J’ai chroniqué il y a deux semaines sur les réseaux sociaux qui nourrissent un syndrome de comparaison à autrui tout à fait malsain1

Vous avez été nombreux à réagir.

Merci pour vos réflexions si riches…

Florilège :

DINO — Depuis quelques années, je ne publie presque plus de trucs persos. Pourquoi ? Réponse rapide : On s’en cri****. L’autre raison, c’est la dépendance que j’avais aux « likes ». Pis, tu réalises, les « likes », c’est juste un échange de politesse. Je te like, tu me likes. Sauf que… On s’en cr**** tous de ton voyage à Disney, de la médaille de ton U8 et de ton Aperol Spritz sur la rue Bernard.

Je regarde les photos de mon ami avec sa femme, en voyage. Sur les photos, ils sont toujours en train de sourire. Mais je sais qu’ils sont toujours en train de se chicaner.

JEAN-FRANÇOIS — Nous sommes allés au Mexique en famille, ma blonde, nos deux enfants et moi. Le coucher de soleil en bord de mer ? Mes enfants en ont « profité » à travers l’écran de leur téléphone, pour en faire un moment Instagram, plutôt qu’à travers leurs propres yeux… #perfectday #summervibe #sunset… Alors que dans les faits, ce n’était que du spectacle pour impressionner leurs amis. Ils ont littéralement passé leurs journées à se prendre en selfies.

MARIE — Qu’en est-il de la réalité ? Est-ce vraiment ce qu’on voit sur les réseaux sociaux ?

Des amis ont fait une publication pour décrire leurs vacances géniales en camping au Québec avec leurs deux enfants, avec de belles photos joyeuses…

Ces mêmes amis nous ont dit avoir eu des vacances merdiques, les enfants ne dormaient pas, la météo était décourageante. Ils sont revenus en catastrophe plus tôt que prévu.

Et ils ont décidé de vendre la tente-roulotte.

FRÉDÉRIC — Je suis père de deux fillettes, 6 et 9 ans. Le jeu de la comparaison me donne des malaises, quand je regarde les parents sur Instagram, sur Facebook. Même si c’est involontaire, bien des parents surexposent leurs enfants en leur faisant faire les plus belles activités, la plus belle pédagogie, le plus bel anniversaire, les plus belles relations fusionnelles…

Ma réaction primaire est souvent de me dévaloriser, alors qu’il n’y a pas de raison. Ça se manifeste par une certaine souffrance, je me rabaisse.

Ariane Hébert, psychologue, cite la théorie de la comparaison sociale postulée en 1954 par Leon Festinger pour qui les humains ont un besoin inné de se comparer, envie qui peut affecter négativement l’estime de soi tout en exacerbant la compétition avec autrui…

En 1954, dit Mme Hébert, les points de comparaison étaient le village ou le quartier, et les vedettes populaires : « Pensez à une jeune de 15 ans, aujourd’hui. Elle a accès à tellement de modèles de personnes parfaites, quasi parfaites, qui ont une présentation extraordinaire. Elle a énormément de sources de comparaison qui peuvent la faire sentir pas si adéquate, pas si jolie, pas si… tout. »

JEAN-DAVID — Les réseaux sociaux sont effectivement un vecteur de comparaison malsaine. Je me suis souvent senti nul en constatant la vie des autres (promotion, voyage, bébé, mariage, achat d’une maison). Ça me rappelait qu’à 28 ans (à l’époque) j’étais en retard…

Je sais que ce sentiment existait avant l’ère numérique. Mais les réseaux sociaux nous présentent 24/7 un modèle type de réussite très linéaire auquel nos parents (boomers ou X) n’étaient pas confrontés aussi fréquemment.

JULIE — Je suis sensible et c’est le contenu moralisant qui me perturbe. Il faudrait manger bio, s’approvisionner à une ferme locale. Mais je fréquente une épicerie, je magasine au centre commercial. J’ai une voiture, mon conjoint a un VUS et nous habitons en banlieue… Nous sommes le mal incarné ! Le contenu sur Facebook me rend malheureuse et pourtant, je suis incapable de décrocher.

STEVE — Ce que tu décris dans ta chronique, ça fait que ma fille de 12 ans en sait plus sur les produits de beauté que l’esthéticienne du Jean Coutu.

FÉLIX — J’ai décroché de tous les réseaux sociaux. Ça me permet, depuis ce temps, d’être indulgent envers moi-même. Je crois qu’aujourd’hui, je me porte mieux. Je ne crois pas m’être levé un seul matin en me disant « Je n’ai plus Instagram, mais qu’est-ce que je fais de ma vie ? Je suis en train de passer à côté de tant de contenu pertinent… »

À la place, je lis La Presse et j’écoute des balados.

FRANÇOIS — Je suis sorti des réseaux sociaux au début de la pandémie, à cause de la polarisation. J’ai appelé mes amis et je leur ai dit : Je veux pas qu’on se divise, particulièrement mon meilleur ami qui est anti-masque, complotiste et pro-Trump, tout le contraire de moi. Nous sommes restés les meilleurs amis du monde…

Ma blonde continue à se comparer à tout le monde sur Facebook (voyages, maisons, apparence, carrière, enfants). J’aimerais qu’elle lâche son téléphone quand je lui parle.

Elle tombe dans le puits sans fond des commentaires sur les publications, des commentaires à propos des commentaires, des chicanes à propos des commentaires.

Parfois, elle rit. Parfois, elle fait une belle découverte. Une chance…

VALÉRIE — J’ai 42 ans. J’ai un garçon de 4 ans. Pour moi, le pire des réseaux sociaux, c’est les mamans parfaites. C’est dur de ne pas se comparer aux mères qui coupent leurs toasts en forme de cœur dans des cuisines blanches et immaculées. Qui te disent que c’est hypersimple de revenir à ton poids d’avant, tout en faisant cinq brassées par jour, en faisant des repas santé et en appliquant la méthode Montessori.

Tout ça sans cernes, avec un brushing parfait. C’est épuisant à regarder. Même si je reste rationnelle, je me sens cheap.

Je me sens comme une mauvaise mère.

Une mère qui n’a pas repris sa shape d’avant.

Une mère qui n’en fait pas assez à la maison.

MARIE-HÉLÈNE : Le numérique me pousse au voyage, au besoin de voyager. Avant, la question était : « Est-ce que tu vas en voyage, cette année ? » Maintenant, j’ai l’impression que la question est : « Où tu vas en voyage, cette année ? »

MARIE : Je ne suis pas sur les réseaux. C’est mon chum qui me montre les photos de nos amis, de nos proches qui sont toujours en voyage. Je me dis toujours : « Câline, avec nos salaires, comment ça se fait qu’on ne puisse pas faire les mêmes voyages ? Sont pas allés dans le Sud, y a quelques mois ? Regarde leurs photos de Venise, ça a l’air malade, on ne pourrait pas y aller ? »

Ça pousse mes enfants à se comparer, à un autre niveau :

— Charlotte va à Londres avec ses parents et ses deux sœurs, cet été. Nous, on va où ?

— Ben, on retourne dans le Bas-du-Fleuve pour voir Papi…

— C’est quand qu’on va aller à Londres, nous ?

— Quand on aura 6000 $ pour quatre billets d’avion et 5000 $ pour que le voyage soit beau…

DANIEL — Tu connais la vieille expression ? Quand on se compare, on se console. Désormais, avec les réseaux sociaux, c’est : quand on se compare, on consomme.

Note : j’ai parfois édité les commentaires au nom de la concision et de la clarté. Et j’ai changé des détails pour ne pas causer de chicanes dans les chaumières, réelles ou virtuelles.

1. Lisez la chronique « Les voisins gonflables numériques »