le gouvernement du Québec avait la plus importante dette des provinces – ou la 2e en importance – selon la mesure de l’endettement d’alors. Nous étions beaucoup plus endettés que l’Ontario, entre autres, et le gouvernement de l’époque ne voulait pas léguer cette dette aux générations futures, d’où le nom de Fonds des générations.

La situation du Québec s’est nettement améliorée depuis, sa dette nette atteint aujourd’hui l’équivalent de 39 % de son activité économique (mesuré par le produit intérieur brut ou PIB), comparativement à un sommet de 53,9 % du PIB il y a 10 ans.

Malgré tout, le Québec demeure nettement plus endetté que la moyenne des provinces (29,9 % du PIB) et son endettement le situe encore au 2e rang des provinces, quoiqu’à un cheveu de l’Ontario (38 %).

Au total, la dette nette du Québec s’élève à 221 milliards, une fois soustraite la valeur du Fonds des générations (16,7 milliards au 31 mars 2024). Et les versements consacrés au Fonds des générations atteindront 2,2 milliards au cours de la prochaine année.

Bonne stratégie ?

L’argent du Fonds des générations est géré par la Caisse de dépôt et placement du Québec et l’objectif est d’en obtenir des rendements plus élevés que le coût des emprunts du gouvernement.

La stratégie a plutôt bien fonctionné, puisque le gouvernement a obtenu de meilleurs rendements que le coût de ses fonds 15 années sur 17. Depuis 2007, la moyenne des rendements a été de 5,6 %, comparativement à un coût moyen des nouveaux emprunts de 3,2 %, soit un gain de 2,4 points de pourcentage.

En 2023, le rendement a été de 9,3 %, un écart de 5,2 points de pourcentage avec le coût des emprunts (4,1 %).

Il reste que lorsque le gouvernement fait un déficit, il augmente son endettement. Et que pour verser la part convenue au Fonds des générations, il doit augmenter ses emprunts, donc sa dette. D’où la grande importance d’avoir un meilleur rendement que le coût des fonds, ce qui n’est pas sans risque.

Pourquoi rembourser la dette ?

Cette année, justement, le ministre des Finances, Eric Girard a choisi d’utiliser les paiements prévus au Fonds des générations – et même un peu plus – pour rembourser directement la dette plutôt que d’engraisser le Fonds.

Les forts taux d’intérêt actuels justifient une telle pratique, mais le ministre a surtout procédé ainsi cette année – comme l’an dernier et l’an prochain – en raison du fort volume d’emprunt du Québec, explicable par un déficit record.

Chaque année, le budget présente aussi le solde budgétaire avant les versements au Fonds, ce qui nous donne une meilleure idée du déficit des activités courantes. Cette double présentation nous permet aussi de nous comparer aux autres provinces, qui n’ont pas de poste budgétaire comparable au Fonds des générations.

Le déficit de 2024-2025 au Québec (11 milliards) passe donc à 7,3 milliards de dollars si l’on ne soustrait pas les versements annuels au Fonds des générations et la provision pour éventualités.

Cette somme représente 1,2 % de notre PIB. En comparaison, l’Ontario vient d’annoncer un déficit pour la même année – après réserve – de 8,8 milliards, soit quelque 0,7 % de son PIB. Et récemment, la Colombie-Britannique annonçait que son propre déficit atteignait près de 1 % de son PIB pour la même période, après réserve.

Bref, même en ne tenant pas compte des versements au Fonds des générations, le déficit relatif du Québec est maintenant plus élevé que celui des deux autres grandes provinces comparables.

Les parlementaires pourraient ultimement décider de ne plus verser d’argent dans le Fonds des générations ou de présenter le déficit sans ces versements. Ce faisant, l’atteinte du déficit zéro serait facilitée, si l’on peut dire. Cette décision exigerait toutefois que la loi soit modifiée et, donc, que les parlementaires repoussent nos objectifs de réduction de la dette.

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